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Intégrales de chemins en temps imaginaire

En Physique Statistique Quantique, toute l’information thermodynamique se trouve dans la fonction de partition Z donnée par la trace de la matrice densité exp(−β ˆH), soit

Z =X

Ψ

hΨ| exp(−β ˆH)|Ψi, (4.1)

avec ˆH le hamiltonien et β = 1/kBT . La somme s’effectue sur tous les états possibles |Ψi. Le calcul de la valeur moyenne d’une observable quelconque définie par l’opérateur ˆO est alors donné par h ˆOi = 1 Z X Ψ hΨ| ˆO exp(−β ˆH)|Ψi. (4.2)

L’analogie entre la matrice densité exp(−β ˆH) et le propagateur exp(−i ˆHt/~) permet de penser que l’inverse de la température β joue le rôle d’un temps imaginaire. La fonction de partition Z = A1+ A2 + A3 + ... + Af est donc la somme d’amplitudes de transition telles que le sys-tème initialement dans l’état |Ψii finisse dans le même état après avoir évolué durant le temps imaginaire β. Le temps d’évolution est d’autant plus grand que la température est petite car β diverge lorsque T → 0. Il n’est cependant pas toujours possible de calculer analytiquement les amplitudes de transition Ai. Les intégrales de chemin de Feynman permettent une formulation pratique des amplitudes de transition Ai. En effet, selon ce formalisme, il est possible de calculer l’amplitude de transition

Ai = hΨi| exp(−β ˆH)|Ψii (4.3)

par la somme de toutes les amplitudes des chemins possibles entre l’état initial et l’état final. Le chemin emprunté par le système est défini en spécifiant l’état du système à chaque pas de temps imaginaire δτ . Formellement, cela revient tout d’abord à écrire

e(−β ˆH)= e(− ˆHδτ )e(− ˆHδτ )e(− ˆHδτ ). . . e(− ˆHδτ )

| {z }

N

avec β = N δτ tel que δτ  N . Il suffit maintenant d’introduire l’opérateur unité1 =P

m|mihm| correspondant à un ensemble d’états intermédiaires appartenant à une base complète entre chaque exponentielle pour obtenir la formulation en intégrale de chemin de l’amplitude de probabilité Ai. Soit,

Ai = X

m1,m2,...,mN

i|e(− ˆHδτ )|m1ihm1|e(− ˆHδτ )|m2ihm2| . . . |mNihmN|e(− ˆHδτ )ii. (4.5)

Figure 4.1 – Système 1D de quatre sites avec deux particules évoluant en temps imaginaire de l’état initial |Ψii vers l’état final |Ψii. Ces deux graphes sont deux exemples dont les trajectoires donnent des amplitudes de probabilité contribuant au calcul de l’amplitude Ai [Eq. (4.5)].

L’amplitude de probabilité Ai se calcule en effectuant la somme des amplitudes de tous les chemins possibles que peuvent prendre les particules initialement dans l’état |Ψii et finissant dans le même état |Ψii. Nous montrons sur la Figure4.1deux exemples quelconques d’évolution en temps imaginaire contribuant au calcul de l’amplitude Ai. Les trajectoires des particules en temps imaginaire s’appellent « lignes d’univers » (World-Lines). Il est évident que plus la tem-pérature est petite, plus β est grand et donc plus le temps durant lequel les particules évoluent est grand. Dans ce cas, les particules pourront visiter une plus grande partie du système, voire l’ensemble du système lorsque les interactions le permettent. De grandes déformations des lignes d’univers, par rapport à leur état de départ, contribuent à la délocalisation de la fonction d’onde des particules. Lorsque T → 0, cette dimension supplémentaire diverge et le système peut être considéré comme un système effectif évoluant en d + 1 dimensions classiques. Formellement, il existe une équivalence entre un système quantique à d dimension(s) et un système classique à d + 1 dimensions [97].

