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4 Discussion

4.1 Interprétation des résultats

Les résultats obtenus révèlent tout d’abord une grande diversité de communication et de socialisation. Les trois ergothérapeutes travaillaient auprès d’enfants de tranches d’âge différentes et il semblerait que le critère de l’âge explique ces différences. Le jeu guidé semble être une modalité adaptée d’office auprès de ce public. En effet, les ergothérapeutes ont toutes parlé des structurations et adaptations qu’elles mettaient en place dans leur séance. Finalement, le jeu guidé semble s’imposer à leur exercice plus qu’être un choix professionnel ou thérapeutique. En effet, il semble nécessaire de poser un cadre dans le jeu afin qu’il soit gérable et productif. Le groupe semble être un outil très intéressant pour les enfants d’au moins six ans. Pour les plus jeunes, le manque de communication et de socialisation pourrait expliquer la difficulté voire l’impossibilité de mettre en place des jeux en groupe. En effet, si un enfant n’a pas la capacité de s’intéresser à l’autre, à ses actions, à ses paroles, le jeu en groupe perd beaucoup de son intérêt. Il semble donc essentiel que les enfants aient acquis un minimum en termes de communication et de socialisation pour proposer ce type d’activité.

Les ergothérapeutes se sont prononcées très prudemment sur l’éventuelle évolution des enfants en termes de communication et de socialisation. Cette réserve peut s’expliquer par le fait que les enfants voient plusieurs professionnels ou ont parfois des suivis en parallèle. Il peut être donc difficile d’estimer si les évolutions sont à rattacher aux séances de jeu en groupe ou à l’ensemble de la prise en soin. Cependant, des évolutions positives ont été observées quand les enfants grandissaient. En ce sens, les résultats rejoignent et précisent ceux de l’enquête exploratoire où la majorité des ergothérapeutes observaient des effets positifs liés au jeu (la question du groupe n’avait pas été soulevée lors de l’enquête exploratoire). De plus, dans l’enquête exploratoire, une majorité d’ergothérapeutes estimait que les acquis se généralisaient à l’extérieur entre autres auprès des pairs mais aussi auprès des parents. L’étude a montré quant à elle que certaines évolutions positives étaient observables entre pairs du groupe. Cependant,

concernant l’extérieur de manière globale incluant les parents et l’école, les ergothérapeutes semblaient moins convaincues. Une des ergothérapeutes entre autres a déploré le manque d’implication des parents qui n’appliquaient pas les notions vues en groupe. Il est important de préciser que les ergothérapeutes interrogées en entretien n’intervenaient pas au domicile des enfants et extrêmement rarement à l’école (sauf l’ergothérapeute travaillant en UEM). Les observations qu’elles ont pu émettre sur la généralisation des acquis sont donc à prendre avec précaution.

Concernant la revue de littérature, les études montraient généralement un impact positif du jeu. Là encore, les ergothérapeutes ont remarqué des évolutions mais se prononcent prudemment quant à l’origine des évolutions. De plus, elles ne font pas un lien direct entre les jeux en groupe et les améliorations observées en termes de communication et de socialisation. Il faut préciser que les études contenues dans la revue de littérature s’intéressaient au jeu indépendamment de sa mise en œuvre (individuel ou en groupe, avec des professionnels ou au sein de la famille).

Le cadre théorico-conceptuel avait permis d’apporter des éléments sur le groupe et le jeu. En reprenant les descriptions faites des ergothérapeutes sur leurs séances, il serait possible de proposer des hypothèses en lien avec les théories et les concepts.

Ainsi, dans le concept de jeu développé par Francine Ferland, certaines notions sur les jeux possibles en fonction de l’âge de l’enfant sont ressorties à travers les entretiens de la recherche (30). Elle expliquait entre autres que le jeu coopératif partagé n’était pas possible avant 4-5 ans (30). Cela rejoint les observations des ergothérapeutes qui estimaient que les jeux en groupe pour les tout petits (moins de 5-6 ans) étaient presque impossibles. Ce léger décalage peut s’expliquer par le retard de développement des habiletés sociales et de la communication pour les enfants porteurs d’un TSA.

De même, les ergothérapeutes ont parlé à plusieurs reprises qu’elles structuraient les jeux, qu’elles répétaient souvent les mêmes règles, qu’elles usaient de récompenses, finalement qu’elles avaient un rôle actif (cf annexe 7, 8, 9). Certains changements ont été observés sur la communication et la socialisation (cf annexe 7, 8, 9). Au vu du rôle des ergothérapeutes, il se pourrait que les changements observés s’inscrivent dans la dynamique des groupes de Kurt Lewin et du principe de changement social. En effet, cette théorie met en valeur qu’il faut une modification importante des forces pour modifier l’équilibre et entrainer un changement de comportement (25-26). Cela pourrait être mis en relation avec les comportements de frustration

observés par certaines ergothérapeutes. Ils pourraient peut-être témoigner justement d’une hausse des tensions internes chez les enfants par l’imposition de règles. Cela permettrait par la suite de modifier leurs comportements en trouvant un nouvel équilibre abaissant ainsi leurs tensions internes. Cependant, la recherche a aussi montré qu’il ne fallait pas trop générer de frustration car sinon l’apprentissage n’était plus possible pour l’enfant (cf annexe 9). De plus, le fait qu’un enfant soit plus en avance sur les acquis en communication et en socialisation pouvait être bénéfique pour le groupe en l’aidant justement à acquérir ces compétences-là. Ce phénomène pourrait être mis en relation avec le conformisme social. Le comportement valorisé par la majorité (dans le cas de l’étude, par les ergothérapeutes ou autres professionnels présents) est imité par la minorité. Cependant, dans le cas où les comportements inadaptés représenteraient la majorité, ils pourraient aussi être imités et généralisés par l’ensemble du groupe. Les ergothérapeutes observaient parfois de telles phénomènes où les enfants n’écoutaient plus les consignes (cf annexe 7). Enfin, les récompenses énoncées dans certains entretiens pourraient faire penser à un nouveau concept encore non développé : le conditionnement opérant.

Conditionnement opérant :

Ce concept a été développé par Burrhus Frederic Skinner à la suite de la création du concept du conditionnement classique de Ivan Petrovich Pavlov. La particularité de la version de Skinner est de rechercher les conséquences d’un comportement, plus que son origine. Il définit quatre types de conséquences :

- Renforcement négatif : action mettant fin à une situation désagréable,

- Renforcement positif (appelé parfois récompense) : action entrainant une situation agréable,

- Punition positive : action entrainant une situation désagréable, - Punition négative : action mettant à une situation agréable (33).

Les renforcements ont pour objectif de favoriser un comportement alors que les punitions ont pour objectif de diminuer ou arrêter un comportement (33).

Pour revenir à la recherche, les récompenses apportées par les ergothérapeutes ont bien pour objectif de favoriser certains comportements. Cependant, le système de récompense ne s’inscrit pas en premier lieu en groupe. Il est plutôt d’ordre individuel, même s’il peut se pratiquer au sein d’un groupe.

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