• Aucun résultat trouvé

Les intérêts cliniques et théoriques de l’étude et ses limites

QI PERFORMANCE 5 subtests

5.1. Les intérêts cliniques et théoriques de l’étude et ses limites

Cette étude est, à notre connaissance, la première à aborder simultanément les 3 aspects de l’intelligence selon le modèle de Sternberg (2003) à savoir, les aspects analytiques, créatifs et pratiques chez des enfants présentant un haut potentiel intellectuel. Ainsi, sur le plan théorique, elle met en évidence une forme d’indépendance entre l’intelligence analytique et les 2 autres aspects (créatif et pratique) et ceci semble compatible avec le modèle de cet auteur. D’autre part, sur les aspects analytiques (WISC IV) nos résultats ne sont pas compatibles avec l’idée d’intelligence générale mais les résultats n’aboutissent pas non plus à une divergence totale. Nos résultats semblent s’approcher davantage de la loi des rendements décroissants citée par Facon (2003) qui montre une augmentation du poids des facteurs spécifiques dans les groupes d’individus présentant un haut QI.

Cette étude a, en outre, permis un enrichissement de nos pratiques cliniques (évaluations, suivis) puisque, dans le cadre des consultations (Service de Médecine Psychologique pour Enfants et Adolescents, CHU Montpellier) nous proposons actuellement une évaluation systématique de ces 3 aspects du développement quand un haut potentiel est suspecté chez un enfant qui souffre par ailleurs de symptômes psychopathologiques. Le WISC IV, est bien entendu proposé mais des difficultés inhérentes à l’évaluation des deux autres aspects se sont présentées. Tout d’abord, l’échelle de Vineland, lors de l’étude a subi des modifications pour aboutir à une deuxième version, actuellement traduite et étalonnée par une équipe lyonnaise. Nous n’avons eu accès à la deuxième version en anglais qu’après le recueil de données. Cependant, les enfants à haut potentiel de notre échantillon n’ont pas montré de

scores exceptionnellement élevés à cette échelle et il est donc difficile de penser à un effet

« Flynn » dans ce cas. Mais il paraît évident qu’une évaluation avec un outil récent et étalonné en France aurait constituer une base plus solide pour l’évaluation des comportements adaptatifs. Concernant les aspects créatifs de l’intelligence, le TPCT, bien que très intéressant car valide et standardisé, nous a semblé légèrement obsolète et peu attractif pour les enfants.

En effet, de nombreuses réponses données par les enfants ne figuraient pas dans le cahier de cotations car elles étaient en lien avec les technologies récentes : des enfants ont par exemple parler de téléphone portable, de wi-fi… autant de réponses ne pouvant figurer sur un test de 1974. Nous avons eu récemment connaissance d’un nouveau test de pensée créative édité par Lubart (?) et il serait opportun d’utiliser cet outil qui doit certainement être plus en accord avec le contexte actuel. En dernier lieu, une évaluation métrique des symptômes psychopathologiques aurait permis une meilleure validité et mesure de l’intensité de ces symptômes en lien avec des profils cognitifs ou adaptatifs par exemple. Pour aboutir aux deux typologies de symptômes psychopathologiques évoquées dans le groupe clinique (trouble oppositionnel ou trouble anxieux-dépressif mixte), nous nous sommes appuyés sur des éléments amenés par les parents et enseignants lors d’entretiens et également lors d’observations directes et d’entretiens avec les enfants. Cette démarche nous parait peu suffisante dans un travail de recherche et nous tacherons à l’avenir d’utiliser systématiquement des échelles de dépression, d’anxiété, … nous avons pointé cette limite et depuis peu, utilisons ce genre d’échelle lors des consultations.

Dans le cadre des suivis des enseignants et des parents (nous aborderons la question du suivi psychologique auprès de l’enfant en conclusion générale), le modèle de Sternberg nous a également servi de base théorique pour illustrer le fonctionnement de l’enfant dans ses différentes sphères développementales et environnementales. L’idée de la multiplicité des aspects intellectuels permet souvent de mieux comprendre ces enfants qui ne

sont pas exceptionnels dans tous les domaines et la restitution du profil de l’enfant constitue une aide majeure, voire capitale dans la compréhension de celui-ci et dans un deuxième temps, dans les solutions et aménagements mis en place ultérieurement par les adultes responsables de l’enfant. Par exemple, il apparaît important de souligner qu’un enfant possédant des performances marquées en pensée divergente se sentira stimulé et positivement renforcé par des méthodes pédagogiques valorisant la flexibilité et le fluidité des idées.

Rappelons qu’en France, il semble que le phénomène du haut potentiel ne soit abordé et identifié que sous l’angle de la pensée analytique (QI, intelligence générale). S’il a été prouvé à de nombreuses reprises que le QI restait le meilleur indice de la réussite scolaire ultérieure, il n’en demeure pas moins que les individus « créatifs » peuvent très vite sentir l’étau des programmes scolaires se resserrer sur eux et sur leurs potentialités. Les conséquences, on s’en doute, peuvent être difficiles pour ces enfants : échec scolaire, difficultés d’adaptation, frustration... Il faudrait donc tout d’abord élargir l’identification (psychologues) du haut potentiel en utilisant des mesures de la créativité, surtout pour les enfants à haut potentiel intellectuel qui peuvent présenter de hautes performances créatives. Les styles et les potentialités ainsi identifiés permettraient une meilleure appréhension des styles cognitifs et par là même, de meilleures méthodes pédagogiques (enseignants) qui pourraient valoriser la pensée divergente par exemple (Hunsaker, 2005).

