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Une institution hybride issue d’un rapprochement entre logique assurantielle et protection sociale

244 . – La présentation systématique des différents fonds d’indemnisation, de leur mode

d’intervention et de leurs domaines respectifs n’a pas résolu la question de la nature juridique des fonds d’indemnisation. Au lieu de créer une catégorie d’institutions sui generis, on est tenté d’assimiler ces organismes, aussi hétérogènes soient-ils, à des figures juridiques préexis- tantes qui participent également à la compensation de préjudices, telles que certains types d’assurance privée et les principaux dispositifs de la protection sociale, la Sécurité sociale et l’aide sociale. Ce rapprochement ne relève pas du hasard puisque le premier fonds institué en droit français est précisément né du croisement de la logique des assurances sociales et des dispositifs de charité présents à la fin de la deuxième moitié du XIXe siècle. Force est, cepen- dant, de constater que de plus en plus d’auteurs ne se contentent pas d’établir ce parallèle et évoquent, sans hésitation, un « droit des fonds d’indemnisation »896 en sous-entendant qu’il s’agit là d’une nouvelle institution régie par un corps de règles distinct dont la place au sein de notre système juridique resterait encore à définir. Avant d’engager une réflexion sur l’articulation entre les fonds d’indemnisation et les autres éléments du droit de l’indemnisation, il est nécessaire de dégager les particularités qui justifient, malgré une appa- rente proximité avec ces institutions, un traitement juridique autonome. Pour ce faire, il nous paraît indispensable d’examiner le mécanisme des fonds d’indemnisation en le comparant aux logiques sous-jacentes du droit des assurances et du droit de la protection sociale.

245 . – Nous essaierons ensuite de replacer ce droit des fonds d’indemnisation dans un cadre

plus large et tenterons de le relier aux tendances récentes du droit de l’indemnisation. A y regarder de plus près, les fonds d’indemnisation apparaissent de plus en plus comme l’élément-clé d’un ensemble de règles qui se situe à la frontière du droit de la responsabilité, du droit de la protection sociale et du droit des assurances et qui a pour objectif de fournir une indemnisation dans des cas de figure où il n’est pas envisageable ni souhaitable que celle-ci relève du paradigme bilatéral du droit de la responsabilité897. Nous tenterons alors de préciser et de développer l’idée d’un droit de « l’indemnisation sociale », venue de la doctrine alle- mande, en analysant plus en détail le mécanisme central de ce type d’indemnisation, à savoir la désignation d’une collectivité qui prendra en charge l’indemnisation d’un certain type de dommages, et en s’interrogeant sur les causes de ces transferts. C’est en dégageant les grandes lignes d’une théorie générale du droit de l’indemnisation sociale que l’autonomie des fonds d’indemnisation au regard du droit de la responsabilité, du droit des assurances et du droit de la protection sociale prendra tout son relief.

En définitive, les fonds d’indemnisation ont vu, au fil des dernières décennies, croître leur autonomie par rapport aux institutions de l’assurance et de la protection sociale (Chapitre 1)

896 V. notamment E. DE GIVRY, « La crise de la responsabilité civile », in : B. Durand/E. Serverin et al.,

Quelles perspectives pour la recherche juridique ?, 2007, p. 246 et L. NEYRET, « L’articulation entre le droit

spécial des fonds d’indemnisation et le droit commun de la responsabilité civile », Gaz. Pal. 2008, p. 823.

897 C’est-à-dire d’une procédure d’indemnisation fondée sur le rapport de droit né entre la victime et le respon-

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pour devenir une figure juridique autonome qui sert aujourd’hui de clé de voûte à un droit de l’indemnisation sociale (Chapitre 2).

Chapitre 1 – Une autonomie de plus en plus marquée des fonds d’indemnisation par rapport aux institutions de l’assurance et de la protection sociale

246 . – Débuter la démonstration de l’autonomie des fonds d’indemnisation par l’étude du

Fonds de garantie des accidents du travail (FGAT) se justifie à plusieurs titres. Créé par la loi du 9 avril 1898, il est non seulement le premier fonds d’indemnisation apparu en droit fran- çais, mais il a également tenu lieu de modèle pour les fonds d’indemnisation créés ultérieure- ment et peut ainsi être vu comme le prototype de cette institution. Malgré sa place relative- ment restreinte dans l’économie générale de la loi de 1898, les travaux parlementaires, parti- culièrement riches en idées et en initiatives, témoignent des difficultés à coordonner les com- posantes du système de réparation des accidents du travail : responsabilité des patrons, assu- rance et fonds de garantie. Si les instigateurs des fonds d’indemnisation créés après la Deu- xième Guerre mondiale en droit français se sont réclamés de la structure et du fonctionnement du FGAT898, on peut néanmoins observer que les fonds d’indemnisation se sont par la suite libérés de l’emprise des assurances et de l’aide sociale dont ils sont issus, pour gagner en autonomie, en particulier grâce à la personnalité juridique.

