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Intervenant de la salle – C’est pour cela que je parlais de recherche de solutions agiles

Mme Muriel DELPORTE – Oui. Cet établissement a aussi un réseau de partenaires

extrêmement dense : professionnels de santé, médicaux, paramédicaux. Ils peuvent

également s’adresser aux centres mémoire, à des professionnels spécialisés dans la

maladie d’Alzheimer mais qui n’ont pas forcément la connaissance du handicap et de

l’accompagnement de personnes en situation de handicap.

Mme Lara SILVESTRI – Je suis post-doctorante, anthropologue. Je souhaite rebondir sur

l’intervention de monsieur et sur ce que vous dites. Je travaille sur un projet de recherche

sur des personnes jeunes ayant des anomalies chromosomiques. Nous sommes amenés à

rencontrer de jeunes trisomiques. Vous dites qu’il faut préparer cette situation à l’avance.

C’est l’une des grandes préoccupations des parents et des familles que nous avons

rencontrés. Ils trouvent que dans les IME et dans certains ESAT la stimulation cognitive

reçue par leurs enfants n’est pas suffisante. Ce dont ils se plaignent le plus souvent est que

les apprentissages s’arrêtent très vite, plus vite qu’ils ne le souhaiteraient. Quand la

personne rentre à l’ESAT, ils constatent une perte de nombreux acquis. Cela concerne

surtout les personnes trisomiques. Ils constatent également une sélection très importante

à l’entrée des ESAT. Des personnes trisomiques qui ne peuvent rentrer en ESAT se

retrouvent ainsi dans des foyers où les stimulations sont mineures. C’est une question

assez importante, non seulement pour le présent, mais sur le long terme.

Mme Muriel DELPORTE – Oui, on retrouve très souvent ce constat des parents. Ce que l’on

entend souvent chez les parents dont les enfants passent dans le secteur adulte, c’est leur

surprise face à la chute des taux d’encadrement. Une maman disait : « Plus ils deviennent

grands et costauds, moins il y a de personnel pour les encadrer ». Les taux d’encadrement

sont plus faibles et il y a un écart entre les différentes façons d’accompagner. Il est difficile

de répondre à votre question ; cela va dépendre des établissements et de ce qui y est mis

en place. Je crois très fort au fait d’ouvrir les établissements à d’autres centres ressources

et à d’autres centres d’expertise, et de pouvoir travailler en partenariat. Je repense à ce

foyer dont je vous parlais tout à l’heure, où il y a également des situations de fin de vie.

C’est un foyer de vie, donc une structure non médicalisée. Une personne est morte dans le

foyer, il y a six mois. C’était sa volonté. Ils ont pu la respecter parce qu’un travail était

réalisé en interne, parce qu’ils avaient travaillé avec les soins palliatifs, avec un infirmier

libéral, parce qu’il y a eu un partenariat très fort avec le médecin généraliste. Je pense qu’il

existe des ressources qu’il faut savoir utiliser. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Intervenant de la salle – Bonjour. Je voudrais vous faire part d’une expérience assez

concrète que nous avons menée, non pas sur des ex-travailleurs ESAT, mais sur une

population de personnes handicapées psychiques vieillissantes. Leur parcours a été une vie

de famille jusqu’à la première crise, puis sanitaire. Ces personnes arrivent à un moment

avec des décompensations moins fréquentes et des comportements un peu plus stabilisés.

Elles ne sont plus adaptées à l’hôpital (ce qui est une excellente chose), peut-être à cause

de l’âge. Se posait alors la question de les accueillir dans notre association, la famille étant

généralement assez éloignée, voire disparue. La force de notre association est d’avoir des

EHPAD et des établissements pour handicapés psychiques, polyhandicapés et traumatisés

crâniens. À partir de ces expériences, nous nous sommes demandés : « Que peut-on

faire ? ». Cela se passe dans l’Aine, région où il n’y avait pas forcément d’offre

médico-sociale adaptée. En tant qu’EHPAD, nous nous sommes dits : « Accueillons, pour voir,

quelques personnes handicapées, dans le modèle handicapées vieillissantes ». On sait faire

avec les troubles de comportement, on sait faire avec la gériatrie. Le premier constat est

que cela a été une colossale erreur. Pourquoi ? Parce que c’est une interculturalité. Une

personne qui a vécu sa vie en situation de handicap lourd n’est pas comparable à une

personne qui a vécu une vie de travailleur, de famille, et qui se retrouve en situations

d’avancée en âge, de comorbidité, de dépendance, fussent-elles liées à Alzheimer. Nous

nous sommes dit que nous allions mutualiser les compétences communes mais que nous

allions surtout former les salariés de l’EHPAD à la gestion des situations de handicap. Bien

sûr, le lien avec un centre hospitalier spécialisé psychiatrique est indispensable.

Aujourd’hui, c’est une unité à part, car on ne peut l’assimiler à une maison de retraite, en

tous cas à cette étape de l’expérience. Le modèle est pérenne, même l’ARS l’a validé. Le

tout est de se dire : il y a une interculturalité, il y a des spécificités, il y a des parcours de

vie. Il faut prendre en compte tout cela pour faire un accompagnement bien-traitant. Cela

se déroule plutôt bien.

