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3.2.1. Des conséquences individuelles

Il s’agit, selon E. Kains et D. Piquard (75), du risque accru de troubles somatiques, d’épuisement, de dépression majeure, d’idées suicidaires ou de passages à l’acte, d’abus d’alcool ou la consommation de substances illicites (médicaments ou drogues). 3.2.2. Des conséquences professionnelles et académiques Toute atteinte de la santé mentale ou physique d’un interne de médecine peut être délétère sur son parcours d’études universitaires en altérant ses performances académiques ou du fait d’un absentéisme répété, mais sans doute aussi du fait de conflits ou de difficultés relationnelles. Au maximum, l’interne peut avoir à vivre une véritable situation d’échec professionnel, un redoublement voire un abandon définitif de ses études (75).

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C. LA RELATION ENTRE EMPATHIE ET BURNOUT

1. Généralités

Les études en Europe auprès des médecins généralistes montrent qu’environ un médecin sur trois aurait déjà ressenti un épuisement professionnel. Or, alors que les conséquences négatives d’un burnout ont été décrites plus haut comme la baisse des performances professionnelles ou même le suicide, un accroissement de données de la littérature semblent suggérer l’existence de liens directs entre empathie et burnout (17). En effet, si la pratique empathique d’un médecin peut dépendre de nombreux facteurs comme la participation à un groupe de pairs ou la poursuite continue d’un apprentissage ou d’une formation comme le suggère les plus récentes études (56), elle naît d’abord surtout de la préoccupation spontanée du médecin pour les émotions de son patient, laquelle pourrait être source de fatigue compassionnelle (81) et conduire alors le médecin à l’épuisement. Cependant ce phénomène irait à l’encontre des deux hypothèses (12 ; 82) d’une relation inverse entre empathie et burnout expliquant d’une part que l’empathie réduit le burnout et réciproquement d’autre part le burnout réduit l’empathie.

Nous étudierons donc dans cette partie les différentes relations possibles entre empathie et burnout soulevées dans la littérature. Toutefois, il faut ici considérer que ces relations, établies par des études transversales chez des étudiants de médecine pour la plupart, sont seulement hypothétiques puisqu’aucun lien de causalité n’a pu encore être démontré faute d’études longitudinales robustes.

2. Les trois hypothèses dans la littérature

2.1 Hypothèse 1 : le burnout diminue l’empathie

Selon les propos du Dr Ramses Wassef, directeur du Bureau d’aide aux étudiants et internes de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, rapportés par E. Garnier en 2010 (83) : « L’épuisement professionnel (…) entraine ‘‘l’usure de compassion.’’ Il est difficile de donner aux autres quand on a complètement épuisé nos réserves. »

51 Même si le terme d’« usure de compassion » employé ici a en fait été initialement choisi par C. Tilnius en 2009 afin de mettre en garde contre l’usage excessif d’empathie comme nous le verrons plus loin, plusieurs auteurs s’accordent bien à dire que le burnout réduirait l’empathie.

En effet, ces auteurs suggèrent que le burnout, en raison de sa tendance à la dépersonnalisation, diminuerait l’empathie. Car selon eux le burnout étant d’abord défini par une attitude de dépersonnalisation qui mènerait au cynisme vis à vis des patients, celui- ci conduirait probablement aussi à une perte significative de l’empathie clinique globale des soignants. Ainsi, des médecins exténués pourraient être moins compétents pour écouter leur patient de façon empathique et pourraient perdre leur capacité de se mettre à leur place (17).

Le burnout pourrait donc, comme l’analyse T. D. Shanafelt en 2005 (11) chez les internes, être aussi bien néfaste pour le médecin que pour le patient.

- En 2002 d’abord, T.D. Shanafelt (84) réalise une étude transversale utilisant le questionnaire MBI de façon anonyme ainsi que cinq questions d’auto-évaluation élaborées en vue de repérer une pratique de soins sous-optimale aux patients, chez 115 internes de spécialité de médecine interne à l’université de Washington. Il observe alors un risque accru de prise en charge des patients sous optimale en cas de burnout. - En 2005, il introduit son étude sur la qualité de vie et la pratique de l’empathie chez 165 internes de médecine interne de l’université de Rochester en indiquant que les données sont suffisantes pour établir que la détresse ressentie par les internes au cours de cette période critique et stressante de formation réduit leur empathie alors même qu’ils ont à développer leur identité professionnelle. - Enfin en 2007, il conclut au terme d’une revue de la littérature menée avec C.P. West (85) sur les facteurs personnels et environnementaux du professionnalisme au cours des études médicales à un déclin de l’humanisme et de l’empathie s’expliquant en partie par le stress professionnel intense ressenti. Puis en 2010 ensuite, et toujours aux Etats-Unis, C. Brazeau et son équipe (12) vont observer chez des étudiants de quatrième année de la New Jersey Medical School que plus haut est leur niveau de burnout au MBI (Maslach Burnout Inventory), plus faible est celui de leur pratique empathique sur l’échelle JSPE (Jefferson Scale of Physician Empathy) Ces

52 résultats en France ont été retrouvés de façon similaire chez les médecins généralistes en 2012.

En 2011 et en France, D. Truchot (86) va observer chez 270 médecins généralistes que ceux ayant un niveau élevé de burnout au MBI ont tendance à se désengager par un retrait psychologique ou comportemental. Ce « retrait psychologique » désigne toute attitude de détachement vis à vis de son travail, tout sentiment aversif ou tout évitement de contact avec ses patients. Il pourrait s’agir en fait d’une stratégie de coping défensif par retrait, visant à protéger ses ressources internes et, selon les mots de P. Canoui et A. Moranges (66), « préserver son autonomie » et « maintenir un état d’équilibre psychologique ».

Pour finir, il faut rappeler que le travail de thèse d’A. Woerner (16) cite la récente revue de littérature de M. Neumann et son équipe en 2011 confirmant le déclin de l’empathie pendant l’internat tout en soulignant bien que la plupart des études citées retrouvent que le burnout diminue de façon significative le degré d’empathie. Les auteurs soulignent le peu d’approfondissement des causes de cette réduction. Cependant, en rapport avec ces interrogations fondamentales, les conclusions du Dr L. N. Dyrbye (87)sur une atteinte possible de la capacité d’altruisme chez les victimes d’un surmenage professionnel sont d’autant plus intéressantes qu’ils ont eux-même retrouvé (88) chez 1 098 étudiants en médecine aux USA que l’empathie serait plus élevée que dans la population générale et qu’il existerait un lien significatif entre burnout et déclin de l’empathie.

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