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III. P OLARISATION PROVOQUÉE

5. D ISTRIBUTION DES CHARGES ÉLECTRIQUES EN PRÉSENCE DE BACTÉRIES

5. D

ISTRIBUTION DES CHARGES ÉLECTRIQUES EN PRÉSENCE DE BACTÉRIES

Les hydrocarbures modifient la chimie de l’interface grain/fluide [Vanhala et al., 1992 ; Olhoeft, 1985]. Par conséquent, les mesures PP sont sensibles à la pollution par des hydrocarbures, bien que cette signature dépende aussi du type de contaminant, de sa mouillabilité et de son degré de saturation [Schmutz et al., 2012, 2010 ; Revil

et al., 2011 ; Cassiani et al., 2009], ainsi que de la lithologie du milieu pollué [Cassiani et al., 2014 ; Kemna et al., 2004].

La présence de bactéries introduit de nouvelles interfaces (fluide/bactéries) et elles modifient aussi les propriétés électriques du milieu granulaire. De plus, l’activité bactérienne influence les propriétés physico-chimiques du milieu, et donc ses propriétés électriques [Atekwana and Atekwana, 2010].

a) S

URFACE DES BACTÉRIES

Comme cela a été décrit précédemment, les bactéries sont classées en deux groupes en fonction de leur structure membranaire. Mais, Gram + ou bien Gram -, cela ne renseigne pas sur la polarisation de la membrane. En effet, dans les deux cas, la surface des bactéries, comme celle des minéraux, est chargée négativement [Revil et al., 2012 ; Margo, 2009].

La paroi des bactéries Gram+ est chargée négativement parce que le peptidoglycane comprend beaucoup d'acides téichoïques (donc beaucoup d'ions phosphate PO43-). La membrane externe des bactéries à Gram- comprend une importante quantité de phospholipides (donc beaucoup d'ions phosphate aussi). La dissociation de groupes acides au niveau de groupements carboxyle (R-COOH) et hydroxyle (R-OH) joue aussi en faveur d’une charge nette négative (cf. Annexe 1). Le degré de dissociation de ces groupes chargeables est fonction du pH et de l’activité de la solution électrolytique environnante.

Généralement, le point isoélectrique des bactéries est à pH 2 et leur surface est chargée négativement à pH 7. Mais, cela est très variable selon les bactéries et les conditions environnementales [Li and McLandsborough, 1999] (cf. Annexe 1).

Cela entraîne que les ions positifs du milieu extracellulaire sont attirés à la surface des cellules, formant ainsi une double couche, comme à la surface des minéraux. Pour les mesures électriques basse fréquence, la relaxation liée à la diffusion des nuages de contre-ions présents à la périphérie des bactéries est dominante [Margo, 2009] (Figure III-7-a et b).

Récemment, Zhang et al. (2013) ont montré que la signature électrique d’une suspension bactérienne évoluait au cours de sa croissance. Les parties réelle et imaginaire de la conductivité complexe augmentent avec le nombre de bactéries à basse fréquence (< 10 Hz). Cependant, la conductivité finit par diminuer à mesure que les bactéries vieillissent. Les auteurs en concluent que la PP est un outil qui peut être utilisé pour surveiller la biomasse et ses différents stades évolutifs.

b) I

NFLUENCE SUR LES PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES DU MILIEU GRANULAIRE

Les microorganismes ont une large surface spécifique [van der Wal et al., 1997a, 1997b]. Ainsi, les microorganismes qui se développent en colonies peuvent augmenter la rugosité de la surface de sédiments lisses et donc augmenter leur surface spécifique et leur conductivité électrique.

