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Intérêts et limites des méthodes de recueil et de contrôle des MO hors-AMM

IV) Discussion

1. Intérêts et limites des méthodes de recueil et de contrôle des MO hors-AMM

Les premières limites dans la maîtrise des taux hors-AMM proviennent de la méthode mise en place pour les contrôler en région PACA-Corse. En effet, dans la région, la méthode de recueil qui a été mise en place par l’OMéDIT pour maîtriser le nombre de prescriptions hors-AMM dans le cadre du CAQES repose sur les déclarations des établissements de santé. Chaque trimestre, ils doivent compléter et renvoyer un fichier excel recensant le nombre de patients chez lesquels des MO ont été initiées, leur indication et une fiche justifiant chaque initiation de hors-AMM. Ce système a pour but d’améliorer le bon usage en contrôlant les indications de MO prescrites, afin de savoir si ces prescriptions sont justifiées.

Il n’est demandé aux établissements de ne transmettre que les initiations de traitement. Cela peut être en effet pertinent de demander aux pharmaciens hospitaliers de justifier les initiations de MO hors-AMM plutôt que l’ensemble des prescriptions. S’ils demandent bien la justification au prescripteur au moment de l’initiation, cela lui impose en effet de justifier sa prescription et cela conditionne donc la délivrance dans une logique de bon usage.

La méthode présente cependant des biais. Comme elle est déclarative, elle implique un taux de réponse imparfait (certains établissements n’envoient pas du tout leur consommation de MO) et un taux de fiches envoyées à l’OMéDIT loin d’atteindre les 100% (52,9%). Il faut prendre en compte que plusieurs relances ont été faites aux établissements qui n’avaient pas répondu.

L’une des problématiques de ce système est que beaucoup de fiches sont manquantes ou incomplètes car l’exercice est chronophage. En effet, pour certains ES, plusieurs centaines de fiches justificatives sont à envoyer. Il est étonnant que les logiciels ne soient pas plus adaptés à la transmission des indications et que de ce fait, il soit demandé aux ES l’envoi de fiches. Les fiches, sont pour certaines scannées et remplies à la main, ce qui complique leur remplissage, leur envoi mais aussi leur exploitation. La conséquence est que l’OMéDIT, dont la vocation n’est pas de faire du travail de resaisie devrait y consacrer beaucoup de temps si elle voulait colliger et analyser les données de ces fiches. En effet, il faut ouvrir les fiches une par une pour

pouvoir extraire leurs données, et les resaisir dans un fichier commun, ce qui est extrêmement fastidieux.

Les données que nous avons analysées pour notre travail sont celles de l’année 2019 et la méthode de recueil de l’OMéDIT a depuis évolué. Désormais, les initiations de MO hors-AMM, ainsi que leurs justifications sont à noter dans un tableau excel (Annexe 7) et non plus à renvoyer sous forme de fiches. Cela fait gagner du temps à l’OMéDIT pour l’extraction des données mais cela n’en fait probablement pas gagner aux ES qui doivent passer du temps à resaisir dans le tableau exel en question les initiations de MO. Ce changement de méthode de recueil n’a pas d’impact sur la suite de notre discussion, qui reste d’actualité.

Les déclarations des ES manquent probablement de beaucoup d’informations et sont difficilement comparables.

En effet, n’est pas rempli systématiquement quel est le médecin qui a prescrit, sur quelle bibliographie il s’est appuyé, s’il y a eu une réunion de concertation pluridisciplinaire, s’il y avait une rupture d’approvisionnement entraînant cette prescription, etc. Les fiches sont donc difficilement comparables entre ES.

Aussi, en l’absence d’indications précises sur les données attendues par l’OMéDIT, tous les ES ne déclarent pas de la même façon. Certains ES déclarent une fiche par patient et renseignent ainsi toutes les molécules initiées pour un patient sur une seule fiche. D’autres au contraire, font une fiche par molécule et font donc plusieurs fiches pour un unique patient.

Un autre biais provient de la définition de l’initiation de traitement. Certains établissements déclarent les patients nouveaux dans leur ES mais ayant déjà reçu le traitement dans un autre.