Mme Muriel DELPORTE – Vous avez raison de le souligner : entre le monde de la

gérontologie et le monde du handicap, il y a des cultures professionnelles différentes. J’ai

fait des entretiens avec des professionnels et je me souviens d’une éducatrice qui disait :

« Je travaille en foyer d’hébergement, ils ont décidé de le transformer en foyer

d’accompagnement pour accueillir des retraités, je me suis dit qu’une éducatrice n’était

pas faite pour travailler avec des vieux ». Il y avait même une éducatrice qui avait postulé

en CCAS et, quand elle a reçu le papier l’informant qu’elle était prise en EHPAD, elle a

appelé pour dire qu’il y avait une erreur. C’était une unité pour les personnes handicapées

vieillissantes. Ce que nous avons pu observer dans ces unités dédiées en EHPAD, c’est que

cela permettait aux professionnels des deux secteurs de se rencontrer et de s’enrichir

mutuellement. Cela permet également de changer les représentations. Je pense à un

EHPAD dans le Pas-de-Calais où ils ont ouvert une unité pour personnes handicapées

vieillissantes ; elle était ouverte depuis un mois quand j’ai rencontré le directeur. Il m’a dit :

« J’ai eu du mal au départ, je n’avais pas l’habitude, mais à partir du moment où des

personnes avec un handicap intellectuel sont arrivées dans l’unité, elles venaient tous les

matins dans mon bureau, en me saluant, en me demandant si j’avais bien dormi… C’est

quelque chose dont je n’avais pas l’habitude. » Il y avait un secrétariat à l’entrée avec des

baies vitrées, bien placé pour observer les allées et venues. Des personnes de l’unité

dédiée, ayant une longue expérience des institutions, ont très vite repéré qu’il y avait là un

lieu stratégique, et ont commencé à s’installer avec la secrétaire pour prendre le café et

discuter. Des personnes âgées de l’EHPAD se sont alors rendu compte que quelque chose

d’intéressant se passait, elles y sont allées aussi et maintenant la secrétaire est très

entourée ! Ce qui est intéressant, c’est que c’est ce qui leur a permis, en équipe, de se dire

qu’ils avaient jusqu’alors une perspective essentiellement médicale, ils ne voyaient pas la

dimension sociale, et ça a changé le regard qu’ils portent sur leur public dorénavant.

Mme Annie DUPONT-OLIVET – Je suis directrice d’un centre de rééducation

professionnelle à Pau, géré par l’UGECAM Aquitaine. Je voudrais vous parler d’un autre

type de vieillissement, qui nous interroge, et pour lequel il serait intéressant de faire des

recherches. On a examiné l’âge des personnes qui demandent à la MDPH une RQTH et une

orientation professionnelle, dans un centre tel que celui que je gère, qui a pour mission la

formation et l’accompagnement médico-social pour permettre un retour des personnes

reconnues travailleurs handicapés, qui par ailleurs sont suffisamment handicapées pour

avoir été licenciées pour inaptitude, mais pas suffisamment pour percevoir une AAH ou une

quelconque prestation qui leur permettrait de vivre dignement sans devoir travailler. L’âge

du départ à la retraite a été décalé de 60 à 62 ans : je suis un peu inquiète quand j’entends

quelques propositions qui proposent de le passer à 65, voire à 67 ans. La situation qui

pouvait être tolérable en emploi pour tenir jusqu’à 60 ans, ne l’est plus à 62, et les gens

sont licenciés à tour de bras entre 55 et 62 ans. Ces personnes ont souvent été dans des

situations de soin. Je ne sais pas si vous êtes sensibles à cette notion de trimestres validés

ou cotisés : quand on est malade pendant un certain temps, ce ne sont plus des trimestres

cotisés mais des trimestres validés, qui n’ouvrent pas droit à un départ à la retraite

précoce. Cette population se retrouve à demander un droit à la reconversion

professionnelle. Comme elles ont ce droit, elles sont orientées vers nos établissements, et

nous rencontrons deux difficultés, pour lesquelles nous ne voyons pas trop de solution

pour l’instant : ce sont d’abord leurs capacités cognitives qui sont moindres ; la

détérioration de l’état de santé augmente avec l’âge, il y a une usure, un manque de

motivation en raison d’un manque de visibilité, une fatigabilité. Malgré tout, nous

travaillons avec elles, nous essayons de nous adapter, mais après, il y a le marché de

l’emploi. Nous les orientons pour qu’elles retrouvent un emploi dans les meilleurs délais.

Or, sur ce marché du travail, on cherche des jeunes adaptables, dynamiques, mobiles, avec

des qualités et des capacités qui deviennent rares avec l’âge. On se retrouve donc dans une

impasse, avec une catégorie de personnes qui ont ouvert des droits et qui se retrouvent

sans solution.

Mme Muriel DELPORTE – Cela fait écho à la situation de certains travailleurs en milieu