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Jacqueline Doneddu, cadre de la fonction publique territoriale, membre du CESE

Dans le document 1 et 2 décembre 2011 (Page 87-103)

Jacques Donzelot Historien du social et sociologue de l’urbain, Jacques Donzelot est assistant puis maître de conférences à l’université de Nanterre depuis 1970, il a été de 1990 à 1993 évaluateur de la politique de la ville. Conseiller scientifique du Plan, urbanisme, construction et architecture (PUCA) depuis 1999, il dirige aux PUF une collection intitulée « La ville en débat » depuis janvier 2008.

Il a notamment publié : L’invention du social : essai sur le déclin des passions politiques (Fayard, Éditions du Seuil, 1984) ; Quand la ville se défait : quelle politique face à la crise des banlieues ? (Seuil, 2006) ; Vers une citoyenneté urbaine : la ville et l’égalité des chances (Éditions de la rue d’Ulm, 2009) ; La ville à trois vitesses (Éditions de la Villette, 2009).

Gilles Kepel

Gilles Kepel est professeur des universités et directeur de la chaire « Moyen-Orient Méditerranée » à Sciences Po. Par ailleurs, il est directeur scientifique du premier cycle Moyen-Orient Méditerranée de l’IEP à Menton. Il a aussi enseigné à New York University en 1994, à Columbia University, également à New York, en 1995 et 1996.

Parmi ses ouvrages : Expansion et déclin de l’islamisme (Gallimard, 2000) ; Fitna. Guerre au cœur de l’Islam (Gallimard, 2004) ; Al-Qaida dans le texte (sous la direction de Gilles Kepel et Jean-Pierre Milelli, PUF, 2005) ; Terreur et martyre (Flammarion, 2008).

Guillaume Pepy Diplômé de Sciences Po après des études au sein de l’École alsacienne de Paris, Guillaume Pepy se tourne vers l’ENA dont il sortira diplômé en 1984, Promotion Louise Michel.

En1987, il exerce la fonction de maître des requêtes au Conseil d’Etat et travaillera ainsi sous les ordres de Gérard Longuet, Michel Charasse ou encore Martine Aubry. La SNCF l’appelle en 1993, il dirige alors le département des investissements, de l’économie et de la stratégie de la SNCF. Directeur des grandes lignes en 1997, il prend la tête de l’ensemble des activités voyageurs en 1998. En 2003, il est nommé directeur général exécutif du groupe par Louis Gallois alors président de la SNCF. Il est président de la SNCF depuis février 2008.

Jean-Paul Bailly

En 2002, Jean-Paul Bailly est nommé à la tête du groupe La Poste et devient en parallèle président du conseil de surveillance de la Banque postale. Il engage la transformation de La Poste, la dotant d’une structure bancaire spécifique et développant le chiffre d’affaires du groupe. Nommé 2010 président du Conseil d’administration de La Poste SA, il est confirmé dans ses fonctions de PDG du groupe La Poste en avril 2011. Également administrateur du groupe GDF-SUEZ depuis 2008 et du groupe Accor depuis 2009, il est aussi président de l’association Entreprise & personnel depuis 2010.

Il est l’auteur notamment de : Nouveaux rythmes urbains : quels transports ? avec Édith Heurgon (Aube, 2001) ; Les enjeux du transport public dans les villes européennes avec Nikolas Stathopoulos (Presses de l’École nationale des ponts et chaussées, 2000).

Jacqueline Doneddu

Désignée au Conseil économique, social et environnemental par le groupe de la confédération générale du travail, elle est membre de la section de l’aménagement durable des territoires et membre suppléant de la délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques.

Elle est actuellement le rapporteur, au nom de la section de l’aménagement durable des territoires, d’un avis en cours d’élaboration intitulé Quelles missions et organisations de l’Etat dans les territoires ?

89 M. DROIT. - Bonjour. En attendant que la salle

continue à se remplir, et avant de laisser la parole à Luc Bronner, rédacteur en chef du Monde, qui va animer la première table ronde, je voudrais souligner que cette seconde journée du colloque

« Vivre ensemble, entre confiance et défiance » va être diversifiée.

