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Invariants sous l’action d’un groupe fini

1.4 Polynômes multivariés

1.4.2 Invariants sous l’action d’un groupe fini

La théorie des invariants a joué un rôle central en algèbre et en géométrie au XIXème siècle, puis elle a été oubliée pour retrouver une place importante dans le paysage mathématique des années 60-70 grâce au calcul formel (dans l’article [KR84] de Kung et Rota, elle est même comparée au phénix qui renaît de ses cendres !). Dans ce paragraphe de rappels sur la théorie des invariants, nous utilisons essentiellement le livre de Sturmfels [Stu93] (on pourra aussi consulter [Rob02] et [Fer05]).

Considérons un sous-groupe G d’un groupe linéaire GLnC qui agit (à gauche) sur l’espace vec-toriel Cn. On en déduit une action (à droite) sur l’espace des fonctions polynomiales sur Cn, i. e. sur l’algèbre C[z] = C[z1, . . . , zn]. Cette action est définie pour P ∈ S et g ∈ G par

g· P (z) := P   n X j=1 g1jzj, . . . , n X j=1 gnjzj   .

Ainsi, on a h· (g · P ) = (gh) · P , et dans le cas particulier où σ est un élément de Sn, on a σ· P (z) = P (zσ−1(1), . . . , zσ−1(n)).

On note C[z]G l’algèbre des polynômes invariants sous l’action du groupe G.

Le prototype des algèbres d’invariants est bien sûr l’algèbre des invariants sous l’action du groupe symétrique, notée C[z]Sn. En effet, C[z]Sn = C[σ1, . . . , σn] est une algèbre de polynômes et tout polynôme symétrique s’écrit de façon unique comme polynôme en les polynômes symétriques élémentaires σj. La théorie des invariants vise à généraliser ce type de résultat à d’autres groupes. Un exemple élémentaire d’invariants est le suivant : considérons le sous-groupe G := {I2,−I2}

1.4. Polynômes multivariés 31

de GL2C. Alors on a

C[z1, z2]G = Chz2

1, z1z2, z22i ≃ C[X, Y, Z] / hXZ − Y2i.

Un autre intérêt de la théorie des invariants réside dans la considération suivante : de nombreux problèmes sont invariants sous certaines transformations géométriques, et, en particulier, les pro-priétés géométriques sont invariantes sous l’action du groupe de transformations sous-jacent. C’est le cas des propriétés de géométrie euclidienne, affine, projective. . ., qui sont respective-ment invariantes sous l’action du groupe orthogonal, affine, projectif. . . L’identification systéma-tique entre géométrie et théorie des invariants provient du programme d’Erlangen de Klein (voir [Kle72]) qui regarde toute géométrie comme l’action d’un groupe.

L’espace Cnse décompose en G−orbites Gv pour v ∈ Cn, et C[z]G est l’ensemble des fonctions f qui sont constantes sur chaque G−orbite. En effet

(∀ v ∈ Cn, ∀ g ∈ G, f(gv) = f(v)) ⇔ (∀ g ∈ G, ∀ v ∈ Cn, (f◦g)(v) = f(v)) ⇔ (∀ g ∈ G, f◦g = f). Ainsi, C[x]Gpeut être vu comme l’algèbre des fonctions polynomiales sur la variété quotient Cn/ G des G−orbites. Si G est fini, C[z]Gest l’algèbre de coordonnées de la variété Cn/ G. En revanche, si G n’est pas fini, Cn/ G n’est pas toujours une variété algébrique dont C[z]G est l’algèbre de coordonnées : il peut y avoir deux G−orbites telles que l’une est incluse dans la clôture de l’autre. Dans la suite, nous ne considérons que des sous-groupes finis de GLnC.

Proposition 1.4.6

Soit G un sous-groupe fini de GLnC. Alors G a n invariants algébriquement indépendants, i. e. le degré de transcendance de C[z]G sur C est n.

Démonstration : Soit le polynôme

Pi(t) := Y

g∈G

(zi◦ g − t) ∈ (C[z])[t].

Alors Pi(t) est invariant sous l’action de G sur C[z], donc ses coefficients sont dans C[z]G, de sorte que Pi(t) est dans (C[z]G)[t]. De plus, comme Id∈ G, zi est racine de Pi(t). On en déduit que C[z]G et C[z] ont le même degré de transcendance sur C. 

