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CHAPITRE I. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

B. P ROTEOMIQUE ET LYSOSOME

1/ Introduction

Une cellule eucaryote est constituée d’une mosaïque d’unités fonctionnelles physiquement isolées par des membranes biologiques, les organites intracellulaires. Ces organites renferment de nombreuses molécules « résidentes », mais aussi un certain nombre de molécules qui interagissent de façon transitoire avec les différents compartiments intracellulaires. La compréhension du fonctionnement de chacun de ces organites, donc de la physiologie globale de la cellule, passe par l’identification et la caractérisation de ces molécules ségrégées au sein des compartiments. Le développement des technologies de protéomique à haut débit a abouti à la multiplication des analyses systématiques des protéomes des différents organites intracellulaires. Ces travaux ont grandement participé à l’augmentation des connaissances de la fonction et de la dynamique de ces compartiments (Brunet et al. 2003, Yates et al. 2005).

Le développement de ces technologies de pointe a été rendu possible grâce aux progrès spectaculaires réalisés dans le domaine de l’instrumentation et au séquençage du génome de différentes espèces, comme l’Homme (Venter et al. 2001), la souris (Waterston et al. 2002) et le rat (Gibbs et al. 2004). Les protéines sont désormais identifiées beaucoup plus rapidement, sans passer par leur séquençage systématique, par établissement d’une corrélation entre les mesures spectrométriques des peptides générés par digestion des protéines et les informations de séquence contenues dans les banques de données (pour revue, voir Aebersold and Mann 2003, Tyers and Mann 2003).

L’analyse par spectrométrie de masse du protéome d’un organite intracellulaire est réalisée en trois étapes principales (pour revue, voir Andersen and Mann 2006).

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a. Isolement des organites à partir d’un homogénat d’organe ou de cellules isolées

(figure 5).

La stratégie la plus couramment utilisée consiste à séparer les organites présents dans l’homogénat par des méthodes de centrifugation. Cette stratégie présente notamment l’avantage de permettre l’isolement de grandes quantités de matériel, parfois indispensables à certaines analyses par spectrométrie de masse. Les étapes de centrifugation, permettant la séparation des compartiments en fonction de leur taille et de leur densité, peuvent être remplacées ou suivies d’une étape d’immunopurification. Pour ce faire, la fraction contenant les organites à purifier est mise en contact avec des anticorps dirigés contre des protéines spécifiques de l’organite, les anticorps étant généralement fixés sur des billes ou sur une matrice de colonne de chromatographie.

Les compartiments de la voie endocytaire peuvent également être isolés grâce à des molécules ou des particules internalisées par la cellule. Par exemple, si la molécule endocytée est fluorescente, l’organite dans lequel elle aboutit (endosome ou lysosome en fonction du temps d’internalisation) pourra être isolé par cytométrie en flux (Bananis et al. 2004). Si la particule endocytée est de nature métallique, les compartiments de la voie endocytaire pourront être isolés par tri magnétique. Enfin, si la densité de la particule internalisée est très différente de celle de l’ensemble des organites intracellulaires, le compartiment dans lequel elle aboutit peut être isolé par gradient de densité. C’est en particulier cette dernière approche qu’a utilisée le groupe de Desjardins pour isoler des quantités importantes de phagosomes de cellules J774, après phagocytose de billes de latex (Garin et al. 2001).

b. Séparation des protéines de l’organite.

Avant l’analyse par spectrométrie de masse, les protéines contenues dans l’échantillon isolé peuvent être séparées par électrophorèse mono ou bi-dimensionnelle. Lors de l’électrophorèse mono-dimensionnelle, les protéines sont séparées en fonction de leur poids moléculaire, après avoir été solubilisées par le détergent ionique SDS (Sodium DodécylSulfate). Après migration, le gel est découpé

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en plusieurs bandes et les protéines qu’elles contiennent sont extraites et analysées séparément par spectrométrie de masse.