Elle s’ouvre par la table ronde « Un État, des territoires », se poursuivra par une réflexion de Gérard Berry sur les inversions mentales que requiert le monde numérique. Parmi ces inversions, il y a le fait que nous sommes encore plus nombreux sur Internet, plus de 3 000 connexions hier. Nous sommes heureux de constater que ce colloque rencontre une audience importante.

Je remercie tous les participants et cède la parole à Luc Bronner.

M. BRONNER.- Bonjour à tous. Merci de votre présence. Merci aussi aux internautes qui vont nous suivre en streaming sur le site de Vivre ensemble. J’ai le plaisir de vous accueillir pour cette table ronde sur la thématique « Un État, des territoires », sujet vieux comme la République, et même au-delà si l’on remonte dans l’Histoire de France ; mais sujet renouvelé par une série de facteurs et de pistes de réflexion que nous évoquerons au cours de nos discussions : À la mondialisation, évidemment, qui rebat les cartes des territoires à l’échelle mondiale, qui rebat aussi les cartes des territoires à l’échelle nationale et dans l’espace local, avec des dimensions économiques, des dimensions culturelles, et la question évidemment centrale des échanges entre territoires.

Le triomphe de l’individualisme, autre sujet évoqué au cours de la rencontre hier et dans le supplément que nous avons publié ; triomphe de l’individualisme qui modifie les comportements, qui fait évoluer les rapports sociaux. C’est évidemment aussi un des points-clés pour comprendre les rapports de confiance et de défiance entre les citoyens et les institutions locales ou nationales.

Les politiques publiques qui, on le sait, évoluent avec la RGPP, avec toutes les politiques de modernisation, et avec, dans certains cas aussi, l’ouverture à la concurrence.

Ces thématiques seront abordées à travers La Poste et la SNCF. Ce sont des sujets historiques et d’actualité, avec une actualité croissante pour les mois qui viennent puisqu’en période de campagne présidentielle, puis législative, la problématique des inégalités de territoire fera débat.

Sur ces sujets passionnants, je vous propose quatre regards, quatre points de vue, quatre expériences , considérant que sur cette question complexe du rapport entre un État et ses territoires, la pluralité des points de vue était un élément essentiel.

Jean-Paul Bailly, pour commencer, vous êtes président du groupe La Poste, membre également du Conseil économique, social et environnemental. La Poste, vous nous le direz tout à l’heure, c’est plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, c’est aussi 17 000 « points de contact », selon un jargon classique dans la Fonction publique et les services publics. La problématique de la proximité et de la confiance est donc évidemment au cœur de vos réflexions.

Gilles Kepel, vous êtes professeur à Sciences-Po, membre de l’Institut universitaire de France, auteur de nombreux travaux sur l’islam, dont les derniers ont fait beaucoup de bruit, y compris à la une du Monde, avec une enquête pour l’Institut Montaigne, passionnante, sur la situation de deux villes-symboles de la crise des banlieues : Clichy-sous-Bois et Montfermeil. Vous nous en parlerez évidemment tout à l’heure en insistant sur la question de l’enclavement et du désenclavement, question qui vaut pour le monde rural, mais aussi parfois pour des villes à moins de 15 km du centre de Paris.

Jacqueline Doneddu, vous êtes cadre de la fonction publique territoriale, également membre du Conseil économique, social et environnemental. Vous avez été rapporteur pour le Conseil d’un avis rendu public il y a quelques jours sur la thématique qui colle parfaitement à nos discussions de ce matin : quelle mission et quelle organisation de l’État dans les territoires ? Guillaume Pepy, enfin, vous êtes président de la SNCF. La SNCF, c’est plus de 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais c’est surtout, 30 000 km de réseau, et donc une position en première ligne sur les changements de comportement. Juste deux chiffres et je vous donnerai ensuite la parole puisque vous m’avez dit que vous étiez appelé à une réunion importante et que vous deviez partir à 9 h 15 :

–la fréquentation du Transilien : + 27 % en 10 ans ;

–la fréquentation des TER : + 40 % sur la même période.