L’adhérence des bactéries chargées négativement sur des surfaces minérales chargées elles aussi négativement provoquent des mouvements de charges de l’électrolyte. Les bactéries sont éloignées par interaction électrostatique du minéral. La capacité d’échange cationique (CEC) est définie par la capacité d’échange de cations entre le minéral et l’électrolyte. Les bactéries exploitent cette propriété pour se fixer aux minéraux. En utilisant les cations fixés au minéral comme relais, les bactéries peuvent adhérer à la surface des minéraux et ainsi indirectement modifier les propriétés électriques de la DCE [Atekwana et al., 2006] (Figure III-7-c).

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FIGURE III-7 : SCHÉMA ILLUSTRANT LA RÉPARTITION DES CHARGES AUTOURS D’UNE BACTÉRIE ET L’INFLUENCE DES BACTÉRIES DANS LE MILIEU GRANULAIRE : a) SURFACE BACTÉRIENNE CHARGÉE NÉGATIVEMENT ET ENTOURÉE D’UNE COUCHE DE CONTRE-IONS ; b) POLARISATION DE LA COUCHE DE CONTRE-IONS SOUS L’INFLUENCE D’UN CHAMP ÉLECTRIQUE EXTERNE, c) MODIFICATION DES PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES DU MILIEU GRANULAIRE EN PRÉSENCE DE BACTÉRIES : CHANGEMENT DE LA SURFACE SPÉCIFIQUE DU GRAIN GRÂCE AUX BACTÉRIES ADSORBÉES À LA SURFACE MINÉRALE ET MODIFICATION DE LA STRUCTURE DE LA DOUBLE COUCHE ÉLECTRIQUE (DCE) DU GRAIN. INSPIRÉ DE ABDEL AAL ET AL., (2006) ET REVIL ET AL. (2012).

c) R

ÉPONSE

PP

DE LA CROISSANCE BACTÉRIENNE DANS UN MILIEU POREUX

:M

ODÈLE DE

R

ÉVIL ET AL

.(2012)

Revil et al. (2012) ont développé un modèle quantitatif représentant la réponse PP en domaine fréquentiel i) d’une suspension bactérienne et ii) de la croissance bactérienne dans un milieu poreux. Ils ont comparé les bactéries à des minéraux argileux qui possèdent une double couche électrique, une forte surface spécifique et une grande capacité d’échange cationique. En effet, les bactéries sont recouvertes d’un peigne de polymères chargés négativement et qui attirent des contre-ions formant ainsi une couche de Stern, entourée par une couche diffuse. Le phénomène de polarisation des bactéries est lié principalement à la mobilité des contre-ions de la couche de Stern qui est très faible, ce qui se traduit par des fréquences de relaxation relativement basses (entre 0,1 et 5 Hz).

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i) Modélisation de la polarisation d’une suspension bactérienne

Les auteurs ont proposé un modèle simple, basé sur la modélisation de la réponse de la couche de Stern. Ils ont fait deux postulats : (1) la constante diélectrique des polymères entourant la bactérie est du même ordre de grandeur que celle de l’électrolyte, et (2) la conductivité de la membrane bactérienne est nulle. La conductivité d’une suspension bactérienne est alors contrôlée par la quantité de bactéries et la conductivité de surface du peigne de polymères. Revil et al. (2012) utilisent un modèle de type Cole-Cole (cf. Annexe 2) pour décrire la polarisation d’une suspension bactérienne :

ߪכሺ߱ሻ ൌ ߪ൤ͳ െͳ ൅ ሺ݅߱߬ሻܯ ÉQUATION III-36

avec ߬ la constante de temps [s], ߪλ la conductivité à haute fréquence de la suspension bactérienne, ܯ la chargeabilité, ܿ l’exposant de Cole-Cole.