En effet, alors que le FGAT était, au moment de sa création, perçu comme un simple avatar du modèle de l’assurance, voire comme le cautionnement de l’employeur, une partie de la doctrine civiliste commençait déjà à mettre en avant les particularités de cette institution, no- tamment quant au financement et à la place qu’elle occupait au sein de la relation responsable – victime. Un examen du mécanisme des fonds d’indemnisation actuels permettra de démon- trer dans quelle mesure les fonds se démarquent aujourd’hui des instruments du droit des as- surances et du droit de la protection sociale. Si les fonds d’indemnisation présentent un sché- ma d’intervention comparable, les singularités tenant notamment à la nature législative du régime, aux bénéficiaires ainsi qu’aux types de dommages couverts, rendent impossible leur assimilation.

La démonstration de l’autonomie des fonds d’indemnisation passe par l’étude du Fonds de garantie des accidents du travail (Section 1) et par le constat de l’impossibilité d’assimiler ce dispositif aux instruments assurantiels et aux techniques classiques de la protection sociale (Section 2).

898 V. déjà P. ARGENCE, « Le Fonds de garantie des accidents du travail », RGAT 1933, p. 52 (« Le projet de

loi concernant les garanties à donner aux victimes d’accidents d’automobiles […] prévoit notamment l’institution d’un Fonds de Garantie organisé d’une façon analogue à celui des accidents du travail. »). Cf. aussi P. SUMIEN, « Le fonds de garantie en matière d’accidents d’automobile », Gaz. Pal. 1952, I, doctr. p. 12 et S. FORTIN-TUNC, Le fonds de garantie en matière d’accidents d’automobiles, th. Paris, éd. Jouve & Cie, 1943, n° 79. – Le Fonds de garantie automobile a servi, à son tour, de modèle à l’élaboration des fonds d’indemnisation ultérieurs. Pour le Fonds de garantie des actes de terrorisme, v. notamment A. D’HAUTEVILLE, « L’indemnisation des dommages subis par les victimes d’attentats », RGAT 1987, p. 329.

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Section 1 – La démonstration de l’autonomie à travers l’étude du Fonds de garantie des acci- dents du travail, prototype des fonds d’indemnisation modernes

247 . – La création de la Sécurité sociale en France par l’ordonnance du 4 octobre 1945 a mis

fin à l’autonomie du FGAT, fonds qui a existé pendant près d’un demi-siècle avant d’être intégré dans les organismes de Sécurité sociale899. Il ne s’agit pas, dans le cadre de notre étude, de reprendre les réflexions sur la place de la loi du 9 avril 1898 dans l’évolution du droit de la responsabilité et sur le rôle de celle-ci dans le mouvement solidariste de la fin du XIXe siècle, tous deux largement étudiés par la doctrine juridique et les travaux d’historiens900. Ce qui nous intéresse ici, ce sont l’organisation et le fonctionnement du FGAT et les enseignements que l’on peut en tirer pour affiner le concept des fonds d’indemnisation. Dépourvu de la personnalité juridique et géré par la Caisse des dépôts et consignations, le FGAT n’a jamais bénéficié d’une indépendance par rapport aux autorités publiques. Ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que l’on a saisi les avantages d’une véritable autono- mie organisationnelle des fonds, notamment pour les dommages pour lesquels la responsabili- té de l’Etat était en cause.

S’il est possible de voir dans le Fonds de garantie des accidents du travail une composante indispensable du régime de la loi du 9 avril 1898 (§ 1), son rattachement à l’administration publique révèle l’importance relative de la personnalité juridique pour l’autonomie des fonds d’indemni-sation (§ 2).

§ 1 – Le Fonds de garantie des accidents du travail, composante indispensable du régime de la loi du 9 avril 1898

248 . – De nos jours, l’adoption de la loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités des

accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail901 est considérée comme une étape essentielle de l’histoire sociale de France902. Résultat de l’affrontement entre les courants libé- ral et socialiste du XIXe siècle, elle s’inscrit dans un processus historique plus large, magistra- lement retracé par M. François EWALD dans son ouvrage sur la naissance de l’Etat provi- dence903. Pour la première fois dans l’histoire française, la logique libérale fondée sur la res- ponsabilité pour faute comme vecteur de tout progrès individuel et collectif s’est inclinée de- vant une technique de répartition des risques conçue pour concilier les intérêts des patrons et des ouvriers. En faisant perdre aux devoirs de bienfaisance et d’assistance leur connotation morale, la nouvelle législation sur la réparation des accidents du travail permettra, en 1946, la

899 Sur le Fonds commun des accidents du travail en métropole (FCAT) et le Fonds commun des accidents du

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généralisation de la technique de l’assurance sociale aux risques sociaux904 les plus impor- tants : vieillesse, maladie et chômage. Depuis cette date, on a cessé de voir dans l’accident du travail un événement dommageable résultant d’une faute de l’employeur ou de l’employé, ce qui avait inspiré l’instauration d’un régime d’indemnisation détaché de toute preuve d’une négligence de l’un ou de l’autre905.