On est bien là sur la problématique des évolutions des comportements sociaux. Vous nous direz notamment comment s’articulent la vision de l’État, si l’État a une vision en termes d’aménagement du territoire, et la gestion d’un grand service public comme la SNCF.

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Merci à tous pour votre présence. Les internautes peuvent poser des questions à travers Twitter, et notamment le Hashtag VE 2011 et nous nous ferons un plaisir de les relayer à la tribune. Nous aurons un temps d’échange et de discussion avec les auditeurs en deuxième partie.

Guillaume Pepy, vous avez la parole.

M. PEPY.- Merci beaucoup. Je vais d’abord remercier le président Delevoye de cette initiative et vous prier également d’excuser mon départ : le vice-Premier ministre russe, notamment chargé de l’énergie et des transports est à Paris, et nous avons des discussions avec lui sur les projets de TGV entre Moscou et Saint-Pétersbourg, dans lesquels Français et Allemands sont dans l’état d’esprit que vous imaginez pour séduire nos amis russes !

Je voulais simplement, avant de faire trois remarques sur le sujet qui est le nôtre aujourd’hui, donner un témoignage de la pertinence du thème retenu pour cette journée.

Au fond, le secteur des transports manifeste deux choses éclatantes :

–le risque d’exclusion, et Gilles Kepel y reviendra plus tard. L’exemple désormais symbolique est celui que donne le maire de Clichy-Montfermeil, qui fait observer qu’en dépit des 15 km qui séparent Clichy-Montfermeil de Paris, il est plus long, dans la France du XXIème siècle, de venir de Clichy-Montfermeil à Paris que de faire Lille-Paris. Et ce n’est pas près de changer.

C’est un cas d’exclusion absolument majeur que l’on a laissé se créer et auquel l’on mettra du temps à porter remède.

–le fait que les transports restent un des rares lieux ouverts à tous dans la société, et tant mieux, mais qu’ils concentrent, donc catalysent un nombre de tensions incroyable, et ce n’est pas Jean-Paul Bailly qui nous contredira.

Qu’aujourd’hui, les bus du service public, qui sont les seuls liens entre les quartiers et l’autre

« vie », soient pris pour cible est une sorte de paradoxe absolument insupportable, et c’est quand même la réalité. On s’attaque à ce qui reste de service public dans les quartiers parce que c’est un des seuls endroits dans lesquels les uns et les autres peuvent se trouver.

Mes trois remarques sont les suivantes.

Premièrement, je constate que le rôle des différents acteurs dans notre secteur de la mobilité s’est brouillé et qu’aujourd’hui, il y a des risques d’incohérence énormes.

Au fond, il y a quelques années, dès que l’on parlait de la mobilité, l’État décidait de tout, il avait tous les pouvoirs d’autorité organisatrice, les entreprises publiques, son propre réseau dans les territoires, et que cela plaise ou non, il y avait au moins une ligne directrice bonne ou mauvaise, et, au fond, tout cela était bien exécuté. Cette situation perdure jusqu’au début des années quatre-vingts. Puis le paysage évolue et se brouille ; il y a la création d’autorités organisatrices, tant mieux, puis les collectivités locales émergent et elles sont, en France, très nombreuses et interpénétrées, et des régulateurs viennent ajouter à la complexité.

Dans notre cas, on a distingué en plus les rails des trains, et même peut-être un jour les gares, c’est-à-dire que le système est en voie d’éclatement.

Si vous voyez les gares d’un côté (3 000 en France), les rails (33 000 km), plus les trains (15.000 par jour en circulation sur le réseau), vous vous apercevez que, plus vous émiettez, plus les risques d’incohérence sont nombreux, ou au moins, chacun fonctionnant suivant son tuyau d’orgue, il y a peu de chances que tout cela débouche sur une stratégie cohérente.

