• Aucun résultat trouvé

a. Les allergies chez l’enfant :

Les maladies allergiques (dermatite atopique, asthme, rhino-conjonctivite allergique et allergies alimentaires) ont vu leur prévalence augmenter considérablement chez les enfants pendant les 2 dernières décennies avec une prévalence cumulée relevée dans des études de population de 25 à 30% des enfants. Les nourrissons et les petits enfants souffrent principalement d’allergies alimentaires et de dermatite atopique tandis que les manifestations respiratoires se développent plus tard.

Par ailleurs, environ 20% de la population modifie son régime en raison de réactions indésirables perçues comme liée à des aliments. Ces réactions peuvent effectivement être causées par une réponse immune aux protéines alimentaires et donc représenter une réelle allergie, mais également être liée à un facteur métabolique (intolérance au lactose), toxique (syndrome scombroïde, empoisonnement alimentaire), à des composés pharmacologiquement actifs (caféine) ou à une simple aversion.

Le terme d’allergie alimentaire fait référence aux réactions immunes contre les protéines alimentaires, réactions qui peuvent être divisées en réactions IgE et non IgE–médiées.

Environ 6 à 8% des enfants de moins de 3 ans en souffrent. Les aliments le plus fréquemment responsables de symptômes sont le lait, suivi par le blé, l’œuf, le soja, les arachides et les noix.

b. Pathophysiologie des allergies alimentaires :

Les allergies alimentaires IgE-médiées résultent d’un défaut de tolérance aux aliments. Les principaux allergènes impliqués chez les enfants allergiques sont des glycoprotéines aquasolubles

de 10 à 70 kDalton qui sont résistantes à la chaleur, l’acidité et les protéases, comme les caséines du lait, vicilllines des arachides, ovomucoide de l’œuf ou les lipid-transfer protéines des pommes.

La cuisson des aliments peut réduire ou augmenter l’allergénicité, en fonction de la protéine et des circonstances. Quand les antigènes sont ingérés, ils sont processés dans les intestins où la barrière mucosale gastro-intestinale utilise des mécanismes complexes, tant physico-chimiques (mucus, acidité, enzymes) qu’immunologiques. Des modifications de cette barrière comme lors de la neutralisation du pH stomacal peuvent promouvoir les allergies alimentaires. De même, l’immaturité des composants de cette barrière gastro-intestinale (activité enzymatique et sIgA) est mise en cause dans la prévalence accrue des allergies alimentaires chez le nourrisson.

Les cellules présentatrices d’antigènes, particulièrement les cellules épithéliales intestinales et dendritiques et les cellules T-régulatrices jouent un rôle central dans la tolérance orale. Les cellules épithéliales intestinales processent les antigènes et les présentent aux cellules T à travers le complexe MHC II. Les cellules dendritiques contenues dans la lamina propria et les plaques de Peyer expriment de l’IL-10 et TGFβ, ce qui favorise la tolérance.

L’allergie IgE médiée commence par la sensibilisation. Les allergènes sont ingérés, internalisés et exprimés à la surface des cellules présentatrices d’antigènes. Ces cellules interagissent avec les lymphocytes T et promeuvent la transformation des lymphocytes B en cellules productrices d’anticorps. Une fois formés et relâchés dans la circulation, les IgE se lient, par leur portion Fc, à des récepteurs à haute affinité sur les mastocytes, laissant ainsi le récepteur spécifique libre d’interagir avec l’allergène. Pour qu’une réaction se produise, il faut ensuite une nouvelle exposition, avec fixation de l’allergène sur les IgE. Cette fixation promeut le cross-linking des mastocytes et basophiles couverts d’IgE et initie un processus de signalisation intracellulaire aboutissant à la dégranulation des cellules et au relâchement des médiateurs de l’inflammation.

c. Clinique de l’allergie à l’œuf :

L’allergie à l’œuf de poule affecte environ 1,6% des petits enfants avec une quasi-totalité de réactions de type IgE-médiées mais cette allergie tend à se résoudre avec le temps et 70% des enfants deviennent tolérants à l’œuf après l’âge de 5 ans. La manifestation la plus sévère de l’allergie à l’œuf est l’anaphylaxie systémique. Après dégranulation mastocytaire, des médiateurs inflammatoires et vaso-actifs comme l’histamine sont relargués et déclenchent des réactions dans de multiples organes. Les symptômes incluent le prurit, érythème, urticaire, angioedème, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, dyspnée, hypotension, syncope et/ou état de choc.

Les symptômes cutanés sont les plus communs et sont présents dans 80% des réactions anaphylactiques. Cependant, jusqu’à 2% de ces réactions peuvent se présenter sans symptôme cutané, particulièrement chez les enfants. Le délai d’apparition des symptômes après l’ingestion est variable mais se situe généralement à moins d’une heure. Les réactions anaphylactiques à l’œuf peuvent effectivement être sévères puisque des cas de décès sur allergie à l’œuf ont été reportés.

d. Tests diagnostiques :

.Le diagnostic repose sur une anamnèse détaillée et un examen clinique visant à déterminer la probabilité qu’un allergène alimentaire soit impliqué dans la clinique.