249 . – A l’issue des débats parlementaires qui ne devaient durer pas moins de dix-huit années

à compter du dépôt du premier projet de loi en mai 1880906, les parlementaires se sont accor- dés sur un régime d’indemnisation automatique qui fait supporter à l’employeur la dette de réparation sans tenir compte d’une éventuelle négligence de l’ouvrier. En contrepartie de la responsabilité automatique de l’employeur, la loi de 1898 ne prévoit – comme on sait – qu’une réparation forfaitaire, ce qui fait d’elle une « loi transactionnelle »907 par excellence. Si l’on parle aujourd’hui de l’immunité civile de l’employeur908, il faut garder à l’esprit qu’entre 1898 et 1946 celle-ci n’a été que toute relative. C’est seulement depuis la loi du 30 octobre 1946909 que l’employeur est à l’abri de « toute action en réparation […] conformé- ment au droit commun » dirigée contre lui par l’employé910, celui-ci étant depuis lors tenu de s’adresser à la caisse primaire ou régionale de Sécurité sociale911. Avant l’intégration en 1946 de la réparation des accidents du travail dans le système de la Sécurité sociale, l’indemnisation des accidents survenus dans les usines prenait la forme d’une véritable dette de responsabilité du patron vis-à-vis de son ouvrier, constatée le cas échéant par les juridic- tions. Réticent à la consécration d’une obligation d’assurance, le législateur français avait laissé aux employeurs le choix de contracter ou non une assurance de responsabilité912.

250 . – Puisque le dispositif de réparation des accidents du travail reposait principalement sur

l’obligation de l’employeur de réparer le dommage, le rôle d’un fonds des accidents de travail devait être nécessairement limité. Il constituait néanmoins « la soupape de sûreté » sans la-

904 Sur la notion de risque social, v. infra n°

322. 905 Sur cette interprétation de la loi comme acte de « révolution juridique » ou de « révolution conceptuelle », v. Ph.-J. HESSE, « La genèse d’une loi : de la révolution industrielle à la révolution juridique », Dr. social 1998, p. 638 et G. AUBIN/J. BOUVERESSE, Introduction historique au droit du travail, 1995, nos 289 à 292. 906 Projet de loi sur la responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes pendant l’exercice de leur travail déposé le 29 mai 1880 par le député Martin NADAUD (annexe n° 2660, JO 6 juin 1880, p. 6179 reproduit aussi in : Annales Sénat et Ch. dép. 1880, t. 6, ann. p. 211). Sur le rôle de NADAUD, d’origine ouvrière et lui-même victime de plusieurs accidents du travail, dans l’élaboration de la loi du 9 avril 1898, v. J.- P. AMINOT, « Martin NADAUD et les accidents du travail », Histoire des accidents du travail 1978 (n° 5), p. 109, spéc. p. 114 et s.

907 Selon J.-J. DUPEYROUX (« Un deal en béton ? », Dr. social 1998, p. 631), ce sont les parlementaires eux- mêmes qui ont forgé cette expression « au cours de débats parlementaires interminables ». 908 V. notamment N. PICHON, L’immunité civile de l’employeur – Etude critique, th. Nantes, 2003. 909 Loi n° 46-2426 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (JO 31 octobre 1946, p. 9273).

910 Cf. art. 66 de la loi. Cette disposition est devenue, en 1956, l’article 466 du Code de sécurité sociale avant de figurer, à partir de 1986, à l’article L. 452-1 dudit Code. 911 V. art. 44 de la loi du 30 octobre 1946.

912 Les patrons qui souhaitaient y recourir avaient la faculté de s’adresser aux compagnies d’assurances, aux mutuelles, et à la Caisse nationale d’assurances ou encore de se regrouper en syndicat de garantie. – Pour une analyse du débat parlementaire sur cette question, v. notamment les développements d’Y. LE GALL, in : His-

quelle « le principe de l’assurance libre aurait vite sombré dès que les premières assurances [auraient failli] à leur engagement »913 et, encore plus, dès que les premières victimes d’accidents du travail se seraient heurtés à l’insolvabilité du patron ou à son refus pur et simple de payer l’indemnité accordée par le juge. Or, l’examen des travaux parlementaires montre que la structure générale du dispositif d’indemnisation et, de ce fait, le rôle même du fonds ont fortement varié durant la période de 1880 à 1898. Ainsi, après une brève analyse historique de la genèse du FGAT (A), nous procéderons à une analyse juridique du fonds de garantie tel qu’il a été prévu par la loi du 9 avril 1898 (B).

