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et les îles de l’océan Indien dans la recherche

Encadré 18 : Le poids des importations, une comparaison entre La Réunion et Maurice En 2017, Port Réunion a enregistré le plus fort trafic de son histoire (5,5 M de En 2017, Port Réunion a enregistré le plus fort trafic de son histoire (5,5 M de

8.2 Insularités sans île

8.2 Insularités sans île

Une deuxième voie me semble intéressante à emprunter, celle des isolats continentaux. Manifestement, certaines îles partagent des points communs, comme l’enclavement, l’éloignement ou les discontinuités, avec les isolats continentaux (figure 60). L’isolat se définit comme un espace géographique isolé, peu ou mal desservi. Et même si l’isolat a été quelque peu reconfiguré par les moyens modernes de communication, il reste quoi qu’il en soit un espace de marge. L’accessibilité peut être une clé de lecture de cette insularité protéiforme. Les rouages et enjeux liés à l’accessibilité sont-ils communs à tous les lieux isolés ou les îles dégagent-elles des particularités ? En ce cas, ces particularités font-elles, sans en être des conditions sine

qua non, l’île ? Ou a contrario, îles et isolats continentaux relèvent-ils plutôt de la même

logique et des mêmes mécanismes ? L’accessibilité apparaît alors comme un dénominateur commun. Alain Saussol de nous interpeller « L’isolement, après tout, n’est-il pas davantage engendré par le relief ou le désert que par les étendues marines ? » (1988, p. 271). En écho, Taglioni et Cruze rappellent que certaines barrières physiques, comme les fleuves ou les forêts, peuvent avoir une capacité de césure plus forte que la mer (2013). Dans le numéro des Annales de géographie consacré aux « Îles et oasis : de l’isolat au monde », en note liminaire, J.-F. Troin annonce : « Des oasis au sein d’une immensité marine : les îles ; des îles au milieu de déserts terrestres : les oasis ». Et de rajouter que la comparaison n’est pas neuve (2005, p. 339). Dans le même ordre d’idées, Kolodny notait en 1981 :

Mais l’isolement n’est pas le privilège exclusif des îles. Jean Brunhes a étendu le propos en examinant “les petits mondes géographiques… types d’îles ou d’ilots d’humanité”. Ce sont, hormis les îles de la mer, les oasis, ces “ îles du désert de pierre, du désert de sable” du M’Zab et du Souf, les groupements perdus dans la forêt boréale et équatoriale, les vallées des hautes montagnes tel le val d’Anniviers. (p. 109)

À l’issue du colloque sur l’insularité en Méditerranée, R. Fosset a pu parler des similitudes de problèmes existant entre les espaces montagnards et les îles, avant de souligner que le désenclavement « était plus facile à atteindre en montagne que dans les îles » (1976, p. 227). À grande échelle, le propos peut être nuancé. Ainsi, les stations de montagne créées ex nihilo, en situation d’isolat, sont sans doute moins accessibles que bien des îles (figure 61). Route dédiée, train à crémaillère, transport par câble, permettent d’assurer une continuité territoriale mais « les ruptures et les vitesses dans

144 Sept Dash8-300 de 50 places et deux Dash8-200 de 37 places composent la flotte maldivienne. Avions court-courriers, ils sont particulièrement bien adaptés aux pistes courtes.

les rythmes de déplacement sont nettes » (Varlet, Ageron, 2015, p. 100). Parfois l’ouverture d’infrastructures de communication dans des régions enclavées se traduit par une volonté de contrôle et de mise en valeur des marges, comme dans le Sahara algérien (Fontaine, 2005). D’autres fois, elle participe à la déprise rurale comme dans les oasis de la région de Tata (au Maroc) (Barathon et alii, 2005) ou contribue à accélérer le processus d’urbanisation littorale et de périurbanisation de la campagne « sans l’assurance d’un réel développement » comme dans le Rif oriental marocain (Gauché, 2010, p. 83). Figure 60 : Niveau d’insularité versus niveau d’accessibilité Source, Varlet et Ageron, 2014 Figure 61 : Les vitesses de déplacement et insularité de la station de sports d’hiver, vues par Varlet et Ageron

