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L’interface visuelle des jeux vidéo est généralement constituée d’une scène d’action principale, où les objets avec lesquels le joueur interagit et l’arrière-plan peuvent tous être en mouvement. Des

informations contextuelles regroupées dans un affichage tête-haute sont superposées à cette scène d’action, en vision périphérique ou centrale selon la nature de l’information.

Pour concevoir ce type d’interface, les concepteurs de jeux vidéo font généralement appel à des

heuristiques ou des recommandations issues de travaux concernant les applications informatiques à interfaces statiques (e.g., Nielsen, 1993). Cependant, les caractéristiques dynamiques des jeux vidéo nécessitent une meilleure spécification de ces heuristiques. En particulier, les concepteurs de jeux

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Ce chapitre est une adaptation de l’article publié dans la revue Human Factors : Caroux, L., Le Bigot, L., & Vibert, N. (2011). Maximizing players' anticipation by applying the proximity-compatibility principle to the design of video games. Human Factors, 53, 103-117.

vidéo pourraient adapter les recommandations issues des recherches sur les interactions entre

personnes et systèmes dynamiques (e.g., simulateurs de vols ou cockpits d’avions), comme le principe de proximité-compatibilité (Wickens & Carswell, 1995) exposé dans le chapitre 1, ou encore le modèle « Saillance-Effort-Attente-Valeur » (modèle SEEV) (Wickens et al., 2003 ; Wickens &

McCarley, 2008). Ce dernier modèle permet de prédire les mouvements oculaires des opérateurs sur les différentes zones d’intérêt des interfaces visuelles dynamiques. Il postule que la probabilité que le regard se pose sur une zone particulière résulte de 4 facteurs. La saillance visuelle de la zone et l’effort nécessaire pour accéder à l’information, c’est-à-dire la distance entre cette zone et les autres

sources d’information, dépendent directement des caractéristiques physiques de la scène. Les deux autres facteurs sont l’attente qu’a l’opérateur de trouver de l’information pertinente dans cette zone, qui est liée à la fréquence de changement de l’information présentée, et la valeur de cette

information pour l’opérateur. Par exemple, Horrey et al. (2006) ont prédit les mouvements oculaires de conducteurs d’automobiles entre l’environnement extérieur et les indications fournies à l’intérieur du véhicule en fonction de la priorité des tâches à réaliser dans chaque zone et du taux de renouvellement de l’information à l’intérieur des deux zones.

Le premier objectif du chapitre est de caractériser les mouvements oculaires des joueurs de jeux vidéo qui doivent anticiper leurs actions en regardant notamment vers l’origine du mouvement de l’arrière-plan. Les joueurs doivent aussi intégrer cette information continuellement renouvelée avec

d’autres informations disponibles sur l’écran, comme par exemple le score à atteindre. Par conséquent, le deuxième objectif est d’évaluer l’influence de la proximité spatiale entre la zone d’anticipation (partie de la zone principale du jeu où de nouveaux éléments en mouvement, comme

par exemple des obstacles, apparaissent) et le lieu d’affichage des informations contextuelles sur le comportement d’anticipation et la performance du joueur. En effet, une plus grande attention des joueurs à la zone d’anticipation devrait induire une meilleure performance au jeu.

Dans les deux expériences, la localisation de l’affichage tête-haute sur l’écran de jeu (i.e., le score)

était manipulée. Le jeu vidéo utilisé avait des règles simples et une conception graphique minimaliste en deux dimensions. Il était composé d’une balle en mouvement sur un axe horizontal, contrôlée par le joueur, et d’obstacles de forme carrée qui apparaissaient continuellement en bas de l’écran et

montaient vers le haut où ils disparaissaient. L’affichage tête-haute était composé d’un seul élément : le score. Le joueur devait anticiper visuellement les mouvements des obstacles afin d’éviter de les toucher avec la balle, tout en suivant l’évolution de l’affichage du score. Le score augmentait automatiquement avec le temps tant que la balle ne touchait aucun obstacle, mais la

partie était perdue dès que la balle heurtait un obstacle.

Une première hypothèse, préliminaire, était que tous les éléments de l’affichage (la balle, les obstacles en mouvement et l’affichage du score) sont pertinents pour le jeu et que par conséquent,

les participants les examinent pendant qu’ils jouent. Conformément aux précédentes études, présentées dans le chapitre 1 (e.g., Underwood et al., 2003), qui ont montré que les fixations des conducteurs automobiles étaient le plus souvent observées sur les zones d’anticipation de la route à suivre, la deuxième hypothèse était que les joueurs font plus de fixations sur les zones situées en

dessous de l’axe du mouvement de la balle que sur celles situées au-dessus pour anticiper le mouvement des obstacles. La troisième hypothèse était que localiser l’affichage du score en bas de l’écran plutôt qu’en haut réduit la distance entre l’affichage du score et la zone de jeu qui doit être

balayée pour anticiper les obstacles (zone d’anticipation), et par conséquent augmente l’anticipation des mouvements des obstacles. En accord avec le principe de proximité-compatibilité (Wickens & Carswell, 1995), la quatrième hypothèse était que les joueurs réalisent une meilleure performance

quand le score est affiché en bas plutôt qu’en haut de l’écran en raison d’une amplitude réduite du balayage visuel, et d’une augmentation de l’anticipation. Le tableau 1 montre les caractéristiques principales des affichages du score utilisés dans les conditions Haut et Bas de l’expérience 1.

Tableau 1. Résumé des caractéristiques principales des quatre conditions de position du score des expériences 1 et 2. Condition Haut (Expériences 1 et 2) Bas (Expériences 1 et 2) Milieu (Expérience 2) Dessous (Expérience 2) Position du score En haut de l’écran

de jeu

En bas de l’écran de jeu

Au milieu de l’écran de jeu, juste au-dessus de l’axe du mouvement de la balle Juste en dessous de l’écran de jeu Distance entre le score et la zone d’anticipation Très au-dessus (faible proximité) A l’intérieur de la zone principale de jeu (forte proximité)

Juste au-dessus (proximité intermédiaire) Juste en dessous (proximité intermédiaire) Encombrement au niveau de la position du score Intermédiaire: certains obstacles sont masqués, mais en dehors de la zone d’anticipation Elevé: le sore masque certains obstacles à l’intérieur de la zone d’anticipation Intermédiaire: certains obstacles sont masqués, mais en dehors de la zone d’anticipation

Faible: aucun obstacle n’est masqué