• Aucun résultat trouvé

3. Climatologie et impact des poussières minérales

3.1. Introduction

Les poussières désertiques, émises par les régions arides et semi-arides de la planète, constituent l’une des espèces d’aérosols troposphériques les plus abondantes en terme de concentration massique dans l’atmosphère. Une de leurs caractéristiques importantes est qu’elles peuvent être transportées sur de longues distances, à plusieurs milliers de kilomètres de leurs zones d’émission. Le Sahara et le Sahel sont considérés comme les principales sources de poussières minérales [Prospero et al., 2002 ;

Engelstaedter et al., 2006], sans doute responsables d’au moins la moitié des émissions

globales [Laurent et al., 2008]. Les poussières minérales ont différents impacts sur l’environnement, qui ont motivé bon nombre des travaux de recherche qui leur ont été consacré ces dernières années. D’abord, il s’agit de mieux comprendre et quantifier leur impact climatique à la fois par effet radiatif direct et indirect [Sokolik et al., 2001 ; Sassen et

al., 2003 ; Forster et al., 2007], mais également leur rôle potentiel sur les précipitations

[Rosenfeld et al., 2001] et sur la formation des cyclones (dans l’océan Atlantique tropical [Dunion et Velden, 2004 ; Evan et al., 2006a]). Les poussières peuvent, de plus, représenter une source importante d’éléments nutritifs pour la biosphère continentale ou océanique [Jickells et al., 2005], et également avoir des impacts sur la santé des populations comme l’ont suggéré plusieurs études récentes [Griffin et al., 2001; Molesworth et al., 2002 ; Sultan

et al., 2005 ; Prospero et al., 2005]. Notons toutefois que, dans bien des cas, l’existence d’un

lien direct de causalité entre les poussières et la pathologie reste difficile à établir [Prospero

et al., 2008]. Soulignons enfin que, parmi les questions importantes non résolues, les

incertitudes demeurent très élevées quant à la détermination de la fraction anthropique des poussières, récemment considérée inférieure à 20% par les experts de l’IPCC [Forster et al., 2007].

J’ai commencé à m’intéresser aux poussières minérales d’origine nord Africaine dès le début des années 1990, dans le cadre de mon stage de DEA [Chiapello, 1992] et de ma thèse au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques [Chiapello, 1996], dans l’équipe de Gilles Bergametti. Mes recherches portaient alors sur l’analyse des aérosols collectés sur le site des Iles du Cap Vert, situées à 500 km au large de Dakar dans l’Atlantique nord tropical. Je me suis ainsi intéressée au cycle saisonnier des poussières minérales transportées dans cette région, avec en particulier la mise en évidence d’un transport à basse altitude hivernal [Chiapello et al., 1995]. De plus, nous avons utilisé une double approche géochimique et météorologique, pour identifier différentes provenances géographiques au Sahara et au Sahel des poussières collectées aux Iles du Cap Vert sur

ensemble de mesures physico-chimiques et optiques, nous avons pu montrer que les poussières minérales dominaient très largement l’épaisseur optique en aérosol dans cette région [Chiapello et al., 1999a], en comparaison aux autres espèces présentes (sulfates, sels marins, aérosols carbonés). Après ma thèse, j’ai poursuivi mes activités de recherche sur les poussières aux Etats-Unis, dans l’équipe de Joe Prospero à l’Université de Miami. Cette expérience, qui a duré 1 an et demi, m’a permis de disposer d’un jeu de mesures exceptionnel. J’ai eu ainsi accès aux données d’autres stations de suivi des poussières minérales nord Africaines, en particulier aux Iles Canaries et à la Barbade, où les mesures de concentrations de poussières sont effectuées de façon quasi continue depuis la fin des années 1960. De plus, c’est dans le cadre de ce post-doctorat, que Joe Prospero m’a proposé de travailler en collaboration avec le groupe de Jay Herman à la NASA/GSFC (Goddard Space Flight Center) sur la validation et l’interprétation des données satellitaires d’aérosols issues de TOMS/Nimbus 7 (Total Ozone Mapping Spectrometer). Un des points essentiels de cette étude était d’évaluer les capacités de ce tout nouveau produit, l’indice en aérosol TOMS (ou TOMS AI pour Aerosol Index), à détecter les contenus en poussières minérales, aussi bien en zone océanique qu’au-dessus des surfaces continentales. Les comparaisons des données d’AI TOMS à la fois aux concentrations de poussières minérales mesurées sur différents sites de l’Atlantique nord Tropical (Iles du Cap Vert, Canaries, Barbade) et aux mesures photométriques d’épaisseur optique en aérosol effectuées lors de campagnes de terrain au Niger et au Sénégal ont mis en évidence des résultats très encourageants [Chiapello et al., 1999b]. Enfin, lors de mon arrivée au Laboratoire d’Optique Atmosphérique à Lille fin 1997, j’ai souhaité continuer mes activités de recherche sur les poussières minérales nord Africaines. Tout d’abord, en collaboration avec Cyril Moulin (Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement) nous avons entrepris de réaliser une climatologie du transport des poussières minérales au-dessus de l’Atlantique sur les années 1980 et 1990 [Chiapello et Moulin, 2002 ; Moulin et Chiapello, 2004]. Nous nous sommes appuyés pour cela sur les observations satellitaires recouvrant de longues périodes de temps : celles des capteurs TOMS dans l’ultra-violet et de METEOSAT dans le visible. A partir de ce jeu de données, nous avons pu mettre en évidence et préciser les rôles respectifs de paramètres météorologiques comme l’Oscillation Nord Atlantique (ONA ou NAO en anglais) et les précipitations en région sahélienne, sur la variabilité interannuelle des contenus en poussières minérales transportés au-dessus de l’Atlantique [Chiapello et al., 2005]. Notre climatologie satellitaire de poussières combinée aux 30 années de mesures de poussières de la Barbade a également mis en évidence la possible influence de la pression humaine au Sahel sur l’évolution à long-terme des contenus en poussières dans cette région [Moulin et Chiapello, 2006]. Cette étude, qui a été étendue à la dernière décennie (2000- 2009) sera présentée en section 3.2. Enfin, plus récemment, en collaboration avec Isabelle

Jeanne, alors médecin épidémiologiste au CERMES (Niger), et Nadège Martiny au Centre de Recherches en Climatologie (CRC, Dijon), je me suis intéressée aux liens entre poussières minérales et épidémies de méningite en Afrique de l’Ouest [Martiny et al., 2007]. Ces travaux se poursuivent actuellement dans le cadre du GIS ADCEM (2009-2012, piloté par Béatrice Marticorena au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques ) et seront présentés en section 3.3.