• Aucun résultat trouvé

Interventions politiques et initiatives cantonales

C. La couverture de la perte de travail en cas de maladie

II. Interventions politiques et initiatives cantonales

1. Interventions politiques

La situation décrite au chapitre précédent est connue des milieux politiques et a fait, ces dix dernières années, l’objet de plusieurs interventions. En février 2004, un postulat de la Commission de la sécurité sociale et de la santé pu-blique du Conseil national invitait le Conseil fédéral à évaluer le système d’indemnités journalières prévu par la LAMal, ainsi que les insuffisances dans le domaine des assurances privées370.

En réponse à ce postulat, le Conseil fédéral a détaillé les mécanismes exi-stant pour compenser la perte de revenus en cas de maladie. Au terme de son analyse, il est parvenu à la conclusion quela protection actuelle est suffisante, du fait de l’existence d’une couverture d’assurance pour la grande majorité des travailleurs371. Il a néanmoins envisagéquatre pistes pour modifier la situation actuelle, dont deux tendent à créer une assurance sociale obligatoire, dans une

369 Via les subsides accordés aux assurés de condition économique modeste, et via la part des frais dhospitalisation assumée par les cantons.

370 Curiavista, objet no04.3000: Lacunes et incohérences de la LAMal en matière dindemnités journalières, 25 février 20014 (Po).

371 Rapport du Conseil fédéral sur lévaluation du système dassurance dindemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme (note 301), p. 5 s.

première variante pour les salariés uniquement, dans une seconde variante pour toutes les personnes exerçant une activité lucrative372. Ces pistes ont toutefois été écartées «compte tenu du climat politique et économique actuel». Il est im-portant de relever ici que le Conseil fédéral a uniquement basé sa réflexionsur l’existence d’une couverture perte de gain, sans évaluer l’efficience de cette couverture.

En juin 2009, un nouveau postulat373invitait le Conseil fédéral à examiner l’idée d’uneassurance générale de revenu, couvrant la perte de revenu indé-pendamment de sa cause, dans le but également de réaliser des économies en éliminant des redondances entre les régimes d’assurances sociales. Même si les besoins d’améliorer la coordination ont été reconnus par le gouvernement, l’idée d’une réforme aussi vaste de notre système d’assurances sociales a été re-jetée, au motif notamment que le système était suffisant pour la majorité des as-surés et que, pour le surplus, l’assistance publique jouait son rôle de filet so-cial374.

Depuis, des interventions sont régulièrement faites devant les Chambres fé-dérales375, qui confirment la préoccupation des milieux politiques pour une couverture adéquate et égalitaire de la perte de gain pour les travailleurs ma-lades. Ces interventions démontrent que les réponses apportées par le Conseil fédéral sont insuffisantes et que le souci d’une prise en charge adéquate de la perte de revenu en cas de maladie reste bien présent.

2. Initiatives cantonales

Compte tenu de l’organisation fédéraliste de notre pays, les cantons ont la li-berté de légiférer là où la Constitution n’octroie pas une compétence exclusive à la Confédération, ou tant que cette dernière n’a pas légiféré. En matière d’assurances sociales, il n’existe pas d’attribution générale de compétence en faveur de l’Etat fédéral, mais uniquement de manière segmentée, pour cer-taines branches d’assurance déterminées. Ainsi, certains régimes fédéraux d’assurances sociales ont été précédés par des assurances cantonales, mises en place avant que la Confédération ne légifère376.

372 Rapport du Conseil fédéral sur lévaluation du système dassurance dindemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme (note 301), p. 6 ss.

373 Curiavista, objet no09.3655: Assurance générale du revenu, 12 juin 2009 (Po. Schenker/CN).

374 Couverture sociale du revenu chez les actifs. Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postu-lat du 12 juin 2009 (09.3655/Schenker Silvia «Assurance générale du revenu»), du 14 sep-tembre 2012 (texte disponible sur le site Internet de la Confédération).