Un outil fondamental pour l’étude des invariants sous l’action d’un groupe fini est l’opérateur de Reynolds. C’est l’application linéaire Rn de C[z] vers C[z] définie par

Rn(P ) := 1 |G|

X

g∈G

g· P.

Cette application est une surjection de C[z] sur C[z]G qui vérifie les propriétés élémentaires de la proposition suivante :

Proposition 1.4.7

• Rn(P ) = P si et seulement si P est G−invariant. • Rn◦ Rn= Rn.

• Si P ∈ C[z]G et Q ∈ C[z], alors Rn(P Q) = P Rn(Q), i. e. Rn est un morphisme de C[z]G−modules.

Le théorème suivant montre que l’algèbre des invariants sous l’action d’un groupe fini est de type fini. Sa démonstration est “constructive”.

Théorème 1.4.8 (Noether, 1916)

L’algèbre C[z]G admet un système générateur formé d’au plus Cn+|G|n invariants dont le degré est inférieur ou égal à |G|.

Démonstration :

Pour e∈ Nn, on pose Je(z) = Rn(ze), et on note e :=|e| = e1+· · ·+en. On introduit n nouvelles indéterminées u1, . . . , un et on considère le polynôme

Se(z, u) := Rn((u· z)e) = Rn((u1z1+· · · + unzn)e) ,

où l’opérateur de Reynolds est étendu en une application C[u]−linéaire de C[z, u] dans lui-même. Le polynôme Se(z, u) peut être vu comme un polynôme en u dont les coefficients sont dans C[z]. Le coefficient de ue est alors un multiple non nul de Je(z).

Par ailleurs,|G| Se=P

g∈G(u1(z1◦ g) + · · · + un(zn◦ g))e est une somme de la forme αe1+ . . . αem, où m := |G|. Or tout polynôme symétrique de C[X1, . . . , Xm] peut s’écrire comme polynôme en les éléments Nj := X1j +· · · + Xmj pour j ∈ [[1, m]]. En particulier, Se s’écrit comme un polynôme en les éléments S1, . . . , Sm. Les coefficients de Se∈ (C[z])[u] sont alors des polynômes en les coefficients des polynômes S1, . . . , Sm ∈ (C[z])[u]. Ainsi, tous les invariants Jf sont des polynômes en les Je pour |e| ≤ m, ce qui montre que {Je / |e| ≤ m} est un système générateur de C[z]G. Son cardinal est|{e ∈ Nn / |e| ≤ m}| = Cn+mn . 

Si A = L

d=0Ad est une C−algèbre associative commutative graduée9, on appelle série de Poincaré (ou encore série de Hilbert) de A la série

PA(t) :=

X

d=0

dim(Ad) td.

En particulier, si A est une algèbre de polynômes invariants sous l’action d’un groupe, la série de Poincaré de C[z]G est PG(t) = X d=0 dim(C[z]Gd)td, où C[z]Gd est l’espace des polynômes invariants de degré d.

Le Théorème de Molien donne un moyen de calculer la série de Poincaré d’une algèbre d’inva-riants à partir des polynômes caractéristiques des éléments du groupe.

1.4. Polynômes multivariés 33

Théorème 1.4.9 (Molien, 1897)

La série de Poincaré de C[z]G est PG(t) = 1 |G| X g∈G 1 det(In− tg). Démonstration :

• Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur lequel G agit. L’endomorphisme p := |G|1 Pg∈Gg est alors un projecteur, i. e. p(p− 1) = 0, d’où V = Ker p ⊕ Im p, avec Im p = VG. Donc

dim(VG) = dim(Im p) = rg(p) = tr(p) = 1 |G|

X

g∈G

tr(g).