Aujourd’hui, nous avons vraiment le sentiment qu’évidemment, la démocratie y a gagné de même que le débat public . Anecdotiquement, il faut voir aujourd’hui que le moindre projet de transport quel qu’il soit donne lieu à un débat public incroyable, d’une richesse formidable, dans lequel les points de vue s’entrechoquent, mais au total, les projets publics mettent maintenant non plus 5 à 10 ans mais 10 à 15 ans, et certains mettront 20 ans à aboutir tant le choc des avis, finalement, aboutit à retarder leur émergence.

Pour terminer sur cette première remarque, deux points m’ennuient : ce système-là n’a pas permis d’arriver aux bonnes priorités entre la très grande vitesse et les trains de la vie quotidienne.

Hier, on était en Franche-Comté avec beaucoup d’élus du Grand Est. On n’arrive pas, dans ce pays, à sortir notre collectif de la magie de la très grande vitesse. On sait ce que l’on doit au TGV, mais à 20 M€ du kilomètre, on ne va pas pouvoir recouvrir la France de TGV, au moins dans les années qui viennent. Pour autant, cela reste une préoccupation permanente et assez vindicative de l’ensemble des élus, gauche et droite réunies, pendant que les trains de la vie quotidienne... On en parle, mais on n’est pas prêt à faire les bons arbitrages.

Enfin, pour prendre un dernier exemple là-dessus, où est-on le plus mal transporté en France ? En Île-de-France, c’est incontestable.

En Île-de-France, notre organisation est devenue d’une complexité absolument incroyable. Il y a

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départements, l’État, la Ville de Paris. Au fond, les grandes priorités que sont le Grand Paris, le schéma directeur des infrastructures, le plan de mobilisation, tout cela prend un temps extraordinaire à être élaboré et une fois que c’est fait, on est comme épuisé et on se dit qu’il faudra encore dix ou quinze ans de mise en œuvre alors qu’il y a une formidable urgence .

Deuxième remarque : un mot sur la méthode que nous proposons pour essayer d’avancer sur ce sujet et qui consiste à tenter de concilier des principes d’efficacité et de rentabilité.

Évidemment, principe de rentabilité parce qu’une entreprise publique, si elle n’atteint pas des objectifs de rentabilité, qu’on le veuille ou non, sera un jour ou l’autre éclatée ou privatisée. Sa rentabilité est donc un critère d’évaluation de son activité, de même que son efficacité globale qui doit elle aussi être prise en considération.

Pour nos activités dites « conventionnées », c’est-à-dire les activités de service public, nous devons faire prévaloir dans notre pays, l’idée qu’il faut plus de service public, c’est sûr, mais à un coût raisonnable pour la collectivité. On ne peut plus parler des services publics comme d’ une sorte de mot magique sans mettre en regard les coûts qu’ils engendrent pour la collectivité. Dans les transports régionaux (TER), il faut savoir que les contribuables paient 60 % et les usagers, 40 % du service.

Deuxième considération pour nous : le train, c’est formidable, c’est une colonne vertébrale, mais il n’y a pas que le train dans la vie et il faut que l’on arrive à faire prévaloir d’autres modes de transport collectif plus économes : taxi à la demande, bus écologique, train-tram, tramway, etc. Bref, il faut que l’on ait toute la gamme des modes de transport sinon, on engendre des coûts complètement déraisonnables pour la collectivité.

Disons un dernier mot des activités en concurrence, par exemple le TGV, dont je parlais il y a un instant. Si l’on veut mieux tenir compte des territoires, il n’y a qu’ un type de méthode : ce que nous avons appelé la « co-construction ».

Autrement dit, accepter même si nous sommes les décideurs en dernier ressort, de remettre une partie de notre pouvoir pour co-construire avec les corps sociaux, les réponses aux questions suivantes : quel type de TGV, pour quel trajet, avec quelle tarification, quelle politique de desserte ?.

