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Développement de modèles d’analyse multivariée

4.1.2 Interprétation des spectres

Avant tout, il convient de rappeler que l’acquisition de spectres MIR des échantillons des produits lourds a été réalisée en mode réflexion totale atténuée (ATR). En effet, ce mode d’échantillonnage permet l’obtention de spectres MIR des produits lourds, qui sont très absorbants dans ce domaine, sans saturation du signal (Partie 2.1.1). La Figure 4.2 représente les spectres MIR de deux échantillons représentatifs de la base : un distillat sous-vide (DSV) et un résidu atmosphérique (RA).

4.1. EXPLORATION DES DONNÉES

Figure 4.2 – Spectres MIR d’un DSV et d’un RA. L’interprétation des bandes d’absorp-tion est indiquée sur les spectres (δ : vibrad’absorp-tion de déformad’absorp-tion et ν : vibrad’absorp-tion d’élongad’absorp-tion) Cette figure illustre que les spectres MIR des échantillons DSV et RA sont très simi-laires et qu’ils présentent les mêmes bandes, dont l’interprétation est détaillée ci-dessous : – 950-700 cm-1: déformations des liaisons C-H hors du plan (δCH hors du plan). Ces

vibrations peuvent être attribuées à des cycles aromatiques ; – 1500-1300 cm-1 : déformations des liaisons C-H (δCH) ;

– 1650-1550 cm-1 : élongations des doubles liaisons carbone-carbone (νC=C) ; – 3000-2750 cm-1 : élongations symétriques et asymétriques des liaisons C-H dans

les groupements CH2 (2922 et 2852 cm-1) et CH3 (2953 cm-1) (νCH2 et νCH3) ; – 3100-3000 cm-1 : faible bande d’élongation des liaisons =C-H (ν=C−H).

Nous rappelons également que les spectres PIR des produits lourds ont été enregistrés en mode transmission. Nous avons opté pour ce mode d’échantillonnage car il permet d’obtenir une meilleure fidélité sur la mesure spectrale qu’en mode réflexion diffuse (Partie 2.1.2). De plus, les produits lourds du pétrole peuvent présenter une forte hétérogénéité. Le mode transmission permet donc de limiter les problèmes de représentativité de l’analyse. Enfin, le spectromètre PIR utilisé (Partie 3.6) présente de nombreux avantages :

– un trajet optique très faible (500 µm) qui permet d’éviter la saturation du signal malgré la forte absorption de ces produits ;

– un protocole expérimental spécialement conçu pour l’échantillonnage de ces produits très visqueux dans la cellule ;

– une cellule thermostatée pour éviter, d’une part, les variations de température pen-dant l’acquisition du spectre et, d’autre part, le bouchage du circuit par solidification de l’échantillon.

La Figure 4.3 représente les spectres PIR de ces mêmes échantillons. Cette figure illustre que les échantillons DSV et RA présentent des bandes communes :

– 4460-4000 cm-1 : combinaison entre les élongations symétriques et asymétriques des liaisons C-H dans les groupements CH2 et CH3 et les déformations des liaisons C-H ;

– 4700-4540 cm-1 : combinaison entre les élongations des doubles liaisons C=C et les élongations des liaisons =C-H aromatiques ;

– 6200-5400 cm-1 : première harmonique des élongations symétriques et asymé-triques des groupements CH2 et CH3;

– 8600-8000 cm-1: seconde harmonique des élongations symétriques et asymétriques des groupements CH2 et CH3.

Figure 4.3 – Spectres PIR d’un DSV et d’un RA. L’interprétation des bandes d’absorp-tion est indiquée sur les spectres (δ : vibrad’absorp-tion de déformad’absorp-tion et ν : vibrad’absorp-tion d’élongad’absorp-tion)

4.1. EXPLORATION DES DONNÉES

Sur le spectre du RA (en rouge), nous pouvons observer entre 9000 et 6000 cm-1 une forte déformation de la ligne de base lorsque l’on se déplace vers les nombres d’onde élevés. Nous désignerons ce phénomène par "une courbure de la ligne de base". Mullins [80] a attribué cet effet à une absorption causée par les transitions électroniques des liaisons n − π et π − π des agrégats d’asphaltènes. Pour ce faire, Mullins a procédé à l’acquisition des spectres PIR d’un bitume et de ces fractions maltènes1 et asphaltènes. Il a remarqué que la courbure de la ligne de base est présente sur le spectre du bitume et des asphaltènes. Cependant, le spectre des maltènes ne présente pas cet effet.