Nous allons présenter brièvement un exemple concret afin d’expliquer par la suite l’avantage de l’algorithme utilisé dans cette thèse. Considérons un système 1D composé de quatre sites (L = 4) avec des conditions aux bords périodiques telles que les sites 1 et 5 soient identiques. Supposons que Nb bosons indiscernables évoluent sur ce réseau et que le hamiltonien du système soit:

4.1. Intégrales de chemins en temps imaginaire ˆ H = −t 4 X i=1  ˆ aii+1+ ˆai+1ˆai | {z } cinétique +U 2 4 X i=1 ˆ ni(ˆni− 1) | {z } potentiel (4.6)

où l’opérateur ˆai (ˆai) crée (détruit) un boson sur le site i et l’opérateur ˆni = ˆaii compte le nombre de bosons sur le site i. Le paramètre t est l’élément de matrice associé aux déplacements des particules par effet tunnel sur les sites plus proches voisins. Enfin, le paramètre U > 0 est l’énergie de répulsion sur site de deux particules. Le diagramme de phase de ce système a été étudié théoriquement en 1989 par Fisher et al. [66,98], ainsi que par Batrouni et al. en 1990 [99] par la méthode de Monte Carlo quantique. Nous allons maintenant discuter la représentation en intégrales de chemins des limites t  U et t  U à température nulle (β → ∞), soit kBT  t, U .

Discutons tout d’abord la limite kBT  t  U avec Nb = 4. Dans ce cas précis, chaque site du système est occupé par une particule, la densité vaut ρ = Nb/L = 1 et l’énergie de double occupation sur site est grande. Il n’existe donc quasiment pas de fluctuations quantiques: les particules ne se déplacent pas spatialement au cours du temps imaginaire lorsque U → ∞, ce qui se traduit par des lignes d’univers rectilignes et le système adopte la phase isolante de Mott ρ = 1. Ce cas est représenté sur la Figure4.2à gauche.

L’autre cas limite, pour lequel les fluctuations quantiques sont importantes, existe dans le cas de systèmes dilués1 et/ou de répulsion faible U  t. Prenons comme exemple particulier un système de quatre sites avec Nb = 2 et supposons que l’interaction sur site est faible, mais non nulle, soit kBT  U < t. Dans ce cas, les particules corrélées peuvent se déplacer dans l’ensemble du système et contribuer à un mouvement macroscopique cohérent. Un tel cas est représenté sur la Figure4.2à droite. Sur cette illustration, les deux particules ont fait le tour du système dans le même sens, elles présentent une cohérence dans leur mouvement: le système adopte la phase superfluide.

La superfluidité est un phénomène quantique tel que la phase de la fonction d’onde φ(r) est rigide ou cohérente. En effet, l’impulsion moyenne

p = hΨ| − i~∇|Ψi = hΨ|~∇φ(r)|Ψi

= mvs (4.7)

est non nulle lorsque la valeur moyenne du gradient de la phase ∇φ(r) est non nulle. Dans le cas contraire où la phase fluctue largement, la valeur moyenne du gradient de la phase est nulle et donc la vitesse du superfluide vs est nulle. Par ailleurs, les conditions aux bords périodiques imposent l’égalité de la fonction d’onde aux bords du système, ce qui ce traduit par

h∇φ(r)i = 2πn/L, (4.8)

où n ∈ Z et L est la taille du système. Le nombre entier topologique n compte le nombre de fois pour lequel le système entier a été traversé par la phase totale. Cette relation de quantification de

Isolant de Mott Superfluide

Figure 4.2 – Deux configurations possibles de lignes d’univers pour le système 1D de quatre sites. À gauche, la densité est entière ρ = 1 et l’énergie de double occupation sur site U , telle que kBT  t  U , rend improbable la déformation des lignes d’univers. Dans ce cas, le système incompressible adopte la phase isolante de Mott ρ = 1. À droite, le système est dilué (ρ < 1) et l’interaction sur site est faible, mais non nulle kBT  U < t. Les deux particules ont fait le tour du système dans le même sens, elles présentent une cohérence dans leur mouvement: le système adopte la phase superfluide.

la phase a été établie par Onsager en 1949 pour la superfluidité et est vérifiée expérimentalement [100]. Cette relation permet d’exprimer la densité superfluide en fonction de la dérivée seconde de l’énergie libre F , soit:

ρs= 1 mV ∂2F (vs) ∂v2 s (4.9)

où m est la masse d’un boson, V le volume du système et vs la vitesse du superfluide. Avec la représentation des lignes d’univers, Pollock et Ceperley ont montré en 1984 que cette formule devient [101,102]:

ρs = hW 2i

2dtβLd−2, (4.10)

où d est la dimension du système, L sa taille, β = 1/kBT et t est le paramètre de saut du hamiltonien. La quantité W ∈ Z est le winding number des bosons. Cette quantité topologique renseigne sur la cohérence du déplacement des particules pendant leur évolution en temps imagi-naire et compte le nombre de fois où les lignes d’univers traversent totalement le système dans sa dimension spatiale. Par exemple, W = 0 sur la Figure4.2de gauche et W = 2 sur la Figure 4.2

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