• Aucun résultat trouvé

Investissement public

UEBL

Confrontés 1 une pression continue de l'endettement, la plupart des gouvernements européens ont progressivement adopté des objectifs de déficit public pour contenir

6.4. Investissement public

Source : Économie Européenne, 54.

r) La récession européenne de 1993 : les conséquences de politiques

monétaires excessivement restrictives3

Les récessions qui se sont succédées dans les pays industrialisés au début des années

quatre-vingt-dix combinent à des degrés divers trois facteurs de ralentissement :

— le retournement du cycle d'investissement après le boom de la seconde moitié des années quatre-vingt.

— l'éclatement des bulles financière et immobilière.

— le resserrement des politiques monétaires en réaction à l'accélération de l'inflation.

La forte hausse de l'investissement induite par l'accélération de la croissance ne pouvait que s'inverser dès lors que les capacités de production rejoignaient la demande. Ce retournement était d'ailleurs anticipé dans les prévisions réalisées au début des années quatre-vingt-dix et. s'il avait été seul à l'ouvre, les économies n'auraient connu qu'une phase normale de ralentissement. L'effondrement de la demande des ménages et la hausse des taux d'intérêt transformèrent le ralentissement de l'investissement en forte baisse, mais celle-ci n'est pas exceptionnelle au regard de la contraction de la demande.

Le phénomène le plus atypique a été la forte remontée du taux d'épargne. dans une phase de ralentissement où les ménages puisent habituellement dans leur épargne pour maintenir leur consommation. Au lieu de jouer son rôle habituel d'amortisseur, le partage consommation-épargne a accentué la récession. Cette évolution, qui se retrouve dans tous les pays en récession, reflète notamment les conséquences des bulles financières et immobilières qui ont fortement affecté les pays anglo-saxons, le Japon et de nombreux pays européens. La montée des taux d'intérêt réels à la fin des années quatre-vingt rendit insoutenable la poursuite de l'endettement, incitant les ménages à réduire leur demande, et les banques leur offre de crédit face au risque d'insolvabilité grandissant des emprunteurs. Volontaire ou contraint, c'est le désendettement plus que l'augmentation des placements financiers qui explique la remontée de

* Voir sur cc nom) P-A. Muet ( 1904)

- 121

l'épargne des ménages et confère aux récessions du début des années quatre-vingt-dix le

caractère de déflation de l'endettement (debt déflation).

Le troisième facteur du retournement a été le resserrement des politiques monétaires et la hausse des taux d'intérêt La réaction des politiques monétaires à l'accélération de l'inflation entraîna une progression continue des taux courts de 1988 & 1990. A partir de 1990 les

politiques monétaires ont profondément divergé. La baisse des taux d'intérêt aux États-Unis, en

réaction au ralentissement de l'activité puis à la récession, a ramené les taux courts à leur plus bas niveau depuis la seconde guerre mondiale. La même stratégie a prévalu au Japon à partir du milieu de l'année 1991. lorsque la croissance a commencé & s'essouffler. Les pays européens, qui étaient tous engagés au début de la décennie quatre-vingt-dix dans une politique d'ancrage

au mark, ont suivi au contraire la hausse des taux allemands, avec un différentiel de taux

croissant lorsque les marchés prirent conscience de l'insoutenabilité des politiques monétaires restrictives dans un contexte de ralentissement économique.

La récession qui se développa en Europe continentale à partir de l'automne 1992 fut largement le résultat de politiques monétaires inadaptées à la phase de ralentissement

conjoncturel que connaissaient alors les partenaires de l'Allemagne. Les raisons en sont

connues : l'ancrage au mark avait sa pertinence quand l'Allemagne était à la fois le pays ayant la plus faible inflation et le plus bas taux d'intérêt : il permettait de réduire alors simultanément les taux d'inflation et les taux d'intérêt. Il devint pervers lorsque la combinaison d'une expansion budgétaire et d'une politique monétaire restrictive en Allemagne occidentale entraîna une hausse généralisée des taux d'intérêt & court terme et une appréciation des monnaies européennes.

Une solution coopérative eût impliqué un financement communautaire du coût de la

réunification allemande et une gestion des politiques monétaires plus en harmonie avec la

situation de l'ensemble des pays européens. Mais, dès lors que le coût budgétaire en était supporté uniquement par l'Allemagne et que la Bundesbank tentait d'éliminer l'inflation résultant de l'expansion budgétaire par une politique monétaire restrictive, les pressions sur les taux de change n'étaient guère compatibles avec un système de parités fixes et des mouvements de capitaux entièrement libérés. Un réalignement de parité opéré à froid et suffisamment tôt.

aurait permis d'alléger l'impact inflationniste en Allemagne tout en diffusant l'excès de demande à ses partenaires. Le paradoxe de l'évolution récente est qu'au moment où les pays européens s'engagaient politiquement vers une monnaie unique, un système de change flexible — malgré les risques de stratégies non coopératives qu'il implique — eût peut-être été plus performant face à un choc asymétrique de cette ampleur, qu'un système de changes fixes avec des mouvements de capitaux totalement libérés. Il fallait une solidarité et une clairvoyance bien supérieure à celle que démontrèrent les pays de la Communauté pour affronter ce choc sans

remettre en cause le système antérieur.

