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La végétation constitue un autre des diffuseurs majeurs interagissant avec le signal radar que l’on retrouve en milieu subarctique. Du point de vue radar, la végétation est perçue comme une cible complexe composée de nombreux diffuseurs de formes et de tailles diverses. Il s’agit d’un milieu hétérogène associé à un diffuseur de volume générant une dépolarisation relativement im- portante du signal dû aux interactions multiples de l’onde à l’intérieur du couvert. De nombreux paramètres sont utilisés pour décrire le couvert végétal, les caractéristiques principales liées aux

branches et au feuillage et leur effet sur le signal RSO seront présentées dans la section suivante. Les principales méthodes de modélisation et de cartographie de la végétation seront ensuite ex- posées. Il est à noter que l’emphase sera mise sur la végétation de type arbustive et arborée étant donné qu’il s’agit des deux strates végétales qui ont le plus d’impact sur le signal rétrodiffusé dans la région d’étude et pour lesquelles des données terrain sont disponibles.

Caractéristiques du couvert végétal

En règle générale, les modèles permettant de lier la structure de la végétation à la rétrodiffusion radar utilisent des formes géométriques relativement simples ayant des constantes diélectriques variables afin de représenter les diverses composantes des végétaux observés (Ulaby et al., 1990; Karam et al., 1992, 1995). La majorité des modèles utilisés pour représenter la végétation naturelle visent les milieux forestiers et utilisent deux couches principales pour représenter la végétation soit une couche pour la cime, composée des branches et du feuillage, et une couche pour les troncs (Ulaby et al., 1990; Karam et al., 1992). Toutefois, certains modèles multicouches considèrent également une couche de sous-étage, composée d’arbustes et de graminés, mêlée aux troncs (Karam et al., 1995; Magagi et al., 2002b). Dans le cas d’arbustes à tiges rameuses, tels que les bouleaux glanduleux, la portion tronc pourrait être retirée du modèle, mais à ma connaissance aucun auteur ne s’est attardé à une telle modélisation.

Les troncs sont généralement représentés par un cylindre diélectrique orienté verticalement et dont le diamètre est plus important que les branches. La couche de troncs est considérée comme étant un diffuseur générant un mécanisme de double-rebond en considérant l’interaction de l’onde entre le sol et le tronc, deux surfaces pouvant avoir des constantes diélectriques différentes (Ulaby et al., 1990; Karam et al., 1995; Freeman & Durden, 1998). Les branches sont quant à elles re- présentées par des cylindres diélectriques ayant des diamètres variables mais inférieures à celui du tronc et orientés de façon plus ou moins aléatoire dépendamment du type de végétation. Elles génèrent de la diffusion de volume produisant une forte dépolarisation due aux nombreux rebonds des ondes sur les branches. Plus la taille et le nombre de branches seront élevés, plus la diffusion de volume générée sera importante ainsi que l’atténuation des ondes atteignant le sol sous-jacent, réduisant ainsi la diffusion de surface ainsi que l’importance du mécanisme de double-rebond. La distribution de l’orientation des branches aura également un effet sur la polarisation de l’onde ré-

trodiffusée (Ulaby et al., 1990; Karam et al., 1995; Arii et al., 2010). La représentation du feuillage dépend quant à elle de l’espèce, les aiguilles des conifères étant représentés par de très minces cylindres diélectriques orientés aléatoirement tandis que les feuillus sont généralement représen- tés par des minces disques rectangulaires (Ulaby et al., 1990) ou circulaires (Karam et al., 1992) orientés aléatoirement. Le feuillage est responsable de l’extinction du signal au sein du couvert, tant pour les feuillus (Ulaby et al., 1990) que pour les conifères (Magagi et al., 2002b).

Ainsi, pour les troncs, les paramètres importants sont le diamètre et la hauteur des troncs individuels en plus de l’espacement entre les troncs (ou la densité des peuplements). Dans le cas des branches, les paramètres importants sont le diamètre des cylindres, leur longueur ainsi que leur orientation, toutefois étant donnée la grande variabilité que l’on retrouve au sein d’un même couvert, on utilise une fonction de densité de probabilité pour représenter chacun de ces paramètres. Les aiguilles des conifères sont représentés par les mêmes paramètres, seule l’ordre de grandeur sera différente des branches. Pour ce qui est des feuilles, on sera plutôt intéressés par les dimensions des disques qui peuvent êtres la longueur et la largeur des rectangles, le rayon des disques circulaires ou encore les dimensions des axes dans le cas d’ellipses. Chacun de ces paramètres, en plus de l’orientation des feuilles, sont également représentés par une densité de probabilité. L’épaisseur est généralement considérée comme constante dans les modèles. En plus des propriétés géométriques, les propriétés diélectriques doivent également êtres prises en compte pour chacune des composantes du modèle. La constante diélectrique étant directement liée au contenu en eau des composantes, généralement, les feuilles et les aiguilles présentent les valeurs les plus élevées, suivies des branches et la constante diélectrique des troncs est la plus faible.