375 Cf. Curiavista, objets no10.3821 (Mo. Humbel/CN), 11.3246 (Ip. Fehr/CN) et 12.3087 (Po.

Nordmann/CN). Cf. également lobjet no11.3474 (Ip. Comte/CE), qui demandait une couver-ture adéquate pour les rechutes daccidents non couverts en LAA.

376 On pense naturellement aux allocations familiales ou aux indemnités journalières en cas de ma-ternité («congé mama-ternité»), mais surtout, dans le contexte qui nous occupe, aux prestations complémentaires à lAVS/AI (cf.R en é Ba lm er, Bedeutung und Perspektiven der

Ergän-L’absence de couverture, par les assurances sociales, de la perte de gain consécutive à la maladie est un sujet de préoccupation pour les cantons, sur les-quels pèse la charge financière de l’aide sociale. Il existe ainsi aujourd’hui dif-férentes initiatives cantonales pour couvrir laperte de gain des chômeurs en in-capacité de travail. La loi fédérale sur l’assurance-chômage377prévoit en effet qu’en cas d’incapacité de travail passagère due, notamment, à une maladie, l’assuré au bénéfice d’indemnités de chômage a droit à 30 indemnités par cas378. Si l’incapacité de travail persiste au-delà de ce laps de temps, l’assuré se retrouve sans ressources. En principe, il n’aura d’autre choix que de s’annoncer à l’assistance publique.

Certains cantons379ont mis en place une véritable assurance sociale canto-nale. Ces assurances fonctionnent sur le modèle des produits d’assurance LCA:

elles prévoient des prestations pendant une durée déterminée, en plus des 30 in-demnités prévues par le droit fédéral380. Elles sont financées par un prélèvement sur l’indemnité de chômage381. Les indemnités versées en cas de maladie sont équivalentes aux indemnités de chômage.D’autres cantonsencouragent sim-plement les chômeurs à conclure des polices d’assurances perte de gain auprès d’assureurs privés en participant au financement de la prime382.

Ces initiatives ont le mérite d’éviter à l’assuré le recours à l’aide sociale et l’accélération de sa désintégration professionnelle, qui péjore la perspective d’un retour rapide à l’emploi.Elles présentent toutefois l’inconvénient, à l’instar des produits d’assurance décrits ci-dessus383,de ne pas prévoir une prise en charge allant au-delà de l’octroi de moyens financiers. Compte tenu du fait qu’une personne au chômage est déjà fragilisée sur le marché de l’emploi, il est impératif que même malade, surtout si la maladie se prolonge, elle puisse bénéfi-cier d’un accompagnement afin de préparer son retour à l’emploi.

De ces initiatives, il faut toutefois retenir deux choses essentielles:

- premièrement, elles traduisent un besoin et témoignent du souci des cantons de ne pas voir les cas d’incapacité de travail consécutive à une maladie alourdir le budget de l’assistance publique;

zungsleistungen im Rahmen der AHI-Vorsorge, in: SZS 2011, p. 265 ss, p. 267 ss). Cf. égale-ment note 25.

377 LACI; RS 837.0.

378 Mais au maximum 44 indemnités journalières pendant la durée du délai-cadre de deux ans (cf.

art. 28 al. 1 LACI).

379 En Suisse romande, cest le cas des cantons de Genève (Prestations cantonales en cas de mala-die, PCM. Cf. art. 8 ss LMC, RS-GE J 2 20) et de Vaud (assurance perte de gain maladie pour les bénéficiaires dindemnités de chômage, APGM. Cf. art. 19a ss LEmp, RS-VD 822).

380 Au maximum 270 indemnités journalières dans le canton de Genève, mais à concurrence toute-fois du droit aux indemnités de chômage (art. 15 LMC-GE); nombre variable, en fonction de la durée du droit aux indemnités de chômage (art. 19h al. 4 LEmp-VD).

381 3% dans le canton de Genève, 2% dans le canton de Vaud.

382 Cest le cas des cantons de Fribourg et de Neuchâtel.

383 Cf. C/I/2.

- deuxièmement, elles démontrent qu’il est possible, sans difficultés excessives, de créer une assurance perte de gain publique, à tout le moins s’agissant d’un mécanisme de compensation financière par le biais d’indemnités journalières.