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5. Méthode 1 Échantillon

5.3 Instrument de mesure

Un seul et même instrument est utilisé pour récolter les données aux différents temps de mesure. Il s’agit d’un questionnaire maison créé par Venture Trust. Le questionnaire est complété par l’intervenant attitré au jeune par l’organisme. Ce dernier consulte le participant et d’autres personnes qui le connaissent bien, comme son intervenant social, un membre de la famille ou un autre intervenant impliqué auprès du participant, afin d’obtenir une image globale de la situation du jeune par rapport à chaque item. Les observations de l’intervenant de Venture Trust sont aussi utilisées. Ces informations sont recueillies lors d’entrevues faites en personne. Dans l’éventualité où cela n’est pas possible, l’entrevue peut se faire au téléphone.

Le questionnaire comprend 19 items avec des choix de réponse. Nous avons procédé à un regroupement de certains des items en fonction des dimensions qu’ils représentent et avons identifié quatre dimensions; l’antisocialité, les habiletés interpersonnelles, la motivation d’accomplissement et le statut socio-professionnel. Tous les items, à l’exception de celui portant sur le statut socio-professionnel, reçoivent un score ordinal, allant de 1 à 5. Plus un score est haut, plus il indique un niveau élevé de la variable représentée.

L’antisocialité est représentée par cinq items : le niveau d’affiliation avec des pairs délinquants, les attitudes face à la criminalité, la consommation de drogues et d’alcool, les liens

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et interactions qui unissent l’individu à sa communauté et l’implication dans les activités et services offerts dans la communauté. À l’origine, un score élevé pour ces items indiquait des comportements adéquats. Les scores ont été inversés afin d’éviter de créer de la confusion et d’être plus conforme à la conception habituelle qu’un score élevé signifie que l’individu présente un niveau élevé d’antisocialité.

D’un point de vue théorique, ces items représentent des critères pertinents afin d’évaluer le niveau d’antisocialité des sujets. Les items de l’attitude face à la criminalité, de l’association à des pairs déviants et la consommation de drogues ou d’alcool constituent des prédicteurs importants et reconnus des comportements antisociaux (Hawkins et al.,1998; Huizinga & Jakob-Chien, 1998). Quant aux liens et interactions qui unissent l’individu à sa communauté et l’implication dans les activités et services offerts dans la communauté, ils renvoient à d’autres caractéristiques reconnues des délinquants, soit d’entretenir peu de liens sociaux avec leur famille et les autres individus conventionnels et un rejet face aux institutions et normes sociales (LeBlanc & Morizot, 2000; Lipsey & Derzon, 1998).

Nous nous sommes inspiré des variables dépendantes décrites dans la méta-analyse de Hattie et al. (1997) pour créer la dimension des habiletés interpersonnelles et celle de la motivation d’accomplissement. Les habiletés interpersonnelles sont représentées par cinq items : la capacité de demander de l’aide, la capacité à donner et recevoir des rétroactions, la capacité de partager ses idées, la capacité d’accepter l’opinion des autres et la capacité de donner son opinion de façon adéquate. Le développement de ces capacités a été lié à la participation à des programmes de plein air (Hattie et al., 1997; Newes & Bandoroff, 2004) et ils sont à l’opposé des attitudes et comportements qui caractérisent les délinquants persistants (Hawkins, et al., 1998; LeBlanc & Morizot, 2000; Moffitt, 1993). En conséquence, la valorisation et l’opportunité de développer ces habiletés favoriseraient une réduction des comportements antisociaux des sujets en élargissant leur répertoire de savoirs émotionnels et sociaux (Hawkins et al., 1998; Moffitt, 1993).

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Quant à la motivation d’accomplissement, elle contient trois items : l’habileté à établir des buts, la motivation à travailler et faire des efforts afin d’atteindre un but visé et la motivation à apprendre de nouvelles habiletés. Ces éléments représentent le penchant positif de certaines caractéristiques personnelles des jeunes antisociaux, comme leur impulsivité, leur penchant pour la gratification immédiate et leur passivité face aux difficultés, qui portent à croire qu’ils sont peu enclins à planifier des objectifs clairs et à persévérer dans leur atteinte (Krueger et al., 1996; Tutt, 1973). Compte tenu de la stabilité des comportements et des attitudes antisociales, il est primordial que les jeunes antisociaux aient un certain désir de changement, mais surtout qu’ils soient capables d’adopter des comportements et des attitudes qui leur permettent d’effectuer les changements individuels désirés (Moffitt, 1993). Ainsi, une amélioration de la motivation d’accomplissement pourrait contribuer au désistement d’une conduite antisociale, en augmentant la capacité de l’individu de poursuivre ses objectifs de réinsertion, et ce malgré les difficultés probables du retour dans sa communauté d’origine.

En ce qui concerne la dernière dimension, celle du statut socio-professionnel, nous avons regroupé les quatre choix de réponses possibles en deux options : 1) le jeune a un emploi et/ou suit une formation, académique ou autre, et/ou fait du bénévolat, ou bien 2) le jeune ne remplit aucune de ces conditions. Cette variable est inclue dans l’analyse en tant qu’élément d’information complémentaire au niveau d’antisocialité. En effet, des difficultés scolaires, comme la suspension et le décrochage, sont souvent associées à la présence de comportements antisociaux (Huizinga & Jakob-Chien, 1998). Ensuite, on peut penser que la poursuite de ce type de comportements ainsi que le rejet des normes et des institutions conventionnelles réduisent la probabilité qu’un jeune s’implique de façon continue dans des activités normatives, comme poursuivre une formation ou avoir un emploi légitime (Carroll et al., 1996; Hawkins et al.,1998; Lipsey & Derzon, 1998). En conséquence, si un jeune s’investit dans le domaine scolaire ou professionnel, il est probable que cela signifie une baisse des comportements ou attitudes antisociales.

