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Le Virus de l’Hépatite C (VHC) est à part dans le monde des virus pathogènes chez l’homme. En effet ce virus, longtemps englobé dans les agents des hépatites « non A non B », a de nombreuses caractéristiques « par défaut » : ce virus ne se cultive pas sur cellules, il n’existe pas de vaccin, les traitements antiviraux, basés sur des molécules intrinsèquement efficaces, ne parviennent pas à contrôler la maladie et le coût des thérapeutiques est très élevé. Au stade aigu, c’est-à-dire dans les étapes initiales de l’infection, celle-ci est asymptomatique dans l’immense majorité des cas. Enfin, les scientifiques n’arrivent pas à expliquer comment une fraction des sujets a pu être contaminée par ce virus. Tous ces éléments contrastent fortement avec ceux des autres virus des hépatites (VHA et VHB) au sujet desquels un grand nombre d’inconnues ont été levées (pas ou peu de chronicité chez le sujet infecté, vaccins efficaces, caractéristiques épidémiologiques clairement identifiées).

Nous pouvons admettre aisément que l’absence de vaccin prophylactique anti-VHC et la mauvaise compliance des patients traités sont en grande partie la conséquence de l’incapacité du virus à se répliquer sur cellules et, dans une moindre mesure, de la quasi-absence de modèle animal susceptible de reproduire la maladie (hépatite persistante). Ainsi, c’est seulement à l’aide de moyens moléculaires (réplicons, pseudo-particules virales), tentant tant bien que mal de « mimer » le virus authentique, que les chercheurs sont arrivés à expliquer certains fragments du cycle viral et occasionnellement à produire (laborieusement) des particules virales à partir de cellules transfectées. On peut, à ce stade, affirmer que l’essentiel des connaissances sur le VHC est basé sur des méthodes d’ingénierie moléculaire et cellulaire qui ont permis (i) de découvrir l’ARN viral (et non le virus authentique) en 1988 et secondairement de rattacher ce virus à une famille largement connue des virologues et des infectiologues, les Flaviviridae (ii) d’identifier progressivement – par analogie – son protéome et les propriétés des régions codantes et non codantes de son génome (iii) de définir une série de récepteurs cellulaires – mais sur des souches cellulaires très limitées, en général des lignées de cellules hépatiques (HepG2 ou Huh7) – et de caractériser les étapes-clés du cycle (traduction et réplication). Parallèlement à la connaissance du virus, les chercheurs (principalement les immunologistes) ont bien caractérisé la réponse immune aussi bien innée qu’adaptative chez l’hôte infecté. Il s’avère

11 que ce contrôle n’est que partiel (particulièrement dans les phases précoces qui suivent la contamination) et, globalement, il est maintenant admis que 10 à 20% des sujets seulement éliminent le virus à ce stade, alors que 80 à 90% des sujets restent infectés à vie, avec des risques de développer une hépatite chronique, voire une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire. Ce contrôle relatif est dû (i) à des caractéristiques immunologiques : incapacité pour certains sujets de contrôler le virus à la phase précoce notamment via les effecteurs de l’immunité innée, exemple interférons, (ii) à des caractéristiques virologiques : forte mutabilité du virus, notamment sur les épitopes-cibles de l’immunité humorale et cellulaire, avec secondairement développement de multiples quasi-espèces chez l’individu infecté, potentiel immunosubversif de nombreuses protéines codées par le virus, mettant le virus « à l’abri » de la réponse de l’hôte.

Toutes ces caractéristiques font qu’actuellement l’incidence de l’infection augmente, et augmentera encore dans les décennies à venir (2050-2060). Seul élément positif, la contamination par transfusion sanguine et par usage de drogues intraveineuses est en régression constante grâce à la détection efficace des anticorps sériques et de la charge virale au niveau du sang (ARN). En effet c’est essentiellement par le sang que le virus est transmis, y compris par voie sexuelle.