C’est ce que nous essayons de pratiquer tout en soulignant que les réussites ne sont pas totales. Je donne un exemple de nos échecs : nous essayons de sauver les trains classiques dans notre pays,

les fameux « Corail » de notre jeunesse. Le Corail est l’intermédiaire entre le train régional et le TGV, mais nous sommes, dans beaucoup de cas en échec parce que, pour qu’un train Corail survive à l’autoroute, il faut essayer de le faire accélérer et de le rendre compétitif avec une vitesse de 130 km/h. Malheureusement, notre pays vit sur l’idée que le droit aux arrêts est imprescriptible ; de ce fait les « Corail » roulent de plus en plus lentement. En roulant lentement, ils satisfont l’exigence collective de s’arrêter, mais c’est un système de mort lente parce qu’ils décrochent par rapport à l’autoroute.

Dernière remarque : sur l’État. Vous demandiez :

« Comment peut-on envisager le rôle de l’État à l’avenir ? ». À l’évidence dans notre secteur, l’État doit être l’aménageur , l’architecte en chef. Ce n’est pas un rôle facile. Je prends un exemple dont le Conseil économique, social et environnemental vient d’être saisi : le schéma national des infrastructures de transport.

La version d’origine était destinée à donner satisfaction absolument à tout le monde avec un programme impressionnant, gigantesque, qui suscite l’admiration et l’envie collectives, mais qui reflétait une incapacité à choisir parce que tout le monde avait conscience, en ouvrant ce document, qu’il était strictement impossible qu’une proportion raisonnable de ce schéma national soit réalisée. On arrive maintenant à un système dans lequel la sélectivité, les choix d’arbitrage vont être devant nous, de même que va être posée la question de la contrainte énergétique .

Pour ce qui me concerne, il faut absolument que l’État accepte, dans ces domaines-là, d’effectuer des arbitrages dont il a seul la légitimité.

Dans notre secteur, on assiste depuis plusieurs années à un retrait de l’État de la décision, comme si la décision , comme si l’arbitrage faisaient peur. Si j’étais cruel, je dirais que pendant des années, l’État n’a pas su arbitrer entre la RATP et la SNCF, entre RFF et la SNCF.

C’est pourtant son rôle de dire un jour à l’un :

« Vous avez raison » et l’autre jour, peut-être, à l’autre : « Vous avez raison », mais en tout cas, d’arbitrer de façon qu’il puisse réellement anticiper les besoins et corriger les effets du marché dans les transports. Par conséquent, nous souhaiterons toujours, dans le secteur de la mobilité, qu’il y ait véritablement, dans notre pays, en dépit de l’éclatement, quelqu’un qui se sente en charge in fine - cela ne peut être que le politique - de prendre les décisions, de réellement arbitrer. Car si l’on veut refaire une société de la mobilité, il va bien falloir, dans notre

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pays, que quelqu’un dise avec quelle architecture et quelles finalités.

Je vous remercie. (Applaudissements)

M. BRONNER.- Merci pour votre exposé. Je vous propose un échange avec la salle pour que, si certains d’entre vous ont des questions, vous puissiez y répondre avant de partir.

Je commencerai par une question posée sur Twitter et relative à la politique du Vivre ensemble, aux moyens, de votre point de vue, pour lutter contre la ghettoïsation des banlieues.

Comment, en tant qu’opérateur et acteur important du territoire régional notamment en Île-de-France, la SNCF peut-elle agir pour faire face au phénomène, que vous expliquiez vous-même, de ghettoïsation ?

M. PEPY.- Le principal levier est, hélas, d’une tristesse, mais aussi d’une trivialité totales : il faut plus d’argent et s’il faut plus d’argent pour lutter contre la ghettoïsation, cela veut dire qu’il faut en mettre moins ailleurs.

