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L'interdiction d'aller et venir sur le territoire du récif de Tromelin et des îles Éparses Il faut également mentionner une autre spécificité très importante qui découle d'un

B.- La consolidation progressive de la souveraineté de la France sur les îles Éparses à partir de 1960

2. L'interdiction d'aller et venir sur le territoire du récif de Tromelin et des îles Éparses Il faut également mentionner une autre spécificité très importante qui découle d'un

second arrêté préfectoral en date du 18 novembre 1975 et qui peut s'analyser par son contenu en

1 Plus connu par son acronyme (IFREMER), l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer est un établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC) très important dont le siège est aujourd'hui fixé à Issy-les-Moulineaux dans les Hauts-de-Seine. Créé par un décret en date du 5 juin 1984 (modifié à plusieurs reprises et notamment en 1998 et en 2002), cet organisme est chargé par le Gouvernement de promouvoir des recherches fondamentales et appliquées, des activités d'expertise et des actions de développement technologique et industriel destinées à la mise en valeur des ressources halieutiques des océans et à leur exploitation durable. À cette fin, il dispose d'un personnel important spécialisé réparti dans quatre centres métropolitains (Boulogne-sur-Mer, Brest, Nantes et Toulon) un centre ultramarin en Polynésie française (Tahiti) et quatre délégations outre-mer dont une est installée dans le département de La Réunion (Le Port).

2 "Portant interdiction de la pêche dans les eaux territoriales des îles Europa, Juan de Nova, Bassas da India, Glorieuses et Tromelin", l'arrêté n° 257 du 15 février 1994 a été publié dans le Recueil des actes administratifs de la préfecture de La Réunion.

3 Voir le décret n° 90-95 du 25 janvier 1990, "pris pour l'application de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 modifié fixant les conditions générales d'exercice de la pêche maritime dans les zones de pêche non couvertes par la réglementation communautaire de conservation et de gestion", in J.O.R.F., 27 janvier 1990, pp. 1155-1158.

4 "Portant interdiction de la chasse aux mammifères marins dans les zones économiques exclusives de Mayotte ainsi que des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India", l'arrêté n° 1336/DGRF du 26 mai 1994 a été publié dans le Recueil des actes administratifs de la préfecture de La Réunion.

une entrave à la libre circulation des personnes sur le territoire de la République1. Par cette décision complémentaire, le délégué du Gouvernement de la République a en effet subordonné le séjour de tout individu sur chacune des cinq petites îles françaises dispersées autour de Madagascar à une "autorisation préalable écrite" qui était délivrée, à l'origine, par les services de la préfecture de Saint-Denis. L'arrêté du 18 novembre 1975 précise en effet que seul le préfet -

"en tant que délégué du Gouvernement de la République" - peut autoriser l'accès et le séjour de quiconque sur chacun des différents îlots.

Mais à la suite du nombre croissant de demandes hors administration d'autorisation de séjour sur les îles Éparses et le récif de Tromelin, le délégué du Gouvernement de la République - à l'époque le préfet de La Réunion Michel LEVALLOIS - a été contraint d'établir une directive qui réglemente de manière draconienne l'autorisation d'accès et de séjour sur chacun des îlots. Il s'agit de la directive du 2 septembre 1981, édictée après avis donné le 1er décembre 1980 par le Conseil des îles Éparses.

Pour justifier cette politique restrictive et pour lutter contre toute forme de tourisme ("tourisme de vision" et "tourisme clandestin"), deux arguments principaux ont été avancés par les responsables de la directive. Le premier est qu'il faut limiter au maximum la présence humaine sur le territoire terrestre des îlots dès lors que l'on veut assurer une protection efficace de leur environnement terrestre et marin. En outre, l'éventualité d'évacuations sanitaires en urgence de ressortissants français ou étrangers, dans des conditions difficiles et coûteuses, doit inciter à la prudence de la part des responsables des îlots. En réponse à un courrier interne du 27 juillet 1992, le préfet du département de La Réunion considère par ailleurs que "ces îles ne peuvent en aucun cas constituer un objectif délibéré de croisière ou d'escale à des fins touristiques". En ce qui concerne les voiliers et navires devant relâcher aux abords des îlots aux fins de réparation ou pour des raisons humanitaires, les consignes données - conformément au droit international de la mer - sont celles d'un "accueil courtois mais ferme sans autorisation de séjour"2.