• Pour g ∈ G et d ∈ N, soit g(d) l’automorphisme de C[z]d induit par g. Appliquons la relation précédente à V = C[z]d : dim C[z]Gd = 1 |G| X g∈G tr(g(d)). Il reste à calculer tr g(d)

. Notons λg,1, . . . , λg,nles valeurs propres de g(1), et Lg,1, . . . , Lg,n∈ C[z]1

les vecteurs propres associés. Alors les vecteurs propres de g(d) sont les polynômes Ld1

g,1. . . Ldn

g,n

avec d1+· · · + dn= d, et les valeurs propres de g(d) sont les éléments λd1

g,1. . . λdn g,n. Ainsi, on a tr g(d) = X d1+···+dn=d λd1 g,1. . . λdn g,n. Alors PG(t) = X d=0 dim C[z]Gd td = X d=0 1 |G|  X g∈G tr g(d)  td = X d=0 1 |G|  X g∈G X |m|=d λm1 g,1. . . λmn g,n   td = 1 |G| X g∈G  X d=0 X |m|=d (tλg,1)m1. . . (tλg,n)mn   = 1 |G| X g∈G  X d1=0 (tλg,1)m1. . . X d1=0 (tλg,n)mn   = 1 |G| X g∈G 1 (1− tλg,1) . . . (1− tλg,n) = 1 |G| X g∈G 1 det(In− tg). 

Le lemme suivant donne une expression de la série de Poincaré dans le cas simple d’une algèbre de polynômes.

Lemme 1.4.10

Si f1, . . . , fm sont des éléments de C[z] qui sont algébriquement indépendants et homogènes de degrés d1, . . . , dm, alors la série de Poincaré de C[f1, . . . , fm] est PG(t) = 1

Démonstration :

Posons R := C[f1, . . . , fm], et notons Rd l’espace des éléments de R homogènes de degré d. On a alors PG(t) = 1 (1− td1) . . . (1− tdm) =  X j1=0 tj1d1   . . .  X jm=0 tjmdm   = X d=0 |{(j1, . . . , jm)∈ Nm / j1d1+· · · + jmdm = d}| td= X d=0 dim(Rd)td.  Soit A = L

d=0Ad une C−algèbre graduée de dimension de Krull n (i. e. le nombre maximal d’éléments de A algébriquement indépendants sur C est n).

Soit H(A+) l’ensemble des éléments de A homogènes de degré strictement positif. Une suite [θ1, . . . , θn] d’éléments de H(A+) est un système homogène de paramètres (abrégé en s. h. p.) si A est un module de type fini sur l’anneau C[θ1, . . . , θn]. En particulier, les θ1, . . . , θn sont algébriquement indépendants.

D’après le lemme de normalisation de Noether10, un système homogène de paramètres existe toujours.

Introduisons maintenant un outil technique qui nous servira implicitement dans les calculs de cohomologie des surfaces de Klein : une suite [θ1, . . . , θn] de n éléments de A est une suite régu-lière si, pour tout j ∈ [[1, n]], θj n’est pas un diviseur de zéro de A /hθ1, . . . , θj−1i.

Si les θ1, . . . , θn sont algébriquement indépendants (et c’est le cas en particulier si [θ1, . . . , θn] est un s. h. p.), alors [θ1, . . . , θn] est une suite régulière si et seulement si A est un module libre sur l’algèbre C[θ1, . . . , θn]. On renvoie à [Stu93] pour la démonstration du théorème suivant.

Théorème 1.4.11

Soient A une C−algèbre graduée, et [θ1, . . . , θn] un système homogène de paramètres. Il y a équivalence entre

• A est un module libre de type fini sur C[θ1, . . . , θn], i. e. A =

m

M

i=1

ηiC[θ1, . . . , θn], (1.13)

• Pour tout système homogène de paramètres [φ1, . . . , φn], A est un module libre de type fini sur C[φ1, . . . , φn].

Ce théorème signifie encore que dans une C−algèbre graduée, s’il existe un s. h. p. qui est une suite régulière, alors tout s. h. p. est une suite régulière. Nous retrouverons cette situation dans l’étude des surfaces de Klein : soit f ∈ C[z1, z2, z3] un polynôme quasi-homogène à singularité isolée en l’origine. Alors [∂1f, ∂2f, ∂3f ] est un s. h. p. De plus, [z1, z2, z3] est un s. h. p. qui est évidemment une suite régulière, donc [∂1f, ∂2f, ∂3f ] est une suite régulière.

10. Si A est une C−algèbre de type fini, alors il existe des éléments x1, . . . , xn∈ A, algébriquement indépendants sur C, tels que A soit entier sur C[x1, . . . , xn].