Je reviens à ma petite marotte ; je sais ce que la SNCF doit au TGV, je sais ce dont notre pays peut être fier, nous sommes l’un des champions mondiaux de la grande vitesse ! Mais encore une fois, un kilomètre de TGV coûte 20 M€,alors qu’

un kilomètre de rénovation d’une ligne existante revient à 1 M€ ! Donc le rapport entre rénover et faire du neuf n’est pas de 1 à 2 ou 1 à 3, mais de 1 à 20 ! À un moment donné, il faut que le choix collectif puisse s’exprimer. En Île-de-France, il manque de l’argent.

Nathalie Kosciusko-Morizet a réussi, l’année dernière ou cette année, à dégager 1 milliard d’euros pour les RER. Formidable ! Pendant ce temps et en parallèle, nous conduisons, dans notre pays, quatre projets à grande vitesse. Ainsi, encore une fois la question qui devra être posée dans les mois et années à venir est la suivante : quel est le point d’équilibre entre ce que l’on veut faire pour construire de nouveaux réseaux de transport, qu’ils soient ferroviaires, fluviaux, etc.

- on pourrait parler du canal Seine-Nord - d’une part et ce que l’on veut faire, d’autre part, pour améliorer les dessertes existantes, notamment dans les grandes agglomérations ?

M. BRONNER.- Une autre question sur la confiance, qui est au cœur des rapports entre l’État et ses territoires, puisque vous devez régulièrement faire face à des situations de crise. Vous devez aussi - vous l’évoquiez sur la question des RER en particulier - lutter contre une dégradation du service public ressentie par les usagers ; comment rétablir la confiance entre votre institution et ces derniers ?

M. PEPY.- Je n’ai pas de recette miracle sur la question de la confiance, si j’en avais une, je serais Président de la République !

En Île-de-France, les voyageurs sont des héros du quotidien parce que 3,5 millions de personnes voyagent tous les jours dans des systèmes de transports saturés ; et quelles que soient les qualités des opérateurs et leur expertise, quand le RER A, que connaît bien Jean-Paul Bailly, draine 1,1 million de voyageurs par jour et qu’il n’arrive même plus, compte tenu de la foule, à tenir les fréquences, cela montre bien que le système explose. Il s’agit donc bien d’ un défaut d’anticipation.

Heureusement, la décision a été prise il y a 2 ans par François Fillon de doubler le RER A par un RER E, mais cette décision, il eût fallu la prendre il y a cinq, dix ou quinze ans ; la solution pour la confiance consisterait à réellement dire ce que l’on va faire, et faire ce que l’on a dit, en étant suffisamment sélectif pour recréer entre les voyageurs et les systèmes de transports un réel espoir d’amélioration, et pas seulement, encore une fois, sur le réseau à grande vitesse.

Enfin, un petit problème est souvent posé, celui de la transparence dans les très grandes entreprises publiques vis-à-vis des autorités organisatrices. D’une façon ou d’une autre, il faudra que nos grands établissements publics s’organisent davantage en filiales. Ce n’est pas un problème d’ouverture du capital, ce n’est pas une question de faire de la place au privé, mais d’avoir des entités juridiques qui témoignent du fait qu’il y a une gouvernance particulière, une transparence des comptes, des leviers et une baisse du centre de gravité dans nos très grandes entreprises publiques, en tout cas dans celle que je dirige.

M. BRONNER.- Avez-vous des questions ? M. PABOEUF.- Merci de ces deux jours et de ce débat important sur la question des transports et des territoires. Je suis Luc Paboeuf, président du Conseil économique, social et environnemental de la région Aquitaine.

Il a été question de l’Île-de-France, mais je voulais apporter un témoignage et poser une question concernant un événement qui est beaucoup discuté aujourd’hui : le bouleversement des horaires 85 % de changements au mois de décembre. Cette question porte sur la co-construction de la conduite du changement.

Dès lors que 85 % de la grille des horaires doivent changer, nous sommes dans un contexte tout à fait extraordinaire et ce, pour de bonnes raisons, puisqu’il s’agit de faire un certain nombre de travaux qui satisfont les utilisateurs, notamment

Dans le document 1 et 2 décembre 2011 (Page 87-103)