L'interdiction d'aller et venir sur les îles Éparses et le récif de Tromelin - qui limite ainsi la présence humaine sur chacune des îlots - et leur classement en "réserves naturelles" - qui impliquent une série de servitudes - emportent en fait prohibition de toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore locales ou d'altérer le caractère de la réserve3. Ces dispositions ont pour effet salutaire d'empêcher pour une période au demeurant indéterminée la circulation du public, quel que soit le moyen employé, la divagation des animaux domestiques et tout particulièrement celle des chiens et des chats4 ainsi que le survol de la

1 Portant réglementation du séjour des personnes sur les îles Éparses, l'arrêté n°12/DGRF/101 du 18 novembre 1975 a également été publié dans le Recueil des actes administratifs de la préfecture de La Réunion.

2 En revanche, la France ne saurait interdire la navigation dans la mer territoriale entourant les îlots. Le "droit de passage inoffensif" dans la mer territoriale est en effet une règle internationale d'essence coutumière à portée universelle aujourd'hui codifiée par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Son article 17 se prononce clairement en ce sens : "Sous réserve de la Convention, les navires de tous les États, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale". Certes, son article 18 précise que ce "passage doit être continu et rapide". Mais il ajoute aussitôt qu'il comprend "l'arrêt et le mouillage"

lorsqu'ils constituent "des incidents ordinaires de navigation ou s'imposent par suite d'un cas de force majeure ou de détresse ou dans le but de porter secours à des personnes, des navires ou des aéronefs en danger ou en détresse". Voir DUPUY (P.-M.), Les grands textes de droit international public, Éditions DALLOZ, Paris, 2008, pp. 633-634.

3 Des déchets domestiques existent néanmoins sur les îles Éparses. Ils deviennent particulièrement encombrants au bout d'un certain nombre d'années. C'est dire qu'il faut périodiquement les évacuer par la voie maritime ou la voie aérienne. Voir à ce sujet BAUDET (M.-B.), "Du 18 avril au 13 mai, les îles Éparses, terres françaises au large de Madagascar, ont été le théâtre d'une opération de dépollution hors normes. Nettoyeurs du bout du monde", Le Monde, mardi 19 mai 2009, p. 3.

4 Voir l'arrêté n° 2008-108 du 10 octobre 2008, "autorisant des tirs sur les chats et les poules aux Glorieuses", in Journal officiel des TAAF, 31 décembre 2008, n° 40, pp. 28-29. Voir également la décision n° 2008-131 du 30 juin 2008, "relative à l'introduction temporaire d'un chien sur le district des îles Éparses (Juan de Nova)", in Journal officiel des TAAF, 30

réserve. Elles visent aussi et surtout à interdire toutes activités de nature sportive ou économique sur les différents îlots et dans leurs lagons et notamment l'exercice de la chasse ou de la pêche ainsi que les activités de nature agricole, aquacole, forestière et pastorale, les activités artisanales, commerciales et touristiques et, a fortiori, les activités industrielles et minières (exploitation par exemple du guano à Juan de Nova ou extraction du sable et des coraux à Europa et aux Glorieuses).

Depuis que les îles Éparses et le récif de Tromelin sont gérés par le préfet des Terres australes et antarctiques françaises en vertu de l'arrêté du 3 janvier 2005 et surtout depuis leur rattachement nominal à cette collectivité territoriale en vertu de la loi du 21 février 2007, la desserte de ces îlots n'est donc possible qu'à titre exceptionnel et uniquement après agrément exprès des autorités administratives de Saint-Pierre de La Réunion pour des vols à caractère officiel et utilitaire. Concrètement, l'accès aux îlots sur avions militaires et le séjour sur chacun d'eux ne sont possibles que pour de très courtes périodes et uniquement pour les représentants des médias (cinéma, presse écrite, radios et télévisions) et les personnels des administrations civiles et militaires lorsqu'ils sont détenteurs d'un ordre de déplacement délivré par le préfet des TAAF dans le cadre de missions scientifiques bien précises1. Ils sont notamment autorisés aux enseignants-chercheurs de l'Université et des grandes Écoles ainsi qu'aux chercheurs du CNRS et de l'IFREMER qui effectuent des études ciblées sur l'histoire, la géographie ou le statut des îlots ainsi que sur la faune et la flore spécifiques qui existent sur chacun d'entre eux, tant sur le territoire terrestre que dans les eaux environnantes2. Pour être complet, il convient d'ajouter qu'un projet de décret classant les cinq îles Éparses en réserve naturelle nationale (terrestre et marine) est actuellement à l'étude.

