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Un échantillon fabriqué au laboratoire à partir d’un mélange 1V/1V d’échantillon de la Krka et de l’échantillon d’eau de mer de salinité 38 a été analysé dans les même conditions que les échantillons obtenus dans les 2 campagnes de prélèvements afin de le comparer à l’échantillon naturel de salinité 19 prélevé en 2008. Le but est de confirmer, que les propriétés complexantes de ce dernier sont significativement différentes d’un échantillon de même salinité qui aurait été créé à partir des échantillons sources.

Cet échantillon préparé présente une salinité de 19,3, et une concentration en carbone calculée de 0,74 ± 0,02 mgC.L-1 ainsi qu’une concentration en cuivre totale de 3,2 nM.

Les titrations réalisées pour l’échantillon prélevé de salinité 19 (sal19), ainsi que l’échantillon synthétique de salinité 19 (Synth Sal 19), ainsi qu’une courbe de titration simulée grâce à MINEQL à partir des résultats des paramètres de complexation obtenus à l’équilibre, pour un mélange 50/50 des échantillons de la Krka et de l’eau de mer, sont présentées sur la Figure IV-13.

pCuT 6.0 6.5 7.0 7.5 8.0 8.5 pCu la b 6.0 7.0 8.0 9.0 10.0 Sal 19 Fit Sal 19 Synth Sal 19 Fit Synth Sal 19 Simul Sal 19 Fit Simul Sal 19 1:1

Figure IV-13 : Courbes d’ajout log de l’échantillon de salinité 19 naturel de 2008, de l’échantillon synthétisé à

partir des échantillons de la Krka et de l’eau de mer, et d’un échantillon théorique simulé avec MINEQL.

On peut, tout d’abord, voir graphiquement que l’échantillon simulé avec MINEQL (courbe en losange) présente un comportement complètement différent de ceux des échantillons de salinité 19 naturel et synthétique (respectivement courbes en croix et carrés). Le fitting par PROSECE de la titration simulée en définissant 3 ligands, conduit à des valeurs très proches des paramètres théoriques (Tableau IV-3).

La différence, entre l’échantillon synthétique et celui simulé, peut s’expliquer de différentes manières. Une explication pourrait venir du fait que le mélange des eaux de la Krka et de l’eau de mer peut conduire à des changements de conformation de la matière organique dus à la différence de force ionique entre ces différents milieux, mais aussi, par le fait, que nous ne tenions pas compte, des effets de compétitions pouvant se produire entre les cations majeurs et les ligands.

De plus, il n’est pas à exclure qu’il n’existe pas une différence due au mélange d’échantillons déjà filtrés et donc exempts de MON particulaire.

La dernière ligne du Tableau IV-3 montre le fitting de l’échantillon synthétique, en fixant les valeurs de concentrations en ligands comme étant la moitié de celles des échantillons initiaux, comme ce qui est attendu lors d’une simple dilution. Les constantes de complexations quant à elles, sont optimisées en contraignant leurs variations respectives suivant une augmentation, pour celles correspondantes aux sites de l’échantillon marin, et une diminution pour celles de l’échantillon de la Krka, comme ce qui devrait se produire si la modification de l’échantillon était simplement due à un effet de compétition avec les cations majeurs (cf. partie IVB1b)).

Tableau IV-3 : Comparaison des propriétés de complexations des échantillons Krka, eau de mer et salinité 19

naturel, synthétique et théorique

Krka 16.30 ± 0.50 10.90 ± 0.04

Eau de mer 58.00 ± 1.30 9.99 ± 0.02 6.06 ± 0.15 12.30 ± 0.10 Sal 19 théorique 27.90 ± 0.00 9.97 ± 0.01 9.07 ± 0.00 10.83 ± 0.01 3.24 ± 0.00 12.25 ± 0.01 Sal 19 naturel 67.60 ± 2.20 9.70 ± 0.00

Sal 19 Synthétique 96.10 ± 6.50 9.30 ± 0.00 3.60 ± 0.20 12.20 ± 0.20 Sal 19 Synth avec Lt fixé 29.00 10.00 ± 0.05 8.14 9.14 ± 0.58 3.03 12.36 ± 1.00 L3T (nM) logKCuL3 L1T (nM) logKCuL1 L2T (nM) logKCuL2

Ce dernier fitting, présenté sur la Figure IV-14, permet de voir assez facilement, l’existence d’une erreur sur le fitting non négligeable, même si le pourcentage d’erreur reste assez faible. On peut donc déduire de ce graphique, que seul la compétition de la MOND avec les cations majeurs (calcium, magnésium), ne permet pas d’expliquer les changements des propriétés de la MOND observés. Dans le milieu naturel, en posant l’hypothèse qu’il n’y ait pas d’apport de MOND due, par exemple, à une activité biologique dans la couche intermédiaire, celle-ci subit donc des changements de conformation liés à l’évolution de la force ionique du milieu, conduisant à des propriétés de complexations significativement différentes de celles pouvant être calculées pour une simple dilution.