La chargeabilité normalisée est définie par :

ܯൌ ܯߪൌ ߪെ ߪ ÉQUATION III-37

avec ߪ la conductivité à basse fréquence de la suspension bactérienne. Les termes ߪ et ߪ sont définis par : ߪܨͳ

ߪ ÉQUATION III-38

avec ߪ la conductivité de l’électrolyte et ܨ le facteur de formation associé à la présence de bactéries ; ߪܨͳ

ሺߪ൅ ݉ߚሺାሻܳÉQUATION III-39

avec ܳ ൌ σ ܥܥܧܥ

௜ୀଵ la charge par unité de volume d’une suspension colloïdale de bactéries [C.m-3], ܥܧܥla capacité d’échange cationique de la bactérie de type ݅ [C.kg-1

], ܰ le nombre de types de bactéries présentes dans la suspension et ܥla concentration bactérienne [kg.m-3

].

Et avec ݉ le facteur de cimentation et ߚሺାሻ la mobilité des contre-ions dans la couche de Stern. Ce qui conduit à l’expression de la chargeabilité normalisée suivante :

ܯܨͳ

݉ߚሺାሻܥܥܧܥ ÉQUATION III-40 La partie imaginaire de la conductivité électrique complexe peut être exprimée telle que :

ߪ௘௙௙̶ ؠ ߱ߝܭ௘௙௙ ൌ ߪ̶൅ ߱ߝ ÉQUATION III-41 avec ܭ௘௙௙ la permittivité relative effective de la suspension (permittivité électrique du milieu ε* ramenée à celle du vide ܭ௘௙௙ൌ ߝכΤ ) : ߝ

ܭ௘௙௙ൌ ܭ൅ ൬ʹ߱ߝܯ

൰ ܿ݋ݏ ቂߨʹ ሺͳ െ ܿሻቃ

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D’après ce modèle (Équation III-41 et Équation III-42), la partie imaginaire de la conductivité électrique complexe dépend linéairement de la densité bactérienne. Ainsi, une variation de la partie imaginaire devrait correspondre à un changement de la concentration en bactéries.

ii) Modélisation de la polarisation de bactéries dans du sable

La modélisation a ensuite été étendue au cas de la croissance d’une population bactérienne dans un milieu poreux où les bactéries sont principalement en contact avec la phase solide (adhésion). La concentration en bactéries est maintenant définie par le nombre de bactéries par unité de volume തതത [mܥ -3

] :

ܥ തതത ൌ ܰ

ܸ

ÉQUATION III-43

avec ܰ le nombre de bactéries et ܸ le volume de pores. Et par ܥ la densité bactérienne [kg.m-3] :

ܥൌ ܥതതതܸതതതߩ ÉQUATION III-44 avec ܸതതത le volume d’une seule bactérie [m 3

] et ߩ la masse volumique d’une bactérie [kg.m-3].

Revil et al. (2012) proposent alors les formulations suivantes pour la valeur maximale de la partie imaginaire de la conductivité et pour la chargeabilité normalisée :

ߪ஻ǡ௠௔௫̶ ൎ െݐܽ݊ ቂܿߨʹ ቃ ܯ ÉQUATION III-45

ܯʹ͵ ሺͳ െ ߔሻ݉ߔ ሺߚሺାሻܸതതതߩ ܥܧܥሻܥതതത ÉQUATION III-46

avec ߔ la porosité du milieu.

Le modèle relie donc directement la densité bactérienne du milieu poreux à la partie imaginaire de la conductivité électrique complexe (Équation III-45 et Équation III-46).

D. UTILISATION DE LA PP POUR L’ÉTUDE DE LA BIODÉGRADATION

La présence des bactéries dans un milieu poreux et l’augmentation de la biomasse entraînent des modifications des propriétés électriques du milieu poreux, surtout à basse fréquence. De plus, leur métabolisme modifie les propriétés physico-chimiques du milieu, notamment les conditions redox. La PP, sensible aux propriétés électriques dans le domaine fréquentiel, est un outil potentiellement intéressant pour l’étude de l’activité bactérienne dans le cadre d’une biodégradation. De nombreuses études, sur le terrain et en laboratoire, ont utilisé la PP dans ce but.

1. L

A

PP

APPLIQUÉE À LA DÉTECTION DE CONTAMINANTS ORGANIQUES ET AU SUIVI DE