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Résultats expérimentaux de l’étude au laboratoire de l’endommagement des roches

3.3 Résultats expérimentaux

3.4.2 Intercalaire marneux

Les échantillons gm0203s1 (arénite ferrifère), gm0203s2 (micro-arénite) et gm0203s3 (arénite argileuse) proviennent d’un sondage sub-vertical, leur axe est donc sub-orthogonal aux plans de stratification de l’intercalaire marneux.

L’arénite ferrifère (gm0203s1) a un comportement mécanique en partie similaire à celui de l’échantillon de la couche grise (ggp2). Nous avons observé la manifestation de la dilatance sur leurs courbes contraintes-déformations (fig. 3.9 pour gm0203s1, fig. 3.36 pour ggp2). Le faciès d’arénite ferrifère de l’intercalaire marneux est en effet analogue à celui de la couche grise.

La phase de serrage relativement peu marquée (fig. 3.9) comporte quelques sources purement compressives (fig. 3.27a) due à la fermeture de microfissures préexistantes dont la dimension la plus grande serait sub-orthogonale à la direction axiale du chargement. L’augmentation de la vitesse VP axiale (fig. 3.15c) durant cette phase, conforte l’interprétation précédente bien classique. Cette phase de serrage peut également résulter de la fermeture de vides intergranulaires. Les deux micromécanismes (fermeture de microfissures ou de vides intergranulaires) peuvent être des sources d’événements d’EA. L’énergie de ces événements serait relativement faible (Zang et al., 1996, lors de la compression uniaxiale d’un grès) comparée à celle des événements issus de la formation de fractures macroscopiques par coalescence des microfissures. Ainsi nous considérons avec prudence les événements hautement énergétiques enregistrés au cours de la phase de serrage de gm0203s1 (fig. 3.21) et, nous le verrons plus loin, de gm0203s2 (micro-arénite. Il est probable qu’ils soient dus à un ajustement progressif de l’opercule, initialement mal positionné (ces essais ont été les 2

premiers réalisés avec ce matériel), des cales aciers embrassant l’éprouvette (voir 2.3.2, fig. 2.8).

L’aspect linéaire et réversible des cycles de déchargement-rechargement et les mesures de vitesses de propagation des ondes P ou de l’amplitude maximale constantes durant ces cycles (VP(Ai) ≈ VP(Ci) et Am(Ai) ≈ Am(Ci), fig. 3.15c et d), indiquent l’existence de processus élastiques de déformation. Les déformations irréversibles auxquelles conduiraient des phases de déchargement complètes ainsi que les événements d’EA (phénomènes locaux inélastiques) enregistrés entre les cycles précédents (« effet Kaiser » précédemment décrit, fig. 3.18), impliquent des processus de déformation inélastiques. Tout comme ggp2, le comportement macroscopique observé sur les courbes déformations et/ou contraintes-déplacements, apparaît comme une superposition de processus élastique et inélastique de déformation. Les mécanismes susceptibles d’engendrer ces déformations irréversibles sont essentiellement l’amorçage de microfissures et leurs interactions, le cisaillement sur des fissures préexistantes. Les variations des modules élastiques, et notamment la diminution du module latéral de déformation (ML, fig. 3.10a), l’augmentation du coefficient de Poisson (fig. 3.10d), suggèrent un endommagement anisotrope par développement, ouverture et croissance, de microfissures axiales en extension. La dilatance observée à presque 50 % du maximum de contrainte (fig. 3.9a) renforce cette hypothèse. Quant à l’augmentation du module de Young (fig. 3.10b), elle traduit une diminution de la compressibilité axiale, connu sous le terme anglais « axial hardening ». Elle peut être interprétée comme étant due à la fermeture progressive de vides intergranulaires préférentiellement orientés (sub-orthogonalement) par rapport à la direction de σ1, d’autant que le phénomène s’accompagne d’une légère, mais constante, augmentation de la vitesse VP selon le rai axial (fig. 3.15c). Cet « axial hardening » peut être favorisé par l’orientation des éprouvettes, les plans de stratification étant sub-orthogonaux à l’axe de l’éprouvette. L’ouverture en extension de microfissures axiales suggérée par les variations de module transversal (ML) et par la manifestation de la dilatance entraîne également la diminution des amplitudes maximales transversales (fig. 3.15d) et de la vitesse VP transversale supérieure (fig. 3.15c). Le développement de ces microfissures est apparemment plus important dans la partie haute de l’éprouvette, VP transversale inférieure est plus ou moins constante. La partie supérieure de l’éprouvette (fig. 3.33) apparaît comme le lieu de la nucléation des fractures macroscopiques qui se propageraient vers le bas.

L’analyse des mécanismes des sources des événements d’EA ne confirme pas totalement l’hypothèse de microfissures axiales de Mode I. Malgré la présence d’événements purement extensifs (fig. 3.27a), les mécanismes en cisaillement (type M) apparaissent prépondérants tout au long de la sollicitation (fig. 3.27b). Brace et al. (1966) proposent trois types de fissures axiales (figure 3.64 ci-après). Le type b correspond bien à nos observations. Il s’agit en effet de fissures inter-granulaires (aux jointures de trois grains) conjugant des mécanismes de cisaillement prédominants et un mécanisme en extension.