Sur le plan épidémiologique, on distingue deux types de génotypes du VHC ; les génotypes « épidémiques » (1a, 1b, 2a, 2b, 2c and 3a), qui sont caractérisées par une distribution géographique assez large et des prévalences élevées, et les génotypes « endémiques » génotype 2 (2c a 2l) et génotype 4 (4b, 4c, 4e a 4m)) qui, à l’opposé, sont géographiquement plus confinés et leur prévalence assez faibles (1). Les analyses phylogénétiques de ces génotypes estiment « l’âge » du VHC entre 500 et 2000, ans indiquant que les souches endémiques étaient apparues depuis des siècles et circulaient chez l’homme bien avant l’introduction des injections à usage médical, de la chirurgie et des transfusions. Les génotypes épidémiques du VHC seraient à l’origine des génotypes endémiques qui ont été ensuite associés, vraisemblablement par hasard, aux réseaux efficaces de transmissions du XXe siècle (2, 3). Un argumentaire au sujet des moyens de transmission a été proposé pour expliquer la transmission endémique du VHC : circoncision, incisions rituelles, circoncision féminine et mutilations génitales, acuponcture (4). Toutefois, même si ces pratiques peuvent contribuer, jusqu’à un certain degré, à la transmission du VHC dans les régions où elles sont

12 pratiquées, la persistance de l’endémicité du VHC à travers les siècles et les continents nécessite des mécanismes de transmission ubiquitaires et plus généralement distribués (3). Certains auteurs commencent par admettre d’autres moyens de transmission, notamment la possibilité de transmission par les arthropodes. Cette hypothèse suppose évidemment que certains arthropodes puissent être compétents pour le VHC et établir un cycle viral complet de l’ingestion jusqu’à l’excrétion par les glandes salivaires, pour une transmission horizontale, ou vers les œufs pour une transmission verticale. Dans le début des années 2000, notre laboratoire s’était intéressé à l’interaction entre le VHC et les cellules de moustiques (cellules AP61) et avait obtenu des résultats allant dans le sens d’une possibilité pour le VHC (sérum de patient infecté avec le VHC) d’interagir avec les membranes de ces dites cellules (Germi et al. ) avec une efficacité apparemment supérieure aux cellules de mammifères. Ces résultats ainsi que de rares autres publiés entre 1996 et 2003, avait

intrigué la communauté scientifique

(http://www.hcvets.com/data/transmission_methods/tics.htm) et nous avons décidé de mener aussi loin que possible une série d’infections expérimentales chez des moustiques. C’est le propos principal de cette thèse, dont le plan sera le suivant : (i) une première partie exposera les principales caractéristiques du VHC ; ces données développeront ce qui a déjà été énoncé dans cette introduction et devra aider le lecteur à découvrir la complexité de ce virus et les points stratégiques supportant le choix de ce sujet difficile. Dans cette partie, un chapitre concernera également la description des arbovirus et arboviroses avec les vecteurs correspondants. (ii) Une deuxième partie concernera les méthodes utilisées et le matériel employé. En premier lieu les méthodes de détection/quantification de l’ARN viral (essentiellement dans les extraits totaux d’ARN d’insectes), de séquençage et de clonage ; ensuite les méthodes d’infection expérimentale chez le moustique (collaboration très étroite avec la CIBU, Institut Pasteur, Paris (IPP) et l’Unité des Bunyavirus, (IPP) : ces dernières (déjà employées pour étudier la compétence des virus classiquement décrits comme transmis par les arthropodes ; ex Virus de la fièvre jaune, Virus Chikungunya,…) ont été adaptées à notre situation, et le cas échéant modifiées pour optimiser l’infection. (iii) Une troisième partie concernera les résultats : nous commencerons par un article écrit en collaboration avec l’équipe de Marie-Anne Petit (INSERM 871, Lyon). Notre participation à cet article concerne la détection et la quantification de l’ARN viral résiduel après infection avec du sérum de malades infectés et neutralisation à l’aide d’un anticorps monoclonal. Enfin nous décrirons

13 l’ensemble de nos propres résultats, allant de l’optimisation de la détection de l’ARN VHC chez le moustique, jusqu’à la détection de séquences virales dans le cadre d’une étude cinétique d’infection expérimentale.

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Figure 1 : Origines des hépatites

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