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Intervention auprès des pères et des futurs pères

Chapitre 2 Recension des écrits

2.4. Intervention auprès des pères et des futurs pères

Depuis les années 1970, moment où les enjeux concernant les réalités masculines et paternelles ont commencé à émerger sur la place publique au Québec, des acteurs provenant du travail social se sont impliqués afin de cerner les problématiques propres

aux pères et de développer des pratiques d’intervention adaptées à leurs réalités (Plouffe, 2007). Malgré tout, l’absence et l’exclusion des pères dans les services relatifs à la petite enfance perdurent aujourd’hui et témoignent d’une certaine forme de gatekeeping7 des

professionnels ayant pour effet potentiel de fragiliser le lien père-enfant (Frascarolo et al., 2017). Ce faisant, chercheurs et praticiens en travail social proposent d’améliorer les pratiques en intervention pour rejoindre plus efficacement les pères et favoriser leur engagement paternel.

Défis relevés dans l’intervention

Bien que les représentations sociales des pères dans le champ du travail social soient moins enclines à associer le père à la masculinité toxique ou à le limiter à un rôle d’oppresseur (Genest-Dufault et Castelain-Meunier, 2017; Plouffe, 2007), il n’en demeure pas moins qu’elles sont toujours empreintes d’une forte présomption envers l’absence du père de la vie des enfants, tout particulièrement en contexte de vulnérabilité (Clapton, 2013; Turcotte, 2014). À cet égard, la croyance dans la capacité des pères à occuper les mêmes rôles et responsabilités que les mères se révèle être une condition de base à une meilleure intégration des pères dans les services (Clapton, 2013).

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Dans le contexte occidental où le prendre soin des enfants est encore largement attribué aux mères, le gatekeeping désigne les comportements, pouvant provenir autant des mères que des professionnels, qui limitent ou favorisent les relations entre le père et l’enfant (Frascarolo et al., 2017).

Le recrutement et la rétention des hommes dans les programmes et services d’intervention psychosociale se révèlent être un des défis importants rencontrés (Bizot, 2007, 2011; Deslauriers, 2010; Stahlschmidt, Threlfall, Seay, Lewis et Kohl, 2013). Une certaine hésitation chez les intervenants à aller au-devant des pères pour les rejoindre persiste, motivée, entre autres, par une crainte pour leur sécurité ou encore celle de l’enfant ou de la mère (Turcotte, 2014). Comme le mentionne Devault (2010), si les pères vont chercher de l’aide informelle auprès de leurs proches lorsqu’ils se retrouvent en situation de monoparentalité, il n’empêche qu’ils consultent moins que les mères et qu’ils reportent la demande d’aide plus longtemps. Dans ce contexte, il est tout indiqué d’intervenir rapidement avec la clientèle masculine pour qui la première demande d’aide, considérée par plusieurs comme la dernière option, se déroule souvent en contexte de crise (Dulac, 1999).

Dans leur étude, Bayley et ses collègues (2009) ont relevé les obstacles les plus fréquemment rencontrés par les pères dans les programmes d’intervention visant le soutien à l’engagement paternel. Les barrières les plus communes sont relatives à la connaissance des services, aux horaires de travail, à la perception que les services sont orientés vers les mères, à un manque de support offert de la part des organisations aux intervenants et à une préoccupation des pères en regard des contenus des programmes. Les recherches de Wong et ses collègues (2013) indiquent quant à elles que les conflits conjugaux peuvent décourager les pères à participer à des activités d’intervention qui exigent souvent un certain degré de dévoilement personnel. Enfin, les difficultés économiques sont aussi un facteur qui peut décourager la participation des pères à des

programmes visant le soutien à l’engagement paternel (Stahlschmidt et al., 2013; Wong, Roubinov, Gonzales, Dumka et Millsap, 2013). L’investissement dans une telle démarche peut alors représenter une charge additionnelle à leur rôle de pourvoyeur.

Conditions favorables à l’intervention

La naissance d’un enfant représente une occasion propice pour recruter les pères les plus récalcitrants et ainsi contribuer à leur faire vivre une expérience positive envers les services publics (Deslauriers, 2010). Opter pour une approche d’intervention qui mise sur les forces, plutôt que sur les déficits, s’avère bien souvent un facteur de réussite avec les pères (Clapton, 2013). Pour faire contrepoids au gatekeeping des professionnels qui désigne la mère comme le parent principal, valoriser les compétences et les connaissances acquises contribue à créer chez les pères le sentiment d’être un interlocuteur de choix en ce qui concerne la vie de l’enfant (Deslauriers, 2010). Cela permet d’éviter qu’il soit relégué dans un rôle de soutien (Wong et al., 2013).

Pour relever le défi du recrutement, les professionnels de la santé et des services sociaux ont également leur rôle à jouer en adaptant leurs pratiques. Pour ce faire, diverses stratégies peuvent être mises en place pour améliorer le recrutement et la rétention des hommes ainsi que pour offrir des services plus susceptibles de susciter leur intérêt : développer à l’intérieur des organisations des politiques centrées sur les pères (Stahlschmidt et al., 2013); s’adresser directement aux pères (Bayley, Wallace et

Choudhry, 2009; Deslauriers, 2010; Turcotte, 2014); proposer des moments et des lieux de rencontre flexibles (Bayley et al., 2009; Deslauriers, 2010); les rejoindre directement dans leurs milieux de travail (Bizot, Moisan et Viens, 2013); encourager le recrutement par le bouche-à-oreille (Stahlschmidt et al., 2013); publiciser davantage les services et porter une attention particulière au format des activités afin de susciter leur intérêt (Bayley et al., 2009, Stahlschmidt et al., 2013); privilégier l’intervention de groupe (Bizot, 2007; Dulac, 1999) ou encore les activités où les pères peuvent côtoyer leurs enfants (Bayley et al., 2009). Sans être exhaustifs, ces moyens reflètent diverses avenues prometteuses pour adapter les pratiques d’intervention afin de mieux intégrer les pères dans les services existants en fonction de la socialisation masculine.