L’isolat n’est plus ce qu’il était (Troin, 2005) mais reste périphérie dans la périphérie (Thorez, 2014). Peuziat et alii ont, en s’intéressant à la Patagonie chilienne, confronté les contraintes et les atouts de l’isolement (2012). Il ressort que l’avenir des « populations isolées est très incertain ». Pour autant, les auteurs de conclure « la situation des populations présentées dans cette étude témoigne de mode vie en voie de disparition et cela, en dépit du fait que sur de nombreux aspects, ils répondent aux critères développés à l’échelle internationale pour la définition de modes de vie durables

(PNUE) » (2012, p. 58). Ici, l’enclavement et le mode de vie145 qui en découle sont présentés comme une richesse. Au Kamtchatka, la situation est toute différente. L’isolement qui a été avantageux pendant la période soviétique (développement d’industries navales stratégiques), tend, selon P. Thorez, depuis l’ouverture à l’économie de marché de la Russie, à s’accentuer et à marginaliser la région (2014). L’auteur parle légitimement ici d’insularité péninsulaire. Effectivement la péninsule du Kamtchatka n’est reliée au « continent » que par des liaisons maritimes et aériennes. Ici, l’enclavement est subi.

Les études de cas (pays enserrés, Lesotho et Swaziland146 , dans le territoire sud-africain, déserts du Kalahari ou du Namib, mégaprojets147 miniers assimilables à des enclaves – de richesse – au Mozambique) sont parmi les pistes que j’aimerais explorer en Afrique australe. Prenons l’exemple du désert du Kalahari, où se déploie le parc Kgalagadi à la jonction entre Namibie, Botswana et Afrique du Sud. Pour rejoindre le parc depuis Johannesburg, il faut compter 10 heures de route, 3 heures depuis Upington, où se situe un petit aéroport, porte du Kalahari. Dans le parc transfrontalier du Kgalagadi, les distances sont longues148, les pistes peu nombreuses, et certaines ne sont ouvertes qu’aux touristes à la nuitée. Dans le parc, les hébergements ne sont pas pléthoriques et nécessitent une réservation un an à l’avance. Pour limiter la fréquentation, le nombre de véhicules149 autorisés à entrer dans le parc a été fixé à 20 par jour. Typiquement, nous assistons, comme S. Héritier le constatait dans les parcs nationaux de l’Ouest canadien, à une « redéfinition des conditions d’accès aux sites » intimement liée à un « durcissement des objectifs de protection de l’environnement dans les parcs » (2006, p. 125). Il s’agit surtout de voir quels sont les impacts de la récente mise en tourisme sur cette région désertique reculée au réseau de routes squelettique et quelle est la pratique de l’espace parc qui se dégage, alors même que le déplacement individuel est limité.

L’insularité est manifestement un infini de mondes, un infini de possibles (Maestri 1995). Elle semble plus l’apanage des isolats continentaux que des îles. Dans leur étude sur le Suriname, exemple-type d’une insularité sans île, Taglioni et Cruze suggèrent d’envisager « l’insularité en lui apportant une forte charge symbolique pour en faire un terme générique » (2013, p. 2).

145 « Ce mode de vie qui s’appuie sur des activités primaires et sur une relation très proche avec le territoire implique des conditions de vie très humbles, qui ne sont pas évoquées comme un problème mais plutôt comme un certain art de vivre » (Peuziat et alii, 2012, p. 58).

146 Le Lesotho et le Swaziland, États enclavés dans l’Afrique du Sud. Ils dépendent de leur puissant voisin pour leur importation et exportation. Plus spécifiquement, le Mozambique, a fortiori le port de Maputo, est depuis la fin de la guerre civile en 1991 redevenu, pour le Swaziland, une alternative aux ports sud-africains.

147 Lors du colloque sur le Mozambique organisé avec F. Folio, nous avons présenté une communication intitulée « Le Mozambique des mégaprojets : croissance à l’international, clivages internes », voir le volume 2.

148 Il faut compter 8 heures pour couvrir les 145 km de piste entre Nossob et Malatso, au cœur du parc.

149 Ce nombre concerne les visiteurs à la journée. Pour indication, le parc reçoit une petite dizaine de visiteurs par jour, contre presque une centaine dans le parc Kruger (ne sont comptabilisés ici que les visiteurs sans nuitée) (Country Life, 2018).