1.4. Polynômes multivariés 35

Dans le cas où les conditions du théorème précédent sont vérifiées, on dit que l’algèbre A est une algèbre de Cohen-Macaulay, et la décomposition (1.13) est alors appelée décomposition d’Hironaka (cette décomposition n’est pas unique). Les éléments η1, . . . , ηm vérifient (1.13) si et seulement s’ils forment une base de l’algèbre quotient R/hθ1, . . . , θni.

Il s’ensuit le corollaire : Corollaire 1.4.12

La série de Poincaré de R est

PR(t) = m X i=1 tdeg(ηi) n Y j=1  1− tdeg(θj). Théorème 1.4.13 (Hochster-Eagen)

Si G est un sous-groupe fini de GLnC, alors C[z]G est une algèbre de Cohen-Macaulay. Démonstration :

Considérons Pi(x) :=Q

g∈G(zi◦ g − x) ∈ (C[z])[x]. Alors Pi(x) est invariant sous l’action de G sur z, donc ses coefficients sont dans C[z]G, de sorte que Pi(x) appartient à (C[z]G)[x]. De plus, comme Id∈ G, zi est racine de Pi(x). Cela montre que C[z] est un module de type fini sur C[z]G. Soit U = Ker Rn, c’est aussi un module de type fini sur C[z]G. On a donc une somme directe de C[z]G−modules : C[z] = C[z]G⊕ U. D’après le lemme de normalisation de Noether, il existe un s. h. p. [θ1, . . . , θn] de C[z]G. Comme C[z] est de type fini sur C[z]G, lui-même de type fini sur C[θ1, . . . , θn], C[z] est de type fini sur C[θ1, . . . , θn], i. e. C[θ1, . . . , θn] est un s. h. p. de C[z]. Or [z1, . . . , zn] est un s. h. p. de C[z] tel que C[z] est libre sur C[z1, . . . , zn], donc d’après le Théorème 1.4.11, C[z] est un module libre de type fini sur C[θ1, . . . , θn].

De la décomposition C[z] = C[z]G⊕ U, on déduit la décomposition en somme directe d’espaces vectoriels de dimension finie :

C[z] / hθ1, . . . , θni → C[z]G/hθ1, . . . , θni ⊕ U / (θ1U +· · · + θnU ) f +Pn

j=1hjθj 7→ Rn(f ) +Pn

j=1Rn(hjj + (f− Rn(f )) +Pn

j=1(hj− Rn(hj))θj. On prend une base (η1, . . . , ηs) de C[z] /hθ1, . . . , θni formée d’éléments homogènes et adaptée à la précédente décomposition, i. e. (η1, . . . , ηx) est une base de C[z]G/hθ1, . . . , θni et (ηx+1, . . . , ηs) est une base de U / (θ1U +· · · + θnU ). En relevant les η1, . . . , ηx en des éléments η1, . . . , ηx de C[z]G, et les ηx+1, . . . , ηs en des éléments ηx+1, . . . , ηsde U , on a, d’après le Théorème 1.4.11, C[z] =Ls

i=1ηiC[θ1, . . . , θn]. D’où C[z]G=Lx

i=1ηiC[θ1, . . . , θn]. Ainsi, C[z]Gest une algèbre de Cohen-Macaulay. 

Ainsi, tout polynôme invariant s’écrit de façon unique sous la forme

t

X

i=1

ηipi1, . . . , θn),

où les pi sont des polynômes, de sorte que {θ1, . . . , θn, η1, . . . , ηn} est un système fondamental d’invariants. Les θi (resp. ηj) sont appelés invariants primaires (resp. secondaires) et on note di (resp. ej) leur degré.

Proposition 1.4.14

• Le nombre d’invariants secondaires est m = d1...dn

|G| . • On a PG(t)Qn i=1 1− tdi =Pm i=1tei. Démonstration :

On écrit l’égalité entre les formules du Corollaire 1.4.12 et du Théorème 1.4.9 :

m X i=1 tei. Yn j=1 (1− tdj) = 1 |G| X g∈G 1 det(In− tg).