À la suite de ces développements, il apparaît évident que la France ne se désintéresse pas du sort des îles Éparses du canal de Mozambique et du récif de Tromelin depuis leur détachement de la République autonome de Madagascar, réalisé par le décret du 1er avril 1960.

Le Gouvernement de Paris souligne que la présence permanente de parachutistes, de légionnaires et de gendarmes à partir de 1973 sur la plupart des îles Éparses permet à la France d'invoquer désormais le titre de l'occupation réellement effective de ces récifs qui prime toujours en droit international public contemporain pour décider de la souveraineté sur des territoires sans maître ou res nullius. C'est en ce sens que s'est prononcé l'ambassadeur de France à Port-Louis (île Maurice) dans une note adressée à la presse locale et publiée le 10 octobre 1977 :

"C'est le critère d'occupation effective qui prime en droit international pour décider de la souveraineté sur un territoire. C'est en tout cas sur cette base que la Cour permanente de Justice internationale a fondé son arrêt de 1933 sur le Groenland oriental et que la Cour internationale de Justice de La Haye a, en 1953, tranché le différend entre la France et la Grande-Bretagne, sur les

septembre 2008, n° 39, p. 69.

1 Comme exemple probant, voir notamment l'arrêté n° 2007-04 du 10 janvier 2007, "autorisant l'accès aux Glorieuses pour les besoins d'un reportage (relève du détachement des Glorieuses)", in Journal officiel des TAAF, 15 mars 2007, n° 33, p. 10.

Pour des exemples plus récents, voir également l'arrêté n° 2009-126 du 23 novembre 2009, "autorisant l'accès à l'île de Grande Glorieuse et la plongée sous-marine dans le cadre du programme «suivi de la lentille d'eau douce comme indicateur de la vulnérabilité climatique des systèmes insulaires récifaux (INTERFACE)»", in Journal officiel des TAAF, 31 décembre 2009, n° 44, pp. 40-41 et l'arrêté n° 2010-13 du 1er mars 2010, "autorisant une mission scientifique à Europa du CRVOI", in Journal officiel des TAAF, 31 mars 2010, n° 45, pp. 22-23.

2 L'occasion nous est ici offerte de remercier une nouvelle fois Bernard LANDOUZY - ancien préfet du département de La Réunion et ancien délégué du Gouvernement de la République pour l'administration des îles Éparses - qui nous a permis de visiter les derniers paradis terrestres du canal de Mozambique. La visite d'Europa a eu lieu du 5 au 7 septembre 1979, celle de Juan de Nova du 11 au 13 décembre 1979 et celle des Glorieuses du 17 au 19 juin 1980. Il convient ici de rappeler q ue le récif de Bassas da India en tant que haut-fond découvrant est un atoll inaccessible et submersible. De même, nous remercions Michel BLANGY - également ancien préfet de La Réunion et ancien délégué du Gouvernement de la République pour l'administration des îles Éparses - qui nous a permis de visiter le récif de Tromelin les 27 et 28 novembre 1985.

îles Minquiers et Écréhous, en faveur du Gouvernement britannique qui occupait effectivement ces îles alors que la France avait seulement des droits fondés sur d'anciens traités"1.

Outre l'occupation effective de l'archipel des Glorieuses et des îlots Juan de Nova, Europa et Bassas da India par la France, le Gouvernement de Paris invoque également la thèse de l'acquiescement au moins implicite de la République de Madagascar à la souveraineté française sur l'ensemble des îles Éparses (C).

C) L'acquiescement tacite de la République malgache à la souveraineté de