Lors d’une analyse bi-dimensionnelle, les protéines sont séparées, en première dimension, en fonction de leur point isoélectrique et, en deuxième dimension, en fonction de leur masse moléculaire (Klose and Kobalz 1995). Les protéines sont ensuite isolées sous forme de « spots », puis identifiées par séquençage d’Edman ou par spectrométrie de masse. L’inconvénient majeur de la séparation bi-dimensionnelle vient du fait que cette technique est peu compatible avec l’analyse des protéines membranaires (Luche et al. 2003).

Il est également possible de réaliser une analyse protéomique en faisant abstraction de toute étape de séparation des protéines par électrophorèse. L’ensemble des protéines d’un échantillon est alors digéré par la trypsine. Le mélange complexe de peptides ainsi obtenus est séparé par chromatographie liquide avant d’être analysé par spectrométrie de masse (McCormack et al. 1997, Aebersold and Mann 2003).

c. Identification des protéines.

Dans les années 1960, Edman met au point le premier procédé d’identification d’une protéine sur la base de sa séquence en acides aminés (Edman and Begg 1967). Il faut attendre la fin des années 90 et le développement d’outils de spectrométrie de masse adaptés à l’analyse des peptides pour pouvoir identifier de façon fiable les protéines présentes en faibles quantités (quelques fentomoles) dans des échantillons biologiques plus ou moins complexes.

La méthode analytique de choix (figure 6) consiste à coupler chromatographie liquide à faible débit (nanoLC) et spectrométrie de masse en mode tandem (MS/MS) (pour revue détaillée et comparaison des différentes analyses possibles par spectrométrie de masse, voir Domon and Aebersold 2006). Cette étape chromatographique permet à la fois de concentrer les peptides présents dans l’échantillon et de répartir dans le temps leur passage dans le spectromètre de masse. L’analyse des peptides est réalisée à l’aide d’un spectromètre de masse de type Quadrupole-ToF utilisé en mode tandem (MS/MS). Concrètement, le rapport masse

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sur charge de chaque peptide élué de la colonne de chromatographie est déterminé au niveau d’un premier analyseur ; le peptide est ensuite sélectionné afin d’être fragmenté par collision avant une seconde analyse MS. Les fragmentations étant générées au niveau des liaisons peptidiques, elles permettent la détermination complète ou partielle de la séquence en acides aminés du peptide par mesure d’écarts de masse entre les pics. Plus récemment, des logiciels ont été développés afin d’identifier les protéines présentes dans l’échantillon biologique de départ en comparant les spectres MS/MS expérimentaux produits par le spectromètre de masse avec les spectres MS/MS théoriques qui peuvent être déduits des séquences des peptides trypsiques présents dans les banques de données protéiques.

Comme nous le disions précédemment, l’identification, par spectrométrie de masse, des protéines contenues dans les différents compartiments intracellulaires, a permis de comprendre la dynamique et la fonction de ces compartiments. Par exemple, l’étude menée sur le phagosome par Garin et collaborateurs a permis d’identifier 140 protéines de ce compartiment des cellules J774, dont plusieurs étaient classiquement associées au réticulum endoplasmique (Garin et al. 2001). La découverte surprenante d’une telle concentration en protéines de ce compartiment a permis à l’équipe de Desjardins de proposer, un an plus tard, un modèle expliquant la

formation de la membrane du phagosome via le recrutement du réticulum

endoplasmique à la surface cellulaire, où il fusionne directement avec la membrane plasmique au niveau du bol phagocytaire (Gagnon et al. 2002). Par ailleurs, la découverte, dans la membrane du phagosome, de protéines du réticulum endoplasmique participant à la présentation antigénique sur les molécules CMH (Complexe Majeur d’Histocompatibilité) de classe I, a permis d’expliquer les mécanismes de présentation croisée des peptides antigéniques (Houde et al. 2003, Jutras and Desjardins 2005).

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