D‘autres considèrent au contraire que ce n’est pas une initiation. Également, même si la définition de l’initiation était identique pour tous, il est parfois difficile dans la pratique pour le pharmacien de savoir si les patients ont bien bénéficié d’une primoprescription ou s’ils ont déjà bénéficié de cette MO dans un autre établissement. Il est donc de ce fait difficile pour l’OMéDIT de savoir quel a été en réalité le nombre de prescriptions initiées.

Une autre difficulté provient des AMM dites « miroir ». Une AMM miroir est une indication donnée pour un médicament B uniquement quand il est en association avec un médicament A, mais le médicament A ne bénéficie pas de cette indication. Cela peut se produire par exemple

quand l’AMM du médicament A avait été demandée bien avant que la demande d’AMM pour le médicament B ne soit faite.

Par exemple pour le pertuzumab, on trouve l’indication « En association au trastuzumab et au docétaxel, dans le traitement de patients adultes atteints d’un cancer du sein métastatique ou localement récidivant non résécable HER2 positif, n’ayant pas reçu au préalable de traitement anti-HER2 ou de chimiothérapie pour leur maladie métastatique ». Le trastuzumab ne dispose pas de l’indication en association avec le pertuzumab puisque celui-ci a été mis sur le marché après le trastuzumab. Certains établissements font une fiche pour justifier la prescription de trastuzumab avec le pertuzumab, d’autres non.

On peut également citer un autre exemple en lien avec la déclaration des platines hors-AMM pour illustrer que les établissements n’ont pas tous la même interprétation de ce qu’il faut déclarer ou non. Si l’on se réfère à l’AMM stricte du paclitaxel dans le CBNPC, on peut l’associer au cisplatine pour les formes avancées chez l’adulte chez les patients non-candidats à une chirurgie potentiellement curative et/ou à une radiothérapie. L’indication mentionne donc bien explicitement l’association du paclitaxel au cisplatine et non pas au carboplatine. Idem pour l’indication du pemetrexed, il est mentionné dans celle-ci qu’il peut être utilisé en association avec le cisplatine dans les formes localement avancées ou métastatiques en première intention. Cependant dans la pratique, le carboplatine est mieux toléré, moins ototoxique, néphrotoxique, provoque moins de neuropathies, mais est aussi recommandé en cas d’insuffisance rénale (51). On remarque donc que dans le référentiel Auvergne Rhône-Alpes, il est recommandé de traiter avec un platine, sans préciser lequel. Certains établissements considèrent dans ce cas que le carboplatine, quand il est se substitue au cisplatine pour cause de mauvaise tolérance, doit faire l’objet d’une fiche justificative, d’autres établissements non.

Pour les spécialités en rupture également, certains établissements se sont contentés d’envoyer un e-mail à l’OMéDIT en précisant que le Riastap a été utilisé en raison d’une rupture de Clottafact, d’autres ont fait une fiche par molécule. Les deux spécialités contiennent en effet du fibrinogène. Le Clottafact, dispose de l’indication « En tant que traitement complémentaire dans la prise en charge d'une hémorragie sévère incontrôlée dans le cadre d'une hypofibrinogénémie acquise telle que : augmentation de la consommation du fibrinogène associée à un saignement incontrôlé menaçant le pronostic vital dans les complications obstétricales, en situation chirurgicale ou en traumatologie » (52), tandis que le Riastap, lui, ne bénéficie que de l’indication en rapport avec les afibrinogénémies congénitales (53).

Une clarification de ce que doivent déclarer les ES semble être nécessaire, afin d’homogénéiser les déclarations des différents établissements et ainsi mieux en exploiter les données.

ii) Le codage des indications dans le PMSI

Une des limites également dans le recueil des prescriptions hors-AMM jusqu’en 2019 provenait du fait que les établissements n’ont eu l’obligation de coder les indications des molécules de la LES sur le PMSI que depuis mars 2019 pour les établissements MCO et depuis le 1er décembre 2019 pour les HAD. Les données utilisées dans notre travail provenant du PMSI ne sont donc probablement pas tout à fait exhaustives.

Si l’on fait abstraction de la période étudiée, le codage dans la plateforme e-PMSI soulève également d’autres problématiques.