De même, il pourra être intéressant, pour l’enfant ayant une vie sociale moins développée, de proposer des activités de groupe où l’adulte se portera garant et médiateur d’échanges constructifs entre enfants. Un dernier exemple sera d’illustrer le décalage important, chez un enfant, entre les aspects verbaux et les aspects graphomoteurs et les impacts qu’ils peuvent avoir sur le rythme d’écriture, surtout chez les enfants bénéficiant d’un cursus accéléré. L’enseignant pourra alors donner un temps supplémentaire ou proposer des

photocopies pour ne pas désavantager l’enfant dont la motricité fine et la dextérité manuelle n’est pas aussi mature que les autres enfants qui ont un voire deux ans de plus que lui.

Considérons à présent les caractéristiques cognitives, créatives et sociales. Les résultats de cette étude nous ont permis de dégager des points qui nous semblent importants dans la description de cette population trop souvent considérée comme uniforme.

Tout d’abord, nous avons remis en cause l’idée d’un profil spécifique aux enfants HPI et, malgré nos résultats, avons pris le parti de penser que la plupart des études se focalisent certainement sur des sous-groupes d’enfants à haut potentiel verbal quand il s’agit d’étudier leur profil cognitif ; mais également sur des sous-groupes d’enfants souffrant de troubles psychologiques pour les études stipulant une moins bonne adaptation sociale de cette population. Sur les aspects cognitifs, nous avons pu repérer la non-interprétabilité du QI Total pour la plupart des enfants et avons proposé comme correcte : l’interprétation sur une organisation en 4 indices car ces derniers montrent une bien meilleure cohérence et homogénéité. L’utilisation de l’outil WISC IV nous semble par conséquent pertinente quand on s’intéresse au profil et non pas au seul QI Total. Enfin, toujours sur ces aspects, le plan factoriel mis en évidence nous semble pertinent mais critiquable étant donné la non-significativité des corrélations entre les 4 indices. Il a néanmoins mis en évidence une organisation où les cognitions des enfants à haut potentiel dépendraient de 2 facteurs, d’un côté, la vitesse de restitution des savoirs, et d’un autre, le contrôle de l’activité cognitive.

Enfin, nous suggérons que les très bonnes capacités attentionnelles et méta-cognitives (contrôle de l’activité) de ces enfants pourraient expliquer, en grande partie, l’émergence de leurs hautes aptitudes dans un ou plusieurs domaines du développement cognitif. Ce dernier serait donc « boosté » par les capacités attentionnelles tel que le décrit Pascual-Leone (1988) dans le cadre du développement cognitif normal.

Sur les aspects de créativité, notre étude a mis en évidence une minorité d’enfants présentant un haut potentiel créatif. La créativité ne semble donc pas constituer une spécificité remarquable chez tous les enfants HPI. Cependant, 20 % de notre petit échantillon (27 enfants) montrent des potentialités au dessus de la norme dans la capacité à trouver des idées originales pour résoudre des problèmes totalement nouveaux. De cette manière, il nous semble correct de dire que les enfants HPI ne sont pas plus créatifs que les autres mais la probabilité d’identifier un haut potentiel créatif augmente si l’on se situe dans un échantillon d’enfants à haut potentiel intellectuel. Nous n’avons pas de groupes de comparaison avec d’autres niveaux de QI pour le confirmer mais si nous nous référons à l’échantillon d’étalonnage du test, sensé représenter la population générale, nous n’observons que 2 à 3 % d’enfants contre 20 % dans notre échantillon d’enfants HPI, ce qui est considérable. Cette remarque semble donc en accord avec Lubart qui stipule que l’augmentation du QI a un impact sur l’émergence d’idées créatives mais qu’au-delà d’un certain seuil (QI > 120), il n’y pas de bénéfice supplémentaire. Ainsi nos résultats ont mis en avant le fait que chez les enfants à haut potentiel, la créativité sollicitait des processus différents de ceux dévolus aux taches analytiques et qu’en outre, il existait une forme d’indépendance entre les domaines de créativité chez ces enfants (verbal et figuré).

Enfin, sur les aspects socio-adaptatifs, notre étude montre toute l’importance d’isoler des sous-groupes d’enfants à haut potentiel pour étudier cette sphère développementale. En effet, l’identification d’un groupe « clinique » dans lequel les enfants présentent des symptômes psychopathologiques a mis en relief que les difficultés adaptatives, supposées dans certaines études et suspectées par de nombreux professionnels, provenaient sûrement de leurs symptômes et non de leur haut potentiel en tant que tel. Les enfants du groupe contrôle ne présentant pas de troubles psychologiques n’ont, en effet, pas de difficultés d’adaptation sociale. D’autre part, les scores moyens des enfants du groupe clinique, bien qu’inférieurs à

ceux du groupe contrôle, ne se situent pas non plus dans des zones déficitaires. Ainsi l’idée de déficience ou de handicap social ne peut être appliquée, de manière indifférenciée, à tous les enfants à haut potentiel. Par ailleurs, l’étude a mis en évidence que les comportements liés à l’autonomie dans la vie quotidienne constituaient un point faible chez ces enfants, et particulièrement chez les enfants du groupe clinique. Pour expliquer ce phénomène, nous nous sommes appuyés sur plusieurs interprétations parfois compatibles. Les faibles capacités d’autonomie relevées pourraient être causées par un manque de renforcement de la part des parents mais également par un manque d’intérêt pour ces activités engageant fortement la répétition « monotone » de gestes moteurs. Et chez les enfants à haut potentiel, l’apparition de symptômes psychopathologiques semble en lien avec une diminution des comportements visant à s’autonomiser et se socialiser. Reste alors à déterminer les causes qui provoquent chez certains enfants HPI, des difficultés socio-adaptatives et psychologiques. Dans ce cadre, nous évoquerons et distinguerons les causes qui pourraient être environnementales des causes endogènes.