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Isocristaux, modules, espaces de Dieudonné unitaires . 19

2.3 Réduction modulo p

2.3.1 Isocristaux, modules, espaces de Dieudonné unitaires . 19

Dans ce paragraphe, on fait quelques rappels sur la théorie de Dieudonné (covariante). On pose W = W (k0) ainsi que WQ = Frac(W ). Ces anneaux sont munis d'un opérateur σ. Le choix de k0 fournit un plongement canonique % : Ep ,→ WQ. Un module de Dieudonné quasi-unitaire sur k0 est un W -module libre de type ni M muni de deux opérateurs F, V , d'une action W -linéaire à gauche de OEp et d'une forme W -bilinéaire h, i : M × M → WQ sujets aux conditions suivantes :

CHAPITRE 2. LA VARIÉTÉ DE SHIMURA SHK 20 1. L'opérateur F est σ-linéaire, l'opérateur V est σ−1-linéaire et ils

com-mutent à l'action de OEp. 2. On a la relation F V = V F = p.

3. La forme h, i est alternée, non-dégénérée.

4. La forme h, i vérie ∀e ∈ OEp, ∀x, y ∈ M, hex, yi = hx, eyi. 5. La forme h, i vérie ∀x, y ∈ M, hF x, yi = σ hx, V yi.

On dira que M est un module de Dieudonné (ou cristal) unitaire si la forme bilinéaire est un accouplement parfait h, i : M × M → W , c'est-à-dire qu'elle dénit un isomorphisme de M avec son dual M = HomW(M, W ). On peut alors identier M et M. La catégorie des modules de Dieudonné unitaires sur k0 est équivalente à celle des groupes p-divisibles (ou groupes de Barsotti-Tate) sur k0, avec polarisation et OEp-action (voir [Gro74] dénition 4.2). Si x est un point de ShK(k0), alors le module de Dieudonné de la variété abélienne associée à x est un module de Dieudonné unitaire sur k0. L'action de OEp découpe M en la somme directe de deux sous-modules isotropes Me et Me où OEp agit respectivement via % et %. On dénit la signature d'un OEp-cristal (un cristal muni d'une OEp-action compatible) comme le couple :

 dimk0( Me V Me ),dimk0( Me V Me )  . (2.3.1)

Si M est un OEp-cristal de signature (r, s), un élément e ∈ OEp agit sur M V M

avec déterminant eres. Si M est un cristal unitaire de rang 2n, de signature (r, s), alors r + s = n.

Un isocristal unitaire sur k0est un WQ-espace vectoriel N de dimension nie muni d'un opérateur F bijectif, d'une action de Ep et d'une forme bilinéaire h, i : N × N → WQ vériant les conditions 1 à 5 ci-dessus (en posant V = pF−1). Si M est un cristal quasi-unitaire, alors M ⊗W WQ est naturellement un isocristal unitaire. La catégorie des isocristaux (sans structure) est semi-simple. Si λ = d

h avec d ∧ h = 1 et h ≥ 1, on note Nλ = WQh, qu'on munit de l'opérateur σ-linéaire F = pd 1 ... 1 σ.

Alors les (Nλ)λ∈Q sont les objets simples de cette catégorie. Un isocristal N se décompose sous la forme N = ⊕N

λ et les λ qui apparaissent sont les pentes de N. L'anneau des endomorphismes de Vλ est Dλ, le corps gauche de centre

CHAPITRE 2. LA VARIÉTÉ DE SHIMURA SHK 21 Qp et d'invariant λ ∈ Q/Z. Si A est une variété abélienne de dimension n sur k0, son isocristal N est de dimension 2n sur WQ et ses pentes appartiennent à [0, 1]. De plus, si λ est une pente de N, alors 1 − λ aussi.

Un espace de Dieudonné unitaire sur k0 est un k0-espace vectoriel M muni d'opérateurs F, V , d'une action de OEp ainsi que d'une forme bilinéaire h, i : M × M → k0 vériant les conditions 1 à 5 à l'exception de 2, qui devient F V = V F = 0. Il est clair que si M est un module de Dieudonné unitaire, alors M = pMM est un espace de Dieudonné unitaire pour l'action et la polarisation induites. On dénit la signature d'un espace de Dieudonné de la même manière que pour les modules (formule (2.3.1)). Si M est un module de Dieudonné, les signatures de M et de M coïncident.

Soit M un espace de Dieudonné unitaire de dimension 2n. L'égalité F V = V F = 0 impose

Im(F ) ⊂ Ker(V )

Im(V ) ⊂ Ker(F ) . (2.3.2)

On montre aisément que Im(F ) = Ker(V ) et Im(V ) = Ker(F ). On en déduit

rg(F ) = rg(V ) ≤ n. (2.3.3) De plus, M = Me⊕Meavec dimk(Me) =dimk(Me) = ncar la forme bilinéaire est non-dégénérée et Me et Me sont totalement isotropes. Par ailleurs, si la signature de M est (r, s), alors r + s = dimk0 M

V M = 2n −rg(V ).

Si M est la réduction modulo p d'un cristal, alors les inclusions (2.3.2) sont des égalités. La catégorie des espaces de Dieudonné unitaires vériant cette condition est équivalente à celle des groupes de Barsotti-Tate sur k tronqués d'échelon 1 (ou BT1), avec polarisation et OEp-action (voir [Gro74] dénition 3.2). Remarquer que cette condition peut ce reformuler par rg(V ) = n ou encore r + s = n.