(a) (b) (c) (a) (b) (c)

Figure 3.64 : Trois types de fissures axiales proposés par Brace et al. (1966) dans leur étude de la dilatance des roches cristallines. Le type a correspond à une fissure axiale de Mode I.

L’activité acoustique provenant de ces microfissures reste modérée, jusqu’au seuil de non-linéarité, à partir duquel ces dernières interagissent pour former des fractures alors sources d’événements d’EA statistiquement plus énergétiques (fig. 3.21). La formation par coalescence de ces fractures est accompagnée d’une diminution des fréquences centrales des événements enregistrés (fig. 3.24a). Cette diminution est sans doute due (comme pour ggp2) à un filtrage des hautes fréquences (augmentation de l’atténuation) conjugué à la formation de fractures générant des événements d’EA plus basses fréquences. Lors des derniers stades de la propagation des fractures macroscopiques, de nombreux mécanismes purements compressifs se manifestent (fig. 3.27a et b). Ceci est peut-être en relation avec la géométrie incurvée des fractures macroscopiques (fig. 3.33).

La micro-arénite (gm0203s2) et l’arénite argileuse (gm0203s3) présentent des comportements mécaniques qui ne différent de celui de l’arénite ferrifère (gm0203s1) que par une dilatance très faible voire inexistante (fig. 3.11 pour gm0203s2 et fig. 3.13 pour gm0203s3). Les variations de modules élastiques (fig. 3.12 et fig. 3.14) ainsi que celles des vitesses de propagation des ondes P (VP) et des amplitudes maximales (fig. 3.16 et fig. 3.17), sont bien similaires d’un essai à l’autre. Nous pouvons donc avancer de nouveau l’hypothèse d’un endommagement anisotrope associé à un raidissement axial (« axial hardening ») pour gm0203s2 et gm0203s3. Cependant, de par l’absence de dilatance macroscopique, il semble que les micro-mécanismes à l’origine de cet endommagement diffèrent de ceux proposés lors

de l’analyse de gm0203s1. L’analyse des premiers mouvements des événements d’EA enregistrés a montré la quasi-absence (comparé à gm0203s1) de sources purement extensives dans le cas de gm0203s2 et de gm0203s3 (respectivement, fig. 3.28a et fig. 3.29a). Les mécanismes de type M et donc des sources où le cisaillement est prépondérant, ainsi que les mécanismes de type C associés à des sources compressives, sont majoritaires jusqu’au seuil de non linéarité axiale (σL sur les figures 3.28b et 3.29b). L’activité acoustique accélère dès ce seuil (fig. 3.19 et 3.20), et les événements d’EA sont les plus énergétiques (les événements hautement énergétiques enregistrés durant la phase de serrage de gm0203s2 sont écartés pour les raisons déjà évoquées lors de la discussion des résultats de gm0203s1). On associe ces événements forts à des sources plus grandes issues de la coalescence de microfissures. Cette coalescence débuterait donc à partir du seuil σL. Les microfissures auraient des mécanismes de cisaillement et/ou compressif. Les irrégularités des plans de cisaillement provoqueraient, lors du jeu de la microfissure, de la dilatance locale par création d’espaces entre les lèvres de la microfissure (figure 3.65). Ce mécanisme d’augmentation de volume est cependant bien moins efficace que ne l’est l’ouverture de microfissures en Mode I, néanmoins il est apparemment suffisant pour affecter la propagation des ondes élastiques ainsi que le module latéral de déformation (ML), les microfissures en cisaillement étant nécessairement sub-verticales ou légèrement inclinées par rapport à la direction du chargement uniaxial. La coalescence de ces microfissures accentuerait le phénomène (forte décroissance des VP transversales supérieures lorsque σ1 atteint σL) sans pour autant entraîner une dilatance macroscopique observable comme c’est le cas pour ggp2 ou gm0203s1. En ce qui concerne le contenu fréquentiel des événements d’EA, la décroissance des fréquences centrales apparaît clairement au cours de l’essai gm0203s2 et particulièrement lors de la propagation des fractures macroscopiques (fig. 3.25a). La conjugaison d’une atténuation plus forte et de la formation de fractures plus grandes serait à l’origine du phénomène (hypothèse émise pour ggp2 et gm0203s1). Les variations de la fréquence centrale (f50) des événements enregistrés durant la compression uniaxiale de l’arénite argileuse (gm0203s3) sont plus complexes (fig. 3.26a). Rappelons que f50 semble augmenter jusqu’au seuil de coalescence ou seuil de non-linéarité axiale (σL), puis paraît constante pour la plupart des événements, même durant la propagation des fractures macroscopiques où des f50 hautes sont également présentent.

Compression Cisaillement Extension Compression Cisaillement Extension

Figure 3.65 : Dilatance locale due aux irrégularités des lèvres d’une fracture en cisaillement, modifié d’après Goodman (1980). Des zones de compressions sont également présentes.

Les remarquables hétérogénéités de vitesses VP transversales – la vitesse VP inférieure apparaît supérieure à VP mesurée dans la partie haute – observées lors des essais ggp2, gm0203s1, gm0203s2 et gm0203s3 (essais dont les échantillons ont été préalablement saturés d’eau), seront discutées dans le paragraphe 3.4.4.

Nous poursuivons par la discussion des résultats issus des compressions uniaxiale puis triaxiale d’échantillons d’arénite ferrifère à poches argileuses de la couche brune.

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