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Introduction générale

Introduction générale

La faune sauvage est abondante et particulièrement diversifiée au Congo (Fa et al. 1995 ; Delvingt et al. 2002 ; Poulsen et al. 2009 ; Ngokaka et al. 2010). Les aires protégées et les massifs forestiers constituent notamment des habitats remarquables pour la faune sauvage (Infield, 1989 ; Alvard, 1994 ; Peyrot et al. 2001 ; Mbété et al. 2010). Dans les départements forestiers, il existe peu d’alternatives en matière d’élevage pour la fourniture de protéines animales et la viande de chasse constitue une source importante de protéines dans le régime

alimentaire des peuples du bassin du Congo (Willcox et Nambu, 2007 ; Poulsen et al. 2009 ;

Kümpel et al. 20010b). En effet, les populations du bassin du Congo ont toujours pratiqué une chasse coutumière d’autosubsistance. Celle-ci occupe une place importante au sein de l’organisation économique et culturelle de ces sociétés forestières (Agnagna, 2001 ; Delvingt et al. 2002 ; Rist et al. 2010 ; Wright et al. 2010).

Cependant, malgré la création des aires protégées dont le rôle est de garantir la pérennité de la faune ainsi que la mise en place d’une législation régissant l’exploitation de la faune sauvage, une surexploitation de la faune mammalienne due à la chasse commerciale est observée (Verdoes et al. 1997 ; Laurance et al. 2006 ; Blake et al. 2007 ; Kümpel et al. 2008 ; Bouché et al. 2009 ; Mbété et al. 2010) pouvant menacer localement la survie de certaines espèces animales d’intérêt cynégétique. Ainsi, les quantités de viande offertes sur les marchés des villes ne semblent pas diminuer car les zones de chasse s’étendent toujours plus loin, souvent au détriment des aires protégées (Feer, 1996 ; Puit et al. 2004). La demande continue des centres urbains maintient les prix de la viande de chasse élevés, ce qui encourage les habitants de la forêt à pratiquer les activités cynégétiques à des fins commerciales (Wilkie et al. 2005 ; Fa et al. 2009). La chasse a en effet pris un double rôle, il ne s’agit plus seulement d’une source de protéines, mais aussi d’une source de revenus.

A la lumière de ce qui précède, un ensemble de filières « source-puits » se sont ainsi créées au fil du temps entre les zones rurales et urbaines pour assurer l’approvisionnement en produits vivriers et produits forestiers non-ligneux, notamment en ce qui concerne la viande de chasse (East et al. 2005 ; Billand et al. 2005 ; Kümpel et al. 2010a). Ces filières informelles de commercialisation de la viande de chasse génèrent des revenus réguliers à tous les niveaux de la filière (Bahuchet, 2000 ; Fargeot, 2004 ; Wilkie et al. 2009 ; Fa et al. 2009).

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effet, au cours des différentes transactions liées aux changements d’acteurs dans les chaînes de commercialisation de la filière « viande de chasse », le produit qui n’est généralement pas conditionné, subit parfois des dégradations qui altèrent ses qualités nutritionnelles (Nganga, 2010). Les risques majeurs sont liés principalement aux conditions d’entreposage et de transport de la viande de chasse, qui sont loin d’être conformes aux normes d’hygiène préconisées par la FAO (2001). Le consommateur est donc exposé à de nombreuses pathologies, notamment les infections, les toxi infections, les intoxications, les allergies, les parasitoses (Krauss et al. 2003 ; Artois et al. 2003 ; Fletcher et al. 2011).

En outre, la faune sauvage constitue un réservoir possible d’agents pathogènes qui peuvent émerger et affecter l’homme ou l’animal domestique. Au cours des dernières décennies, les changements socio-économiques et environnementaux ont sensiblement contribué au risque accru d’épidémies causées par les pathogènes des animaux sauvages (Artois et al. 2003 ; Jones et al. 2008). Ainsi, de nombreuses maladies ont été reconnues par la communauté scientifique comme ayant émergé dans ou à partir de la faune sauvage (Dufour et Savey, 2006). L’évaluation de la gravité de ces maladies (Dobson et Foufopoulos, 2001 ; Fletcher et