Modélisation de la végétation

Étant donné le grand nombre d’éléments à considérer, il est possible de voir que la modélisa- tion de la rétrodiffusion des arbres et arbustes est très complexe et nécessite une grande quantité d’information sur le type de végétation étudié en plus du sol sous-jacent. Même en retirant la couche contenant les troncs pour modéliser des arbustes, le modèle demeure extrêmement com- plexe. De nombreux modèles directs, généralement fondés sur le principe de transfert radiatif, ont été développés pour représenter divers types d’environnements forestiers (Ulaby et al., 1990; Ka-

ram et al., 1992, 1995; Magagi et al., 2002b; Picard et al., 2004; Du et al., 2006), toutefois ces modèles sont très difficiles à inverser dû au nombre de paramètres indépendants nécessaires. Afin d’augmenter le nombre de paramètres indépendants disponibles pour une inversion et utiliser l’information de la phase pour mieux isoler les différents mécanismes de rétrodiffusion, certains ce sont tournés vers la polarimétrie (Freeman & Durden, 1998; Yamaguchi et al., 2005; Arii et al., 2011) et la polarimétrie interférométrique (PolInSAR) (Neumann et al., 2009, 2012; Oveisgharan et al., 2015; Shiroma et al., 2016). Les méthodes polarimétriques permettent de mieux séparer les divers mécanismes de rétrodiffusion et différencier les types de végétation (Freeman, 2007; Neu- mann et al., 2009), mais ne sont généralement pas utilisées pour récupérer les caractéristiques physiques de la végétation. Les données PolInSAR permettent de récupérer plus d’information, mais sont toutefois difficiles à obtenir avec les plateformes satellitaires présentement disponibles. La mission BIOMASS (Quegan et al., 2012) devrait palier à ce manque, toutefois le capteur uti- lisera la bande P (λ > 1m) ce qui limitera grandement sa sensibilité aux petites branches de la végétation arbustive et les régions boréales et arctiques ne seront pas couvertes par la mission.

Ainsi, la plupart des modèles visant la récupération de caractéristiques de la végétation à partir d’images RSO sont plutôt basés sur des méthodes empiriques (Le Toan et al., 2002; Balzter et al., 2002; Soja et al., 2012; Sarker et al., 2013) ou semi-empiriques (Dobson et al., 1995). Toutefois, la majorité des études ne s’attardent pas à la végétation arbustive et la considèrent comme un élément secondaire. Les quelques recherches s’attardant à la détection et la caractérisation de la végétation arbustive à l’aide d’imagerie RSO portent sur les environnements arides et semi-arides (Musick et al., 1998; Svoray et al., 2001; Monsivais-Huertero et al., 2008). Malgré l’intérêt pour le suivi de la végétation arbustive dans les environnements arctiques et subarctiques et le potentiel des données RSO pour produire de l’information pertinente sur ce type de végétation, on retrouve relativement peu d’exemples dans la littérature (Chen et al., 2009; Duguay et al., 2015).

Cartographie de la végétation par RSO

Étant donné l’importance économique et écologique des forêts, la cartographie des régions forestières a fait l’objet de nombreuses études. On peut distinguer deux types de cartographie: l’étendue des zones forestières par classification et la cartographie des caractéristiques de ce couvert, telles que la biomasse végétale ou le volume ligneux. Pour ce qui de la cartographie de

l’étendue et du type de couvert forestier des études ont démontré le potentiel de l’utilisation de données multifréquences (Rignot et al., 1994; Ranson & Sun, 1994b) ainsi que des données mul- titemporelles (Quegan et al., 2000). Les méthodes de classification utilisées dans ces exemples utilisent soit des méthodes utilisant des seuils ajustés manuellement (Quegan et al., 2000) ou en- core une analyse en composantes principales associée à un algorithme de classification utilisant le maximum de vraisemblance (Ranson & Sun, 1994b). Au niveau des caractéristiques physiques du couvert forestier le paramètre le plus souvent recherché est la biomasse ligneuse et des mé- thodes ont démontré l’utilité des données RSO multifréquences (Ranson & Sun, 1994a; Le Toan et al., 2002) ainsi que multitemporelles (Kurvonen et al., 1999; Rauste, 2005). Les nombreux ré- sultats ont démontré le potentiel des satellites existants pour la cartographie du couvert forestier et ont encouragé des projets de cartographie du couvert forestier à grande échelle, tels que les projets Global Rain Forest Mapping (GRFM) (Rosenqvist et al., 2000) et Global Boreal Forest Mapping (GBFM) (Rosenqvist et al., 2004). Toutefois, les données utilisant des longueurs d’ondes plus grandes, telles que la bande P, ainsi que les méthodes de polarimétrie interférométrique ont démontré un plus grand potentiel pour la cartographie des paramètres physiques du couvert fores- tier ce qui a mené au lancement de la mission BIOMASS (Le Toan et al., 2011) dont le lancement du satellite est prévu pour 2020 (Quegan et al., 2012). Malgré tout, la végétation arbustive reçoit très peu d’attention et seulement quelques études isolées, mentionnées précédemment (Musick et al., 1998; Svoray et al., 2001), visent directement la cartographie de la végétation arbustive.