pCuT 6.0 6.5 7.0 7.5 8.0 8.5 pCu la b 6.0 7.0 8.0 9.0 10.0 Erre u r (% ) -10 -5 0 5 10 Synth Sal 19

Fit Synth Sal 19, 3 Lt fixés 1:1

erreur du fitting (%)

Figure IV-14: Courbe d’ajout log de l’échantillon de salinité 19 synthétique de 2008 modélisé avec 3 ligands dont

les concentrations en ligands ont été fixées par celles des échantillons Krka et eau de mer, chacune divisées par 2 ; seuls les 3 logK sont modifiés lors du fitting

Ensuite, on peut constater dans le Tableau IV-3 qu’il existe un seul, et unique, ligand sur l’échantillon de salinité 19 naturel, alors que l’échantillon synthétique fait apparaître 2 ligands. Cette différence majeure et significative pourrait s’expliquer en partie par le fait que l’échantillon naturel présentait une plus forte concentration de cuivre initiale (environ 8 nM) pouvant masquer, le site le plus fort. Cependant, le fitting des données de l’échantillon synthétique limité à la gamme d’ajout correspondante à celle de l’échantillon naturel (i.e. pour une concentration initiale commençant vers 8 nM) nécessite tout de même l’utilisation d’un set de 2 ligands. L’hypothèse d’une saturation d’un ligand fort peu concentré (LT<CuT) est donc peu probable. Ceci tend donc à montrer, une fois de plus, que l’échantillon naturel est bien significativement différent de l’échantillon synthétique.

L’échantillon naturel de salinité 19 présent dans la couche de mélange eau douce /eau salée montre donc un comportement significativement différent de celui provenant du mélange « pur » entre l’eau de rivière et l’eau de mer. Ceci peut être expliqué, à la fois, par les nombreuses réactions physico-chimiques qui se produisent à l’interface eau douce /eau marine, mais aussi, par des changements de conformation de la MOND pouvant être engendrés par la variation de la force ionique du milieu, et enfin, par la présence d’une activité biologique et/ou de déchets biologiques accentués à ce niveau de la colonne d’eau dans cet estuaire (Ahel M. et

al., 1996 ; Cauwet G., 1991 ; Denant V. et al., 1991).

IVB2. Constantes cinétiques d’association et de dissociation

Les données représentées dans cette partie sont celles obtenues par une modélisation séparée de chacune des courbes de cinétique obtenue après chaque addition de métal. De part la largeur de la fenêtre analytique utilisée sur la titration métallique, les barres d’erreurs obtenues, sur la détermination cinétique des paramètres de complexation, semblent être importantes, mais reflètent en fait, principalement, la fenêtre analytique utilisée. Cet aspect sera traité dans la dernière partie sur la comparaison des différentes techniques utilisées ; il faut donc ici regarder principalement les valeurs moyennes des constantes obtenues et non les valeurs des barres d’erreur associées.

Les valeurs des constantes d’association log 1 1

k ainsi que celles de dissociation logk11des

complexes MLx, permettent d’obtenir des informations sur la rapidité et la stabilité des phénomènes de complexation du métal avec la MOND dans le milieu. Ces valeurs sont présentées sur la Figure IV-15 pour les deux campagnes de prélèvements (2007 et 2008) en fonction de la profondeur.

Les constantes cinétiques d’association, quel que soit la campagne étudiée, montrent des constantes plus élevées pour le site fort (croix, Figure IV-15), avec une constante d’association moyenne de log 1

1

k de 4,1, comparée à celle du site le plus faible logk de 3,5. Les constantes 12

de dissociations quant à elles, varient dans le sens opposé avec des moyennes pour respectivement le site fort log log 1

1

k et le site faible log 1 2

k de -8,2 et -6,1.

Ceci indique que l’augmentation de la force du ligand est due à la fois à une vitesse d’association plus rapide et une dissociation plus lente des complexes formés.

La tendance globale pouvant être observée avec la salinité est une augmentation de la constante d’association pour une constante de dissociation relativement constante (2007) ou légèrement diminuante (2008).

Ces observations expérimentales semblent donc aller à l’encontre de ce qui a été décrit par Hering J.G. et Morel F.M.M (1989) pour des sites forts. En effet, d’après leur étude réalisée sur la complexation du cuivre avec des ligands forts modèles (EDTA, NTA) et des substances humiques (SH) extraites, ils ont calculé que les constantes d’associations des ligands forts modèles devraient diminuer dû à un plus fort effet de compétition avec les cations divalent. Cependant, les résultats obtenus dans leur étude, pour des conditions naturelles, sont extrapolés à partir d’expériences réalisées à de plus fortes concentrations en ligands et en métaux, et la technique de quenching de fluorescence qu’ils utilisent pour étudier l’affinité entre le Cu et les SH est bien moins sélective et sensible que la DPASV.