Afin de définir si ce phénomène correspond à une diffusion ou une absorption, Mul-lins a dilué un pétrole brut contenant des asphaltènes dans du tétrachlorure de carbone (CCl4). En effet, le CCl4 est connu pour dissocier les agrégats d’asphaltènes. Il a ensuite enregistré les spectres PIR du produit brut dilué et non-dilué en corrigeant la dilution par une augmentation du trajet optique. Les résultats obtenus ont montré que cet effet est présent sur les spectres du pétrole brut dilué et non dilué. Or, la diffusion est très corrélée à la taille des particules. Ainsi, si cet effet était due à de la diffusion, la dissociation des agrégats d’asphaltènes aurait engendré une forte diminution de son intensité. Par consé-quent, Mullins a conclu que la courbure de la ligne de base est due à la queue de la bande d’absorption observée en spectroscopie dans le domaine du visible, causée par les transitions électroniques des liaisons n − π et π − π des agrégats d’asphaltènes.

L’interprétation des spectres MIR et PIR nous a permis de répertorier les principales bandes d’absorption. Nous disposons aussi d’informations sur la composition chimique des produits lourds et sur leurs propriétés de caractérisation (Chapitre 1). Nous avons donc mené une réflexion pour essayer de définir quelles sont les interactions entre ces différentes informations.

Les bandes d’absorption présentent dans les spectres sont majoritairement dues aux liaisons contenant des atomes de carbone et d’hydrogène. L’information nécessaire à la détermination des teneurs en carbone, en carbones insaturés et en hydrogène est donc présente. De plus, une absorption électronique des liaisons n − π et π − π causée par les agrégats d’asphaltènes est présente dans les spectres PIR. Il est donc envisageable de

1. Les maltènes correspondent au produit désasphalté. Ils contiennent donc les saturés, les aromatiques et les résines.

pouvoir relier cette information à la teneur en asphaltènes. L’analyse de la SARA est une analyse par famille en fonction de la polarité et donc, en partie, du degré de saturation. Nous avons observé que les bandes sont dues à des groupements de degrés de saturation différents (groupement CH2 et CH3 , liaison C=C, cycles aromatiques. . .). La prédiction des teneurs en saturés, aromatiques et résines à partir des spectres de vibration semble donc envisageable. Enfin, les propriétés physico-chimiques globales ne sont pas reliées à une famille chimique spécifique mais font état de la matrice globale du produit. Or, les spectres obtenus en spectroscopie vibrationnelle sont décrits comme des "empreintes spectrales" du produit. Les variations des valeurs de propriétés, comme la densité ou la viscosité, qui sont reliées à des variations globales de la composition du produit devraient être potentiellement détectées en spectroscopie vibrationnelle. Lorsque la propriété varie linéairement avec la composition, il est possible de relier, sans trop de difficultés, ces variations spectrales aux valeurs des propriétés. Par contre, cela peut-être plus difficile pour des propriétés comme la viscosité dont les variations ne sont pas linéairement reliées à la composition. Les hétéroéléments (soufre, azote) et les métaux (nickel et vanadium) sont présents à de très faibles teneurs (de quelques pour-cent pour le soufre à quelques dizaines de ppm pour le nickel). De plus, aucune information spécifique à ces éléments n’a été observée parmi les principales bandes des spectres MIR et PIR. L’analyse par spectroscopie vibrationnelle des hétéroéléments et des métaux paraît alors difficile car, comme nous l’avons évoqué dans la Partie 2.3.3, la spectroscopie vibrationnelle n’est généralement pas adaptée aux analyses de traces.