Faute de pouvoir utiliser la politique monétaire, les pays européens réagirent au ralentissement en laissant se creuser les déficits publics. Mais dans un contexte de taux d'intérêt réel élevés, la relance budgétaire ne peut guère aller au delà des stabilisateurs automatiques sans entraîner un dérapage de l'endettement public. Le déficit public qui était en moyenne de 4.0 % du PIB dans la Communauté en 1990 atteint 6.6 % en 1993. Cette dégradation résulte essentiellement de l'augmentation des charges d'intérêt et du ralentissement conjoncturel. La décomposition de la variation du déficit montre qu'en moyenne dans la Communauté les gouvernements n'ont pas complètement laissé jouer les stabilisateurs automatiques, c'est-à-dire

le creusement des déficits du au creusement conjoncturel, mais ont cherché à le compenser

partiellement par des mesures de consolidation ( tableau 6.3).

122

Conclusion

Aux déséquilibres induits par les chocs pétroliers et non résolus dans la période antérieure

(inflation. détérioration de la part des profits), s'est ajouté au début des années quatre-vingt un choc de taux d'intérêt. dont l'ampleur et la généralisation ont conduit à un changement radical dans l'orientation des politiques budgétaires. Ce choc a d'autant plus affecté certains pays européens qu'ils avaient antérieurement recours à l'inflation (à travers le seigneuriage et la

dévalorisation de la dette) pour réduire leur endettement La contrainte affecta non seulement le secteur public, mais aussi les entreprises confrontées à des taux d'intérêt élevés et 1 une

profitabilité dégradée en début de période. Au coût en termes de chômage qu'impliqua la désinflation (voir chapitre 4) s'ajouta le coût en termes de croissance des politiques d'ajustement. En adoptant des objectifs de limitation des déficits, les gouvernement européens furent conduits 1 pratiquer des politiques budgétaires procycliques : réduisant les dépenses dans les phases de ralentissement de l'activité, procédant au contraire à des allégements d'impôts lorsque la conjoncture devint plus favorable. Ce changement d'orientation des politiques budgétaires fut particulièrement marqué dans la première moitié des années quatre-vingt. La

réduction délibérée des déficits contribua pour près de 1.5 point par an au ralentissement de la croissance au cours de cette période, sans pour autant conduire, du fait de l'ampleur de l'effet récessif, à une réduction significative des déficits.

L'intermède heureux qu'initia la baisse des prix du pétrole de 1986. permit une réorientation

expansionniste des politiques budgétaires dans un contexte monétaire accommodant qu'autorisait la faible inflation. Mais le resserrement des politiques monétaires en réaction à la reprise de l'inflation à la fin de la période d'expansion. fortement accentué en Europe dans la phase de ralentissement par les tensions monétaires engendrées par le policy-mix allemand.

plongea à nouveau les pays européens dans les contraintes de l'endettement et des taux

d'intérêts excessifs.

Le problème auquel sont aujourd'hui confrontés les pays européens est de résorber un chômage de masse dont la persistance risque de rendre de plus en plus élevé le coût de sa réduction future. Les analyses développées dans cette étude montrent que. comme l'inflation, le chômage reste du domaine des politiques macro-économiques. En appliquant des politiques de rigueur. l'Europe réussit à éliminer l'inflation dans les années quatre-vingt. La même persévérance devrait être apportée aujourd'hui à la réduction d'un chômage de masse qui menace le fondement même de la société européenne.

Compte tenu de la situation conjoncturelle actuelle, c'est la politique monétaire qui devrait être d'abord sollicitée. La stratégie américaine des trois dernières années pourrait servir d'exemple ; des taux d'intérêt à court terme, nuls en termes réels tant que les économies n'ont pas rejoint un taux normal d'utilisation des capacités de production, constituent un objectif bien

adapté à la situation conjoncturelle. En allégeant le coût de l'endettement, en favorisant la poursuite d'une baisse des taux longs, la baisse des taux courts permettrait à la fois de conforter la reprise et de consolider à terme la réduction des déficits publics. Du coté budgétaire, priorité devrait être donnée à l'investissement public, qui a le plus souffert des politiques de régulation des années quatre-vingt. Le renforcement de l'initiative européenne, suggéré par Drèze. Malinvaud et alii [ 1994| aurait le double avantage de stimuler la demande à court terme par le changement de niveau qu'impliquerait sa mise en oeuvre, tout en favorisant à plus long terme la croissance économique. Sans croissance forte. l'Europe risque de rester

pendant de nombreuses années une zone de chômage de masse.

123

Annexe Al : Solde budgétaire primaire effectif et requis

FRANCE BELGIQUE