Même si le codage des indications dans la plateforme e-PMSI peut sembler être une science exacte, elle ne l’est en réalité pas tout à fait.

En effet, les indications sont très proches dans leur libellé comme en témoigne par exemple les indications de la spécialité Imfinzi® (durvalumab) ci-dessous :

- Monothérapie dans le traitement des patients adultes atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement avancé non opérable et dont la maladie n’a pas progressé après une chimioradiothérapie à base de platine, en cas d’expression tumorale de PD-L1 < 1% ou de statut inconnu, qui est pris en charge au titre d’une RTU ;

- Monothérapie dans le traitement des patients adultes atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement avancé, non opérable, et dont la maladie n’a pas progressé après une chimioradiothérapie à base de platine dont les tumeurs expriment PD-L1 ≥ 1% des cellules tumorales, qui est pris en charge dans la LES.

On comprend bien que les erreurs de codage peuvent donc se produire aisément.

Également, on a observé que des erreurs de codage sont faites même en l’absence de ressemblance dans les libellés. Par exemple pour les Ig, des codes LES qui codent normalement des indications d’infliximab ou d’amphotéricine B ont été retrouvés dans l’extraction PMSI. En quantité négligeable certes, mais cela serait utile d’ajouter un message d’erreur quand l’indication codée ne relève pas du domaine du possible. Les erreurs de codage ont pour

conséquence une absence de remboursement de l’ES qui a déclaré. Certains ES font des contrôles du nombre de MO déclarées et des remboursements obtenus, mais cela n’est pas fait dans tous les ES.

Pour aider les utilisateurs, une notice explicative relative au référentiel administratif portant la codification des indications des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste en sus a été élaborée par le ministère de la santé et est mise à jour régulièrement. La dernière date de juin 2021 (54). Cependant, elle n’est parfois pas très précise. Par exemple, on observe qu’à la question « comment coder les situations où le médicament associé est remplacé par un autre médicament de la même classe thérapeutique (ex. sels de platine, taxanes) pour une indication faisant partie de la LES », il est répondu que le codage I999999 est possible. L’utilisation du mot « possible » implique qu’il n’y a aucune obligation de le coder ni en I999999 ni dans l’AMM. Cela induit forcément dans la pratique, des divergences de codage dans la base. Or, comme mentionné précédemment, c’est précisément l’une des situations posant problème aux ES.

Également on peut trouver paradoxal que pour des indications ayant été désignées comme prioritaires dans la note sur la hiérarchisation des Ig produite par la DGS, il n’existe aucun codage spécifique. Pourtant, on considère comme nécessaire d’administrer des Ig au patient dans ce contexte. Il serait donc intéressant que les ES puissent déclarer ces indications prioritaires autrement qu’en I999999 afin d’éviter de grossir leur taux de hors-AMM et que l’on récolte plus de données sur leur utilisation dans ces indications prioritaires. Il est discutable de coder des molécules en I999999 qui sont en fait recommandées comme prioritaires par l’ANSM et la DGS elles-mêmes.

Pour finir, il existe peut-être un biais de codage qui réside dans le fait que certaines molécules ont bien obtenu l’AMM mais l’avis de la HAS étant défavorable, elles ne sont pas éligibles au remboursement. Le déremboursement de certaines molécules ces dernières années alors que l’AMM a été obtenue peut inciter les pharmaciens à les déclarer en hors-AMM pour des raisons économiques. En effet, il peut être difficilement compréhensible que le hors-AMM soit remboursé (ce qui est le cas à l’hôpital pour le moment), mais pas les indications approuvées par l’EMA. C’est le cas par exemple du bevacizumab dans les cancers de l’ovaire, de la trompe ou du péritoine primitifs avancés, en association avec une chimiothérapie pour les patients en

stade avancé à plus mauvais pronostic (stade IV, résidu tumoral post-opératoire et non opérée (55), ou encore de l’ipilimumab dans le mélanome (56).

En définitive, les méthodes de recueil des taux de hors-AMM, que ce soit au niveau régional ou au niveau national, sont discutables et présentent des biais.