Nos resultats sont cependant comparables à ceux de Ma H. et al. (1999), qui ont étudié les cinétiques d’association du cuivre avec des acides humiques extraits (Aldrich) en présence de calcium. Ils ont cependant supposés que la concentration en ligand Li correspondait à la concentration en ligand totale L et non à sa concentration libre, ce qui simplifie fortement la

procédure de fitting. Si l’on recalcule à partir de leur concentration en ligand (Li) le plus fort et de leur constante d’association

i

k (k = i ki1Li) la constante d’association 1

i

k comme celle

calculée dans notre étude, on peut estimer la constante à 3,2 en log. Malgré les conditions analytiques différentes (échantillon artificiel, plus forte concentration de MO, analyse potentiométrique), cette valeur est du même ordre de grandeur que celles obtenues dans notre étude. logk1ML2 2007 logk1ML2 2008 logk1ML1 2008 logk1ML1 2007 logk-1 ML2 2007 logk-1 ML1 2007 logk-1 ML2 2008 logk-1 ML1 2008 logki1 -9.0 -8.0 -7.0 -6.0 3.0 3.5 4.0 4.5 P rofondeur (m) -10 -8 -6 -4 -2 0 logki-1

Figure IV-15 : Constantes cinétiques d’association logki1 et de dissociations logki-1 obtenues pour les échantillons de 2007 (triangles et croix vides) et 2008 (triangles et croix pleines). Sites forts représentés par des croix et sites faibles par des triangles

Si l’on compare, maintenant, les campagnes de 2007 (symboles vides) et 2008 (symboles pleins) ; les échantillons marins (de -4 à -8,5m) présentent des constantes cinétiques tout à fait semblables, ce qui n’est pas le cas pour les échantillons de salinités plus faibles. En 2008, les constantes d’association sont supérieures à celles de 2007 montrant, comme il a été observé dans les résultats obtenus à l’équilibre, qu’en 2007 il existe une plus forte activité biologique en surface de l’estuaire. De plus, l’échantillon de surface de 2007 présente spécifiquement une très forte constante d’association et une très faible constante de dissociation, comparé aux autres échantillons. Ceci appuie encore l’hypothèse d’une MOND spécifique d’origine biologique présente à la surface de l’estuaire, notamment en 2007.

La valeur moyenne de constante de dissociation observée pour le ligand le plus faible se situe à un log 1

2

k = -6,1. Ces valeurs sont donc un peu plus faibles que celles observées pour le même type d’expérience réalisée sur une cinétique de 2 heures dans le cas du cuivre par Fasfous I.I. et

al. (2004), aux alentours de logk21 = -5, mais avec une solution modèle d’acides fulviques de

la rivière Laurentian. Cependant, leurs constantes ont été obtenues pour des expériences réalisées à un pH = 5 et pour une force ionique beaucoup plus faible (6 µM). Le pH plus faible pourrait en effet en partie expliquer la constante de dissociation plus forte qu’ils ont obtenu par

le fait qu’une augmentation de la quantité de proton décalerait l’équilibre de dissociation L M k ML  1

par un effet de compétition.

Concernant les ligands forts ML1, si l’on étudie leurs constantes de dissociation, on peut voir qu’elles sont beaucoup plus faibles que celle des sites ML2 (2 ordres de grandeurs), ce qui montre que les métaux liés à ce type de site sont beaucoup plus difficilement dissociables de la MOND dans le milieu. Ce type de constantes cinétiques, avec des constantes d’association assez rapides et de très faibles constantes de dissociation montre, l’importance des sites forts, qui malgré leurs très faibles concentrations dans le milieu, peuvent influer largement sur la biodisponibilité d’un métal en le piégeant très fortement. La principale caractéristique des sites forts est donc leur très faible constante de dissociation.

Globalement, la faible augmentation des constantes d’association, couplée avec une diminution des constantes de dissociation, explique les plus fortes constantes d’équilibre conditionnelles déterminées plus en profondeur avec la salinité croissante.

Les observations cinétiques nous apportent donc une information supplémentaire sur la réactivité de la MOND dans l’estuaire. On peut voir que ces constantes cinétiques sont responsables d’équilibres relativement lents de l’ordre de 2 heures (Figure IV-8) qui peuvent donc entraîner des modifications notables de la spéciation métallique lors de variations physico-chimiques importantes, comme dans ici le cas d’un estuaire, compte tenu des mouvements hydrodynamiques permanents. Dans d’autres cas, ces mêmes temps d’équilibre pourraient être considérés comme rapide, comme par exemple dans des études océanographiques (Dycomed) où les masses d’eau en profondeur subissent beaucoup moins de changements rapides. Les informations apportées sont donc relatives à l’environnement étudié. Une meilleure connaissance de la cinétique des échanges MOND - métaux traces est donc nécessaire afin de pouvoir inclure dans les programmes environnementaux de modélisation et de transport, cet aspect cinétique permettant de prédire avec plus de précisions le comportement des polluants métalliques dans des écosystèmes soumis, dans des temps relativement faibles, à de forts changements physico-chimiques.

IVB3. Comparaison des résultats de complexation obtenus par les approches à l’équilibre et cinétiques

IVB3a) Type de résultats obtenus pour un échantillon