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Yvan Comeau

L’investissement éthique ou socialement responsable représente un ensemble de pratiques qui intègre des préoccupations sociales et environnementales dans les décisions d’investissement. Il s’agit d’un phénomène ancien prenant racine dans les préceptes religieux sur la façon d’investir. Plus près de nous, l’investissement éthique a connu différentes vagues. Dans les années 1920, des investisseurs s’interdisaient d’encourager le jeu, le tabac ou la pornographie. Dans les années 1960, les États-Unis ont connu le boycottage des fabricants d’armes. Puis, dans les années 1980, l’activisme actionnarial a été soutenu contre l’Apartheid en Afrique du Sud (Bickart et Caby, 2006).

On peut distinguer trois types d’investissement éthiques : l’activisme des actionnaires, les fonds éthiques et l’investissement communautaire (Bickart et Caby, 2006). L’activisme des actionnaires se manifeste lorsque ceux-ci font pression sur les entreprises pour améliorer leur performance éthique, le plus souvent en déposant des résolutions lors des assemblées générales d’actionnaires.

Les fonds éthiques sont des portefeuilles le plus souvent gérés par des professionnels qui appliquent des critères de responsabilité sociale avec les indices financiers classiques. Les normes éthiques concernent le plus souvent les conditions de travail des salariés, les droits et tout particulièrement le travail des enfants, l’environnement, la qualité des produits, etc.. On peut considérer la présence de fonds éthiques comme un symptôme de l’incapacité des financiers traditionnels à se donner des garde-fous dans leur course aux profits. La Revue de l’investissement socialement responsable du Canada 2006 évalue le total des actifs gérés de façon socialement responsable à 503,6 milliards $, soit une augmentation de près 670 % par rapport au total de 65,5 milliards $ en 2004. Cette croissance remarquable de l’investissement responsable est principalement due à l’adoption récente de politiques et de pratiques d’investissement socialement responsable par plusieurs grandes caisses de retraite publiques, notamment la Caisse de dépôt et de placement du Québec. Quoi qu’il en soit, les fonds éthiques demeurent marginaux par rapport à l’ensemble des actifs que l’on retrouve dans des fonds collectifs de valeurs mobilières. Il s’agit de 2,1 % en Europe et de 12 % aux États-Unis. On peut se demander si les fonds éthiques pourront faire en sorte que les principes qu’ils véhiculent puissent devenir des contraintes réglementaires touchant l’ensemble des investisseurs. Dans cette perspective, il reste à faire un large débat sur le contenu de l’éthique en investissement qui peut comporter des décalages importants entre le Nord et le Sud.

En ce qui concerne l’investissement communautaire, il s’agit d’un volet de la microfinance qui elle comprend un grand nombre d’activités (prêts solidaires ou individuels, fonds de garantie, capital de risque, épargne, assurances, transferts pour migrants et services d’accompagnement) (Servet, 2006). Cet ensemble très varié de la microfinance comporte trois caractéristiques : le faible montant des opérations, la proximité spatiale et sociale entre l’organisation de microfinance et les personnes desservies, et la situation de pauvreté ou d’exclusion de celles-ci. La microfinance a connu trois phases de développement (Servet, 2006) :

ƒ 1975-1985 : émergence des premières organisations modernes de microfinance. C’est à cette époque que des pionniers mondialement connus font leurs premières marques, comme Muhammad Yunus qui fonde en 1976 la Grameen Bank au Bangladesh (Yunus, 1997) ;

ƒ 1985-1995 : développement d’organisations de microfinance d’envergure sur la planète, caractérisé par l’autosuffisance financière et la liaison avec les banques commerciales ;

Actes de la 3e édition de l’Université du GÉSQ 2007

ƒ 1995-2005 : généralisation de la microfinance par son intégration aux programmes de développement économique et la prolifération des modèles. Ainsi, sur les cinq continents, le nombre d’emprunteurs est passé de 13,4 millions en 1997 à 92,2 millions en 2004 (Servet, 2006 : 10). L'importance du mouvement dans le monde est devenue telle que l'Organisation des Nations Unies a décrété 2005, l'Année internationale du microcrédit.

Au Québec, la principale forme de microcrédit est le crédit communautaire qui commence en 1990 dans des quartiers défavorisés de Montréal. Deux formules se sont démarquées depuis ce temps : les fonds de microcrédit et les cercles d'emprunt. Les fonds mobilisent les ressources financières des communautés et procurent un accompagnement le plus souvent individuel à des promoteurs de petit projet ; il en est de même des cercles d’emprunt qui offrent une approche collective, avec de la formation et de l'accompagnement de groupe. De fait, l’organisation de crédit communautaire se situe la plupart du temps en amont d’un projet en travaillant avec l’entrepreneur pour la structuration du projet, le montage financier et l’appui à une démarche auprès d’autres bailleurs de fonds (institutions financières conventionnelles, CLD, SADC ou autres). En 2007, le Réseau québécois du crédit communautaire regroupe 21 organisations, dont 10 Fonds communautaires d’emprunt et 11 Cercles d’emprunt, implantés dans 11 régions.

Pour Jean-Michel Servet (2006), la microfinance comporte de nombreuses et réelles potentialités pour le développement local au Nord et au Sud. Elle comporte tout de même une grande variété de points de vue sur la nature et les causes de la pauvreté de même que sur sa propre capacité à la combattre. La microfinance est le plus susceptible de favoriser l’essor économique d’un groupe ou d’une communauté si elle intègre la question des inégalités sociales dans son analyse, si elle vise une « capabilisation » (empowerment) collective et si elle perçoit son rôle complémentaire à celui d’un État social fort.

Société civile et solidarité internationale à Québec : les initiatives et les in novations