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Chapitre 3 : Étude de cas

B. Étude de cas

4.5 Israël

Israël établit un mode de gestion mixte en utilisant des stratégies d’inclusion envers la majorité juive et des stratégies d’exclusion envers diverses minorités. Comme l’Égypte et la Syrie, Israël est également touché par une importante récession qui est ressentie au niveau sociétal et qui limite le régime dans son utilisation de ressources matérielles.

Ainsi, en 1967, le régime israélien doit équilibrer deux sortes de menaces : au niveau systémique, Israël est menacé par les attaques frontalières syriennes, mais également par les mesures prises par le gouvernement égyptien. Au niveau domestique, en plus de l’intégration de nombreux immigrants, la récession économique se fait sentir, et des vagues d’agitation domestique se manifestent en réponse aux hostilités de la Syrie et de l’Égypte. Sprecher et DeRouen démontrent que, sur la période 1961-1986, les actions militaires israéliennes augmentent avec l’intensification de l’agitation domestique. De plus, il est démontré que cette agitation augmente lors d’actions arabes contre Israël (militaires, verbales, politiques…)255. Wilkenfeld et al. soutiennent que l’hostilité active israélienne est majoritairement déterminée

nouveau régime, intervient. S’en suit une guerre civile qui dure presque une décennie. L’Égypte et l’Arabie Saoudite se désengagent du conflit en 1965. Christopher Gandy, « A mission to Yemen : August 1962- January 1963 », British Journal of Middle Eastern Studies 25,2 (1998) : 247-274. Les dépenses de l’intervention

égyptienne au Yemen a été évaluée a $250 millions par an : Eliyahu Kanovsky, « The Economic Aftermath of the Six Day War », Middle East Journal 22,2 (1968), 140.

254 Robert McNamara, « Britain, Nasser and the Outbreak of the War », Journal of Contemporary History 35,4

(2000),622.

255 Christopher Sprecher, Karl DeRouen Jr., « Israeli Military Actions and Internalization-externalization

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par l’hostilité égyptienne envers elle : 71 % du total de l’hostilité israélienne sur la période de 1949-1969 peut être expliqué par ses interactions avec les États voisins256. Ils montrent également un lien entre l’agitation domestique et les actions militaires israéliennes.

Ainsi, face aux agressions frontalières syriennes et palestiniennes, le gouvernement israélien est contraint, par les ressources symboliques utilisées, mais également par la pression domestique, de répondre. De plus, face aux mesures prises par l’Égypte qui sont perçues comme une provocation, le gouvernement n’a pas d’autre choix que de frapper.

Nous avons vu que la nature démocratique du régime israélien, mais aussi son mode de gestion mixte poussent à une utilisation différente des ressources matérielles. Les ressources sont investies dans un système social, et dans le développement d’une société civile active. La récession frappe Israël, mais le régime est moins contraint en termes de ressources matérielles que ses ennemis. Comme le régime israélien est démocratique, les fenêtres d’opportunités se présentent à travers divers processus démocratiques. De ce fait, retirer des ressources matérielles du niveau domestique pour les appliquer au niveau systémique ne représente pas une menace à la stabilité du régime. Ainsi, le régime israélien est moins contraint dans la formulation de sa politique étrangère, en termes de ressources matérielles.

Cependant, et comme le démontrent Wilkenfeld et al. et Sprecher et DeRouen, l’agitation domestique est un facteur crucial dans la formulation de la politique étrangère israélienne. Les ressources symboliques utilisées contraignent donc le régime israélien de répondre aux provocations de ses ennemis257.

256 Jonathan Wilkenfeld, Virginia Lee, Dale Tahtinen, « Conflict interactions in the Middle East, 1969-1967 »,

Journal of Conflict Resolution 16,2 (1972), 143-146

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Jonathan Wilkenfeld, Virginia Lee Lussier, Dale Tahtinen, « Conflict Interactions in the Middle East, 1949- 1967 », Journal of Conflict Resolution 16, 2 (1972), 150. Sprecher Chris, DeRouen Karl, « Israeli Military Actions and Internalization-Externalization Processes », Journal of Conflict Resolution 46, 2 (2002), 244-259.

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La littérature de la guerre de 1967 s’accorde sur le point que cette guerre n’était ni voulue ni planifiée. Pourquoi le gouvernement israélien a-t-il choisi de lancer une guerre au lieu de répondre de simple façon provocatrice ? Les mesures prises par le régime égyptien sont un renversement de l’accord de paix qui a résulté dans la crise de Suez ; celles-ci avaient pour but d’empêcher et de dissuader de futurs conflits armés entre l’Égypte et Israël. Ce renversement a été interprété par Israël comme l’acte ultime de provocation ; la prochaine étape serait une confrontation. Ainsi, Israël, qui ne voulait pas plus une guerre que la Syrie et l’Égypte, a été poussé par son mode de gestion, mais aussi par ses ennemis, à frapper le 5 juin 1967. « La décision israélienne de frapper en premier apparait comme un résultat quasi automatique des étapes menant à l'escalade de la crise258 ».

Pour conclure, la Syrie, Israël et l’Égypte en 1967, se retrouvent à équilibrer des menaces internes et externes. Les mesures prises par chacun de ces régimes a doucement fait glisser tous les protagonistes dans une guerre non voulue ; la combinaison du processus d’équilibration des différentes menaces avec le mode de gestion n’a pas laissé de place à d’autres options de politique étrangère aux dirigeants au pouvoir, d’autant plus que ces trois pays reposent sur une base de soutien populaire. Dans un tel système, le poids de l’opinion publique est lourd : « le degré de liberté qu’a un dirigeant fluctue selon le degré des pressions et contraintes venant de la sphère domestique259 ». La récession économique touche gravement ces trois pays et limite les actions possibles en les poussant à équilibrer une menace d’instabilité domestique avec des tensions régionales les poussant à glisser vers un conflit armé.

258 Roland Popp, « Decidedly into the Six-Day War », Middle East Journal 60,2 (2006), 283.

259 Sandra Helayel, Responding to Constraints: Foreign Policy behaviour in Authoritarian Regime of the Middle

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Conclusion

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