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4. DISCUSSION GÉNÉRALE

4.1 Interprétation des résultats

L’épandage de lisier de porc a entraîné une augmentation de l’abondance des gènes sul1

et tet(T) de manière transitoire. Cependant, à la dose élevée de lisier de porc (2X), la quantité

de gènes est restée significativement plus élevée jusqu’à la récolte du blé en septembre. Ces

résultats suggèrent que l’épandage de lisier de porc à une dose agronomique serait préférable

afin de diminuer la propagation des GRAs à travers les cultures. De plus, il semble qu’un délai

de 116 jours après l’épandage du lisier de porc n’a pas été suffisant pour éliminer les risques

potentiels de résistance antimicrobienne dans le sol. Plusieurs études ont rapporté des

abondances élevées de GRAs dans des sols ayant reçu du lisier de porc pendant plus d’une

saison de culture (2,13,16,19–21).

L’environnement est un réservoir naturel de GRAs (6,13,21). La détection des gènes

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minéraux a permis de mieux connaître les quantités et prévalences de ceux-ci dans des

conditions exemptes de fertilisants organiques depuis plusieurs années. Ainsi, ce « bruit de fond

» d’abondance et de prévalence des GRAs a été comparé avec les autres parcelles ayant reçu du

lisier de porc. Fait intéressant, les gènes sul1 avaient des prévalences élevées dans toutes les

parcelles tandis que l’abondance de ceux-ci variait selon les traitements. Les gènes sul1 ont été

retrouvés dans différents types de sol qui n’étaient pas toujours fertilisés avec des engrais

organiques démontrant ainsi que les microorganismes indigènes du sol peuvent les posséder

(2,20,22,102). Les gènes tet(T) ont eu des prévalences légèrement plus faibles, mais ont tout de

même été statistiquement les mêmes pour toutes les parcelles, sauf pour la 3e profondeur de sol

(20-40cm) qui était significativement plus faible que les deux autres profondeurs. Il semble ainsi

qu’il y ait déjà un réservoir établi de gènes sul1 et tet(T) dans le sol, mais que la quantité de

ceux-ci a significativement augmenté après les épandages de lisier de porc de manière transitoire

pour la dose de lisier de porc recommandée par le CRAAQ et à long-terme pour la dose plus

élevée (2X).

Les résultats obtenus durant cette étude n’ont pas pu démontrer que le travail du sol a eu un

impact sur le transport des GRAs dans l’eau de drainage. L’étude réalisée par Garder et al.

(2010) mena aussi à cette conclusion alors qu’ils comparaient l’abondance des gènes de

résistance aux MLSB erm(B) et erm(F) lors d’un travail réduit et un travail conventionnel du sol

réalisé au chisel. Ils ont rapporté qu’une détection d’autres GRAs aurait pu mener à d’autres

conclusions. Comme leur étude a été menée en Iowa avec des conditions météorologiques et un

type de sol différents de la région Chaudière-Appalaches du Québec, ceci peut expliquer les

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provenance du lisier de porc peut avoir eu un impact puisque l’usage des antimicrobiens diffère

entre le Canada et les États-Unis (4,6,27). Peu d’études ont évalué l’effet de différentes pratiques

de travail du sol sur la présence et le transport des GRAs à travers l’eau de drainage. Il est connu

qu’un sol peu ou pas travaillé possède des voies préférentielles d’écoulement de l’eau

(macropores), ce qui pourrait influencer le transport des microorganismes dans l’eau de drainage

(80). Cependant, l’étude de Stoddard et al. (1998) n’a pas permis de démontrer que le transport

des microorganismes indicateurs de contamination fécal dans le sol avait eu un impact en

fonction du type de travail du sol ou du moment de l’épandage des fumiers (81). Les résultats

obtenus dans la présente étude ont généralement démontré qu’il y avait davantage des gènes

tet(T) dans l’eau de drainage pendant plus de 155 jours après l’épandage. Les gènes sul1, pour

leur part, ont persisté pendant plus de 19 jours. La diminution des gènes tet(T) semble être

corrélée avec la diminution du nombre de bactéries E. coli et entérocoques. Par ailleurs, ce n’est

pas le cas pour les gènes sul1. Ce gène a souvent été associé à l’intégron de classe 1 (int1), ce

qui lui permet de se propager plus facilement chez d’autres microorganismes (21,22).

La résistance aux β-lactamines est très répandue chez plusieurs microorganismes

pathogènes en médecine animale et humaine (13). Les gènes blaCTX-M-1 n’ont pas été

quantifiables, mais ils ont tout de même été détectés dans le lisier de porc et quelques

échantillons d’eau de drainage. La présence des gènes BLSEs a été associée à l’usage des

pénicillines et des céphalosporines en production animale (95). Les pénicillines sont davantage

utilisées chez les jeunes porcs que ceux en engraissement et en croissance-finition (68). Aussi,

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été détectés dans des sols fertilisés avec du lisier de porc, tels que blaTEM-71 (13), blaSHV (19)et

blaOXA-20 (91).

Les gènes de résistance à la colistine, mcr-1 et mcr-2, n’ont été détecté dans aucun

échantillon de lisier de porc, de sol et d’eau de drainage. Cela dit, ce résultat était attendu puisque

la colistine n’est pas autorisée au Canada en élevage. Cet antimicrobien est tout de même

autorisé dans d’autres pays comme la Chine. Puisqu’il est de très haute importance en santé

publique et que le nombre de microorganismes résistants à la colistine a augmenté dans les

dernières années, il est probable que l’environnement ait joué un rôle dans leur dissémination à

travers le monde (27).