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Afin de s’assurer que les items du questionnaire que nous avons regroupés subjectivement dans le but de créer les variables d’intérêt étaient bel et bien associés l’un avec l’autre, nous avons procédé à une analyse factorielle en composantes principales avec rotation oblique de type oblimin. Une rotation oblique a été préférée compte tenu de la corrélation attendue entre les facteurs extraits à partir des items qui se retrouvent dans le questionnaire utilisé par Venture Trust (Tabachnick & Fidell, 2007). Cette analyse a été effectuée sans forcer l’extraction d’un nombre de facteurs, afin de voir comment les items se répartissaient naturellement. Les items tels que mesurés au pré test ont été utilisés, en incluant seulement les sujets pour qui les données étaient complètes à ce temps de mesure. Ainsi, les données pour 215 sujets ont été utilisées pour cette analyse. L’item portant sur le statut socio-professionnel des sujets n’a pas été inclus dans l’analyse, car il n’est pas regroupé avec d’autres items afin de créer une variable.

Les résultats de la matrice de type sont présentés dans le tableau 2. Seuls ces résultats sont rapportés puisque cette matrice révèle la contribution unique de chaque item dans la définition d’un facteur, ce qui est conforme avec l’objectif derrière notre analyse, soit d’identifier les items qui sont le plus fortement associés à chaque variable que nous souhaitons créer (Tabachnick & Fidell, 2007). On peut voir dans ce tableau que trois facteurs ont été créés, que la majorité des items sont bien au-dessus du seuil minimal de 0,32 et qu’ils ne corrèlent qu’avec un seul facteur (Tabachnick & Fidell, 2007). Il y a cependant deux items qui corrèlent avec plus d’un facteur. C’est le cas de l’item ‘capacité de donner/recevoir des rétroactions’, qui a un coefficient sous le seuil minimal avec le troisième facteur, et un coefficient plus fort avec le premier facteur, où se trouvent les autres items qui forment la variable d’habiletés interpersonnelles. La faible saturation avec le troisième facteur et la saturation plus forte avec le premier nous incitent à maintenir cet item tel que nous l’avons classé. En ce qui a trait à l’item ‘consommation de drogues et d’alcool’, la corrélation est plutôt faible avec le premier facteur alors qu’elle est plus forte avec le second. De plus, le signe de la première corrélation indique une relation négative entre cet item et les autres regroupés sous le premier facteur, ce qui est cohérent d’un point de vue théorique. En effet, on peut s’attendre à ce qu’une consommation élevée de drogues ou d’alcool entraîne une diminution des capacités d’un

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individu à interagir adéquatement avec les autres. Pour ces raisons, nous jugeons que la saturation de cet item auprès de deux facteurs n’est pas problématique et nous le maintenons dans l’échelle d’antisocialité. L’analyse factorielle nous indique donc que notre classement des items est approprié tel que présenté dans le tableau. Les items retenus pour constituer les échelles finales sont présentés en détails en annexe.

Tableau II Matrice de type 1 2 3 Variable Habiletés interpersonnelles

Capacité de donner son opinion de façon adéquate

0,839

Capacité de partager ses idées 0,720 Capacité de demander de l’aide 0,607 Capacité de donner/recevoir des

rétroactions

0,603 0,309

Capacité d’accepter l’opinion des autres 0,404

Variable

Niveau d’antisocialité

Implication dans les activités et services offerts dans la communauté

0,819

Liens et interactions qui unissent l’individu à sa communauté

0,746

Association à des pairs déviants 0,730 Attitude face à la criminalité 0,682 Consommation de drogues/alcool -0,360 0,634

Variable Motivation

d’accomplissement

Motivation à travailler pour atteindre les buts fixés

0,877

Motivation à apprendre de nouvelles habiletés

0,840

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Puisque aucune évaluation des propriétés psychométriques du questionnaire utilisé par Venture Trust n’a pas été effectuée, il est important que nous obtenions minimalement des indices de consistance interne satisfaisants. En effet, cela permet de nous assurer que les items sélectionnés pour créer chaque variable sont bel et bien liés entre eux et, du coup, mesurent le même concept (Fortin, 1996). Pour ce faire, les alpha de Cronbach ont été calculés pour les échelles issues de l’analyse factorielle. Ce coefficient permet d’estimer si les items regroupés mesurent de façon semblable un même concept (Fortin, 1996). Les items mesurés au pré test ont été utilisés et seuls les 215 sujets avec données complètes pour ce temps de mesure ont été inclus dans le calcul.

Pour la variable du niveau d’antisocialité, qui contient cinq items, nous obtenons un alpha de Cronbach de 0,798. La variable d’habiletés interpersonnelles, qui regroupe cinq items, obtient quant à elle un alpha de Cronbach de 0,786. La variable de la motivation d’accomplissement, qui inclut trois items, a un alpha de Cronbach de 0,778. Il apparaît donc que les coefficients de fidélité obtenus sont tous au-dessus du seuil minimal requis de 0,7 (Fortin, 1996). Nous pouvons donc conclure à une cohérence interne satisfaisante pour les échelles créées.

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