Le second point de la proposition est démontré. En multipliant par (1− t)n, on a la relation

m X i=1 tei . Yn j=1 (1 + t + t2+· · · + tdj−1) = 1 |G| X g∈G (1− t)n det(In− tg). Quand t tend vers 1, alors m /Qn

j=1dj = |G|1 et la proposition est démontrée. 

Un élément g∈ GLnC différent de l’identité est appelé pseudo-réflexion si l’ensemble de ses points fixes est un hyperplan. Un tel élément est alors diagonalisable et toutes ses valeurs propres valent 1 sauf une qui est une racine de l’unité.

Le théorème suivant montre que les algèbres d’invariants les plus “simples” sont obtenues quand le groupe fini G est engendré par des pseudo-réflexions.

Théorème 1.4.15 (Shephard-Todd-Chevalley, 1954)

Soit G un sous-groupe fini de GLnC. Alors C[z]G est engendré par n invariants homogènes al-gébriquement indépendants si et seulement si G est engendré par des pseudo-réflexions.

Corollaire 1.4.16

Soit G un sous-groupe fini de GLnC, engendré par n invariants homogènes algébriquement in-dépendants θ1, . . . , θn. Soient di := deg(θi) et r le nombre de réflexions contenues dans G. Alors on a |G| = d1. . . dn et r = d1+· · · + dn− n.

CHAPITRE 2

Homologie et cohomologie de Hochschild

des surfaces de Klein

D

ans le cadre de la quantification par déformation, une première étape dans l’étude des star-produits est le calcul de la cohomologie de Hochschild. Le but de ce chapitre est précisément

de déterminer l’homologie et la cohomologie de Hochschild dans deux cas de variétés algébriques : le cas des courbes singulières du plan, où, par une méthode différente, nous retrouvons puis préci-sons un résultat prouvé par Fronsdal ; et le cas des surfaces de Klein. L’utilisation d’un complexe suggéré par Kontsevich et l’aide des bases de Gröbner permettent de résoudre le problème. La citation suivante est un clin d’oeil aux célèbres “ancêtres” des surfaces de Klein !

L

a première chose à expliquer ensuite, c’est la forme que chacun des corps a reçue et lacombinaison de nombres dont elle est issue. Je commencerai par la première espèce, qui

est composée des éléments les plus petits. Elle a pour élément le triangle dont l’hypoténuse est deux fois plus longue que le plus petit côté. Si l’on accouple une paire de ces triangles par la diagonale et qu’on fasse trois fois cette opération, de manière que les diagonales et les petits côtés coïncident en un même point comme centre, ces triangles, qui sont au nombre de six, donnent naissance à un seul triangle, qui est équilatéral. Quatre de ces triangles équila-téraux réunis selon trois angles plans forment un seul angle solide, qui vient immédiatement après le plus obtus des angles plans. Si l’on compose quatre angles solides, on a la première

forme de solide, qui a la propriété de diviser la sphère dans laquelle il est inscrit en parties égales et semblables. La seconde espèce est composée des mêmes triangles. Quand ils ont été combinés pour former huit triangles équilatéraux, ils composent un angle solide unique, fait de quatre angles plans. Quand on a construit six de ces angles solides, le deuxième corps se trouve achevé. Le troisième est formé de la combinaison de deux fois soixante triangles élé-mentaires, c’est-à-dire de douze angles solides, dont chacun est enclos par cinq triangles plans équilatéraux, et il y a vingt faces qui sont des triangles équilatéraux. Après avoir engendré ces solides, l’un des triangles élémentaires a été déchargé de sa fonction, et c’est le triangle isocèle qui a engendré la nature du quatrième corps. Groupés par quatre, avec leurs angles droits se rencontrant au centre, ces isocèles ont formé un quadrangle unique équilatéral. Six de ces quadrangles, en s’accolant, ont donné naissance à huit angles solides, composés chacun de trois angles plans droits, et la figure obtenue par cet assemblage est le cube, qui a pour faces six tétragones de côtés égaux. Il restait encore une cinquième combinaison. Dieu s’en est servi pour achever le dessin de l’univers. [ . . .] Donnons à la terre la forme cubique. [ . . .] Le solide qui a pris la forme de la pyramide est l’élément et le germe du feu, celui que nous avons construit en second lieu est l’élément de l’air, et le troisième, celui de l’eau.

Platon, Timée.

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