al. 2011) fait apparaître des conséquences pour la santé de l’homme (zoonoses ou

anthropozoonoses), l’économie de l’élevage (maladies des animaux de rente), les activités cynégétiques (raréfaction de gibiers) ou la conservation d’espèces menacées (Pastoret et al. 1988 ; Cleaveland et al. 2002 ; Foufopoulos et al. 2003 ; Jori et al. 2005). Parmi les véritables maladies émergentes ou ré-émergentes, Taylor et al. (2001), Jones et al. (2008) et Canini (2010), avaient indiqué qu’une majorité (75%) de maladies infectieuses émergentes de l’homme étaient des zoonoses, ou initialement due à des pathogènes d’origine animale. Le terme de zoonose comprend des maladies transmises directement entre animaux et hommes mais aussi indirectement via des arthropodes vecteurs (par exemple arboviroses) ou via des denrées alimentaires d’origine animale lorsque les animaux constituent des réservoirs identifiés des agents pathogènes concernés (Bourgot, 2008 ; Lebrun et al. 2010). Les animaux pouvant transmettre ces zoonoses sont des vertébrés domestiques ou sauvages (Canini, 2010). Outre des maladies bien connues comme la rage, l’échinococcose, la peste des petits ruminants, la peste porcine africaine ou la tuberculose, la liste des zoonoses est longue (brucellose, leptospirose, listériose, pasteurellose, salmonellose, anaplasmose, trichinellose, hantavirose, fièvre charbonneuse, fièvre Q, fièvre aphteuse… (Artois et al. 2000 ; Krauss et

al. 2003 ; Linden, 2006 ; Ducoffre, 2006 ; Riquelme, 2009). La liste est non exhaustive mais

ces pathologies ne font pas l’objet de cette étude, aussi il n’y sera pas fait état de manière approfondie.

La gestion des zoonoses représente toutefois un défi avec des enjeux sanitaires et économiques majeurs (Linden et al. 2005 ; Canini, 2010). Leurs impacts potentiels sur la santé humaine, la santé des animaux d’élevage, le commerce des animaux et des produits d’origine animale justifient qu’ils soient étroitement surveillés.

Compte tenu des enjeux qui sont liés à l’exploitation de la faune mammalienne, tant en termes de maintien de la biodiversité qu’en termes de satisfaction des besoins protéiques de la population congolaise et de la protection de la santé publique, il convient de s’interroger sur la pérennité de la production animale sauvage dans la forêt congolaise et de la gestion des risques sanitaires. Il paraît d’autant plus pertinent d’envisager la gestion durable de la ressource «faune sauvage» en République du Congo qu’une bonne partie des forêts est désormais concédée pour l’exploitation forestière (Wilkie et al. 2000 ; Gibert et al. 2001b), ce qui fragilise de facto la préservation de la faune sauvage dans ces zones (Robinson et al. 1999 ; Vermeulen et al. 2009), car des zones autrefois inaccessibles sont aujourd’hui désenclavées (Wilkie et al. 2011).

En outre, le dialogue entre les différentes parties prenantes est difficile, car leurs conceptions de la faune sauvage sont fortement influencées par des représentations de la nature extrêmement divergentes (Agnagna, 2001 ; Mbété et al. 2007). Les agences de conservation de la nature considèrent la faune sauvage comme un gisement essentiel de biodiversité. Elle doit être protégée, ou éventuellement gérée à travers le tourisme de vision ou la chasse sportive en vue d’un profit économique garantissant sa pérennité (Fargeot, 2004 ; Mbété et al. 2007). Pour l’immense majorité des populations des zones forestières du bassin du Congo, au contraire, la faune sauvage est d’abord une source importante de protéines animales (Delvingt et al. 2002 ; Fargeot, 2004 ; Kümpel et al. 2010; Ngokaka et al. 2010).

Divers acteurs (la Commission Européenne, les organismes de coopération, la FAO, le CIRAD, les organisations non gouvernementales internationales, les pouvoirs publics,…) mettent actuellement en œuvre dans les pays du bassin du Congo divers études et projets visant à évaluer et / ou atténuer la pression actuelle sur la faune sauvage. Dans ce cadre, un des défis majeurs reste de concevoir des politiques de préservation et de gestion de la biodiversité devant permettre à la population d’exploiter la ressource sans pour autant mettre en péril son renouvellement.

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futures d’autre part, cette étude a été initiée pour tenter de répondre à plusieurs questions de recherche.