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Chapitre 3 : Les intérêts des acteurs en lien avec l’espace extra-atmosphérique

3.3 Les intérêts économiques

Alors que les intérêts technologiques et militaires sont intimement liés aux intérêts des acteurs étatiques, les considérations économiques sont, quoiqu’également présents pour les États, davantage liées au domaine privé. Alors que le développement des technologies orientées vers l’espace extra-atmosphérique financé par des programmes étatiques publiques est considérablement en baisse dans le monde107, certains acteurs sont actuellement présents dans l’espace à des fins purement économiques. C’est effectivement le cas de bon nombre de compagnies privées qui tentent d’offrir, en échange de sommes monétaires faramineuses, des voyages touristiques dans l’espace.

En termes de chiffres, le domaine de l’espace extra-atmosphérique en est un extrêmement couteux. Par exemple, lorsqu’il est question de la Station spatiale internationale, l’on estime que les investissements orientés vers la station s’élèvent aujourd’hui jusqu’à environ 142 milliards de dollars américains108. Par ailleurs, un simple lancement de navette habitée vers l’espace extra-atmosphérique, et sa mise en orbite, coûte environ 450 millions de dollars américains109. Ces sommes, quoique considérables, sont également rentables. Toutefois, les principaux bénéficiaires sont les compagnies privées sur Terre, qui obtiennent les contrats pour la fabrication et la conceptualisation d’un nombre important d’outils, d’instruments et de pièces destinés notamment à l’exploration de l’espace extra-atmosphérique. Par ailleurs, ces investissements se traduisent aussi par la création d’emplois dans les usines destinées à ce marché. Les citoyens bénéficient également des retombées liées aux investissements massifs orientés vers l’espace extra-atmosphérique, notamment dans leur utilisation quotidienne d’objets provenant des avancées technologiques effectuées grâce à cet argent. Comme nous l’avons déjà spécifié, de nombreuses technologies comme les filtres à eau, les outils sans fil, les verres de lunettes en plastique et les télécommunications à longue distance sont

107 Par exemple, pour la NASA, qui détient le plus important budget étatique orienté vers l’espace extra-

atmosphérique, on remarque une diminution du budget de près de 700 millions de dollars US pour l’année 2014 par rapport à l’année 2013.

108 M. THOMPSON. « Space Exploration: At What Cost? », [En ligne] 9 avril 2011

<http://news.discovery.com/space/history-of-space/space-exploration-cost-110408.htm> (Consulté le 3 janvier 2014).

53 quelques bons exemples qui démontrent les retombées de tels investissements au quotidien et qui sont difficilement quantifiables110.

L’intérêt économique qui pousse certains acteurs à être présents et actifs dans l’espace extra-atmosphérique n’en est encore qu’à ses débuts, mais on assiste présentement à la hausse constante d’entreprises ayant divers projets orientés vers cet environnement, dont l’ultime motivation se mesure en chiffres d’affaires. Les principaux investisseurs dans ce domaine sont notamment les propriétaires richissimes de compagnies privées, celles dont il fut question lors du chapitre précédent. C’est le cas pour Virgin Galactic et XCOR Aerospace, les deux compagnies privées les plus avancées dans le domaine de l’exploration spatiale privée. Virgin Galactic offre la réservation des billets pour un vol spatial à partir de 250 000 dollars américains111 tandis qu’XCOR Aerospace offre pour sa part des vols habités suborbitaux à 95 000 dollars américains112 le vol, comprenant dans les deux cas l’entraînement auquel participent les astronautes. Il est toutefois à noter que ces vols n’ont pas encore de date d’envoi, c’est donc dire que, à l’heure où l’on écrit ces lignes, il est seulement possible de réserver son siège sur ces vols. Étant donné qu’il est de plus en plus abordable d’utiliser les technologies liées au domaine spatial, il n’est pas étonnant de voir la multiplication des entreprises désirant exploiter le tourisme spatial à des fins monétaires.