La vaste majorité des allergies alimentaires de l’enfant, particulièrement à l’œuf, se produit via un mécanisme IgE-médié.

i. Tests cutanés :

Les tests cutanés ou « prick tests », permettent de mettre en évidence avec une grande sensibilité la présence d’IgE spécifiques contre l’aliment testé. Pour cela, l’allergène est introduit sous la surface de la peau (épicutané) au moyen d’une lancette et la réaction locale est comparée à celle provoquée par le contact avec de l’histamine ou le solvant. Cette méthode rapide et quasi indolore peut être utilisée dès le plus jeune âge et permet un dépistage rapide et peu coûteux de la sensibilisation. Cependant, la présence d’un test positif ne permet pas de faire la différence entre sensibilisation asymptomatique et réelle allergie et ne suffit donc pas à prouver que l’aliment incriminé est bien à l’origine de la réaction clinique. Par contre, un test cutané négatif permet, en l’absence de clinique très suggestive, de confirmer l’absence de réaction allergique de type IgE-médiée (valeur prédictive négative >95%).

ii. Dosage des IgE sanguins :

Les tests sériques visant à doser quantitativement les IgE spécifiques dans le sérum, par exemple avec la méthode UniCAP System™ [Phadia, Uppsala, Sweden], représentent l’étape

diagnostique suivante. Les allergènes recherchés sont lies à une matrice solide et exposés au sérum du patient. Les IgE spécifiques de l’allergène se lient à l’ensemble protéine-matrice et sont détectés en utilisant un 2e anticorps marqué, spécifique pour les IgE. Comme pour les tests cutanés, une sensibilisation (présence d’IgE spécifiques) peut être présente en l’absence de réaction clinique et ces tests doivent être interprétés en tenant compte de l’anamnèse. Cependant, des concentrations croissantes d’IgE spécifiques sont corrélées avec une probabilité augmentée de réaction clinique. Plusieurs études ont mesuré des valeurs prédictives positives et de cut-off variables, cette variabilité étant probablement liée à des nuances dans l’âge, le régime et la clinique présentées par les patients étudiés.

iii. Tests de provocation orale:

Dans les cas où le diagnostic reste incertain, il doit être confirmé par un test de provocation orale qui reste le gold standard. Un protocole précis a été développé par S.A. Bock en 1998 et

standardisé par l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology en 2004. Il consiste à exposer sur environ 2h le patient à des quantités croissantes de l’aliment considéré jusqu’à apparition de symptômes cliniques (test positif) ou jusqu’à l’ingestion d’une quantité conséquente en l’absence de réaction (test négatif). Ce test comporte un risque de réaction anaphylactique potentiellement sévère et doit donc être effectué sous surveillance médicale étroite qui doit se prolonger après le test, avec une équipe entraînée et disposant du matériel de réanimation adéquat. Il est donc long et coûteux à effectuer et peut être à l’origine d’une angoisse et/ou d’une réaction clinique très désagréable pour le patient.

e. Prise en charge et traitement :

Il n’y a actuellement pas de traitement curatif de l’allergie alimentaire et la prise en charge repose sur une éviction stricte de l’allergène et l’apprentissage par le patient et son entourage des traitements d’urgence en cas d’ingestion accidentelle (anti-histaminiques, adrénaline auto-injectable, éventuellement stéroïdes),

Un suivi médical régulier est nécessaire pour vérifier l’adhérence au régime, adapter et faire revoir au patient le traitement d’urgence, éviter les carences chez les enfants et vérifier l’apparition d’une éventuelle tolérance. En effet, certaines allergies peuvent se résoudre spontanément principalement en cas d’allergie au lait et à l’œuf tandis que 80% des patients allergiques aux arachides le resteront de manière très prolongée. L’apparition de cette tolérance ne peut être déterminée précisément au moyen des tests sanguins et des tests de provocation orale

répétés sont donc nécessaires pour décider du moment adéquat de la réintroduction de l’aliment après plusieurs mois ou années d’éviction. Néanmoins, le régime d’éviction à l’œuf est difficile à suivre pour les patients, d’autant plus que l’œuf est un aliment ubiquitaire et est fréquemment utilisé dans la plupart des aliments industriels. En conséquence, les patients sont beaucoup plus sujets à des expositions accidentelles qu’avec d’autres aliments comme le poisson. Les patients souffrent ainsi souvent d’une grande anxiété liée à ce risque d’exposition accidentelle et craignent des réactions sévères.

Afin de réduire le nombre de tests de provocation orale nécessaires, Sampson et al ont calculé des valeurs seuil d’IgE spécifiques permettant de diagnostiquer l’allergie à l’œuf. Cette première étude a été suivie par d’autres qui ont mis en évidence des seuils différents, seuils qui semblent varier en fonction de l’âge du patient et du type de réaction. Toutefois, ces études n’ont pas étudié l’utilité potentielle des taux d’IgE spécifiques pour la prévision de la sévérité des réactions cliniques. Par contre, Hourihane et al ont récemment mis en évidence une relation entre les symptômes déclenchés lors de tests de provocation orale et le taux d’IgE spécifiques aux arachides. Comme la réactivité clinique varie en fonction de l’allergène, ces résultats ne peuvent être généralisés aux autres aliments.

Documents relatifs