Nous donnons maintenant deux exemples fondamentaux de cristaux uni-taires :

Le cristal unitaire B(d) : Soit d > 1 un entier. On note B(d) le module de Dieudonné ayant pour W -base (ei, fi) avec i ∈ {1, ..., d}. On a ei ∈ B(d)e et

CHAPITRE 2. LA VARIÉTÉ DE SHIMURA SHK 22 fi ∈ B(d)e. Les opérateurs F , V sont donnés par les formules :

F (f1) = (−1)den

F (ei) = fi−1 pour i = 2, ..., d V (fd) = e1

V (ei) = fi+1 pour i = 1, ..., d − 1.

La forme bilinéaire h, i est dénie par hei, fji = (−1)i−1δi,j. C'est un module de Dieudonné unitaire de signature (d − 1, 1). Pour d impair, l'isocristal de B(d) a pour unique pente 12. Si d est pair, ses pentes sont 1

2 ± 1

d (cf. [BW06] lemme 3.3).

Le cristal unitaire SS : On note SS le cristal unitaire suivant : C'est un W -module libre de base (g, h) où F et V sont dénis par V (g) = −F (g) = h. On pose SSe = W g et SSe = W h. La forme bilinéaire est donnée par hg, hi = 1. Alors SS est un module de Dieudonné unitaire de signature (1, 0), de pente 1

2. Remarque 25. Soit M un module (resp. espace) de Dieudonné. On dénit le a-nombre de M par a(M ) =dimk0  M F M + V M  .

Un cristal est dit supergénéral si son a-nombre vaut 1. Si M est un cristal, a(M ) = a(M ). Si M1 et M2 sont deux cristaux, a(M1× M2) = a(M1) + a(M2). On a a(B(r)) = r − 2 si r > 1 et a(SS) = a(B(1)) = 1.

Pour terminer ce paragraphe, voici deux résultats de classication des es-paces de Dieudonné et des isocristaux unitaires. Pour les preuves, voir [BW06], paragraphe 3.

Théorème 26. Soit M un espace de Dieudonné unitaire de signature (n−1, 1). Il existe un entier r, 1 ≤ r ≤ n, tel que

M ' B(r) ⊕ SSn−r.

Théorème 27. Soit M un cristal unitaire de signature (n − 1, 1) et N son isocristal. Il existe un entier r, 1 ≤ r ≤ n−1

2 , tel que N ' N(r) × (N1 2)n−2r où : N (r) =        0 si r = 0 N1 2−1 2r ⊕ N1 2+2r1 si r > 0 est pair N2 1 2−1 2r ⊕ N2 1 2+2r1 si r est impair.

CHAPITRE 2. LA VARIÉTÉ DE SHIMURA SHK 23

2.3.2 Stratications

On renvoit à [BW06] pour les preuves des résultats énoncés ici. Soit k0 un corps algébriquement clos.

Stratication d'Ekedahl-Oort : Deux points de ShK(k0) sont dans la même strate d'Ekedahl-Oort si les espaces de Dieudonné unitaires sur k0 as-sociés sont isomorphes. D'après [BW06] (paragraphe 5.4), la stratication d'Ekedahl-Oort sécrit :

ShK = M1t M2t ... t Mn

où Mr désigne l'ensemble des points ayant un espace de Dieudonné isomorphe à B(r) ⊕ SSn−r. Chaque Mi est localement fermé dans ShK. L'adhérence de toute strate est une réunion de strates.

Stratication de Newton : Deux points de ShK(k0) sont dans la même strate de Newton si les isocristaux unitaires associés sont isomorphes.

Dénition 28. L'isocristal N2 0 ⊕ N2 1 ⊕ Nn−2 1 2 (resp. Nn 1

2 ) sera dit ordinaire1

(resp. supersingulier). Ceci correspond à r = 1 (resp. r = 0) dans le théorème 27. Un cristal est ordinaire (resp. supersingulier) si son isocristal l'est. Un point x ∈ ShK(k0) est ordinaire (resp. supersingulier) si D(x) l'est. On note ShK

ord

(resp. ShK ss

) le lieu ordinaire (resp. supersingulier).

D'après [BW06], paragraphe 5.4, le lieu supersingulier est ShK ss

=F

rimpairMr. La stratication de Newton s'écrit de la manière suivante :

ShK = M2t M4t ... t Mn−1t ShK ss

.

La strate M2r peut aussi être décrite comme l'ensemble des points ayant pour isocristal N(r) × (N1

2)n−2r. Ainsi, ShK ord

= M2.

Proposition 29. La dimension de la variété de Shimura est n − 1. Le lieu ordinaire ShK

ord

est ouvert, dense dans ShK. Les dimensions des strates sont comme suit :

dim(M2r) = n − r dim(M2r+1) = r.

CHAPITRE 2. LA VARIÉTÉ DE SHIMURA SHK 24 Pour une preuve, voir [BW06] 5.4.1. Le lieu M1est ni, c'est l'ensemble des points superspéciaux, où la variété abélienne est isomorphe à une puissance d'une courbe elliptique supersingulière. Enn, on a le résultat suivant ([Vol10, VW11], théorème 5.2) :

Théorème 30. Pour Kp assez petit, les composantes irreductibles de ShK ss

sont lisses, de dimension n−1

2 . La strate Mn constitue le lieu lisse de ShK ss

donc y est dense.

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