Il est toutefois aussi possible de s’aventurer dans l’espace par le biais d’une agence spatiale étatique, comme ce fut le cas pour le célèbre propriétaire du Cirque du Soleil, Guy Laliberté. Pour 35 millions $US113, M. Laliberté a pu, grâce à un partenariat entre la compagnie privée américaine Space Adventures et l’agence spatiale fédérale russe, voyager dans l’espace extra-atmosphérique. Le milliardaire a dû suivre pendant

110 NASA. « NASA Hits: How NASA Improves Our Quality of Life », [En ligne] 7 mai 2008

<http://www.nasa.gov/externalflash/hits2_flash/index_noaccess.html> (Consulté le 3 janvier 2014).

111 Virgin Galactic. « Booking », [En ligne] 3 janvier 2014 <http://www.virgingalactic.com/booking/>

(Consulté le 3 janvier 2014).

112 XCOR Aerospace. « Fly to Space », [En ligne] 3 janvier 2014 <http://www.xcor.com/flytospace/>

(Consulté le 3 janvier 2014).

113 F. LAVOIE. « Guy Laliberté dans l’espace : « Je le fais pour moi » », [En ligne] 3 janvier 2014

<http://www.lapresse.ca/sciences/astronomie-et-espace/200909/05/01-899108-guy-laliberte-dans-lespace- je-le-fais-pour-moi.php> (Consulté le 3 janvier 2014).

54 cinq mois l’entraînement intensif des cosmonautes russes afin d’être formé à l’environnement hostile qu’est l’espace extra-atmosphérique. Toutefois, il semble que le tourisme spatial ne fasse en général pas partie des priorités des agences spatiales étatiques, quoique certaines agences travaillent en étroite collaboration avec des compagnies privées pour la commercialisation de ces vols. Au final, les considérations économiques sont donc davantage du ressort du domaine privé.

Par ailleurs, le tourisme spatial, quoique prépondérant en tant qu’activité principale dans la privatisation de l’espace extra-atmosphérique, n’est pas le seul intérêt économique présent dans cet environnement. Quelques compagnies, comme Deep Space Industries, prévoient d’ici une vingtaine d’années de commencer le forage et le minage de certains astéroïdes dont la composition en matériaux serait assez intéressante pour justifier l’investissement114. Cette avenue représente donc un autre secteur d’activité où les intérêts économiques pourraient justifier la présence d’acteurs privés dans l’espace extra-atmosphérique.

La privatisation des voyages dans l’espace demeure une avenue très alléchante monétairement parlant. Bien qu’il soit interdit par les textes de lois, dont il sera question dans le prochain chapitre, de déclarer une souveraineté ou une propriété du territoire de l’espace extra-atmosphérique ou de la Lune et des corps célestes, le fait de commercialiser le voyage et l’expérience liée aux voyages spatiaux lui ne l’est pas. C’est pour cette raison que plusieurs compagnies s’intéressent activement à diminuer les coûts de tels projets et ainsi rentabiliser un domaine où l’offre est encore aujourd’hui réduite et onéreuse. Par ailleurs, certains auteurs s’entendent pour dire que la pérennité des activités spatiales étatiques passe par un changement de la vision de la mission des agences spatiales étatiques, afin d’englober également la commercialisation des vols habités vers l’espace extra-atmosphérique115. Quoi qu’il en soit, la facette économique de

114 Deep Space Industries. « Asteroids, abundance from astéroids », [En ligne] 3 janvier 2014

<http://deepspaceindustries.com/asteroids/> (Consulté le 3 janvier 2014).

115 L. JACOBSON. « Partnerships aplenty at NASA », [En ligne] 18 décembre 2012

<http://www.politifact.com/truth-o-meter/promises/obameter/promise/347/increase- commercializationbenefits-from-space-tec/> (Consulté le 3 janvier 2014).

55 la présence des acteurs étatiques dans l’espace extra-atmosphérique représente encore aujourd’hui davantage un frein à l’exploration qu’une motivation.