A. Analyse historique de la genèse du Fonds de garantie des accidents du travail

251 . – Présentée comme une « loi politique au premier chef »914, la loi du 9 avril 1898 est le résultat d’un processus législatif particulièrement long et le produit de discussions parlemen- taires passionnées, voire houleuses. Les résistances et objections d’ordre économique, juri- dique et idéologique qui ont été opposées à l’initiative législative se sont traduites par une pluralité de propositions de compromis, lesquelles ont assigné, tout au long des débats, des parts variables à la responsabilité, à l’assurance et aux autres mécanismes de garantie915. A l’issue du processus législatif au cours duquel les parlementaires ont envisagé des options diverses quant à la place d’un fonds des accidents du travail, celui-ci se présente de manière rétrospective comme le résultat d’une synthèse entre les caisses de secours et les assurances contre les accidents du travail (1). Ainsi, pendant près d’un demi-siècle, le Fonds de garantie s’est imposé comme le garant d’une indemnisation effective des ouvriers victimes d’un acci- dent du travail (2).

1. Le Fonds de garantie, résultat d’une synthèse entre caisses de secours et assurances contre les accidents du travail

252 . – Les patrons n’avaient pas attendu le législateur pour s’emparer de la question des ac-

cidents du travail car ils cherchaient à éviter des procès en responsabilité perçus comme un facteur de déstabilisation au sein de l’entreprise916. La mise en place de caisses de secours et l’essor de l’assurance contre les accidents du travail depuis les années 1860 permettaient aux patrons de faire des accidents une affaire confinée dans les limites de l’entreprise et d’empêcher que les conditions de travail au sein de l’usine fussent portées devant les juges. Alors que ces deux institutions se trouvaient au service d’un même objectif – parer au risque

913 G. TROLET, L’assurance accidents du travail dans la loi du 9 avril 1898, th. Paris, 1917, p. 277.

914 L’expression provient du député Léon SAY (JO Ch. dép., Déb. parl. 19 mai 1893, p. 1454) et a été reprise par

F. EWALD (L’Etat providence, 1986, p. 275).

915 Sur l’ensemble des travaux préparatoires, v. l’analyse très complète d’Y. LE GALL, in : Histoire des acci-

dents du travail 1981 (nos 10 et 11) et, pour la période allant de 1880 à mars 1896, E. TARBOURIECH, La res-

ponsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, 1896. Cf. aussi A. SACHET, Traité théorique et pratique de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, t. 2, 8e éd.

1936, nos 1542 à 1557.

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d’une « judiciarisation » des accidents du travail –, elles occupaient pourtant des places tout à fait différentes dans le développement des lois sociales de la deuxième moitié du XIXe siècle. En effet, les caisses de secours patronales ont existé bien avant l’avènement de la révolution industrielle. Dès 1604, un édit royal ordonnait qu’une contribution patronale dût servir à fi- nancer des services médicaux destinés aux mineurs accidentés917. Ces caisses se sont forte- ment développées, dès le début du XIXe siècle, sous l’impulsion des autorités publiques qui favorisaient leur institution par le versement de contributions publiques918. Initialement à la discrétion des patrons, les ouvriers ont, dès les années 1850, cherché à revendiquer un con- trôle de la gestion de ces caisses et à transformer l’acte de bienfaisance du patron en un droit de l’ouvrier pouvant faire l’objet d’une action en justice919. Et déjà, à l’époque, se posait la question du statut de ces caisses : n’entrant ni dans la catégorie juridique des sociétés de se- cours, ni dans celle des assurances, disposaient-elles d’une personnalité juridique propre ou faisaient-elles corps avec l’exploitation ?920

Quant aux assurances contre les accidents du travail, elles ont surtout connu un succès auprès des patrons sous la forme d’une assurance collective des ouvriers combinée à une assurance de leur propre responsabilité. Cette formule novatrice que l’on attribue à Hippolyte MARES- TAING, fondateur de la compagnie d’assurances La Préservatrice, présentait l’avantage de réduire l’occurrence des différends nés des accidents du travail grâce au versement automa- tique d’une prime à l’ouvrier blessé. Dès lors, face aux protestations toujours plus fortes diri- gées contre les caisses de secours, de plus en plus de patrons décidèrent de transférer le trai- tement des accidents du travail aux compagnies d’assurances privées921. Néanmoins, l’essor des compagnies d’assurances n’a pas eu pour conséquence, semble-t-il, de supplanter totale- ment les caisses de secours. La coexistence des deux institutions tenait notamment aux incon- vénients liés à l’intervention de la société d’assurance, externe à l’entreprise : les assureurs se réservaient la direction du procès, interdisaient au patron de s’entendre avec l’ouvrier blessé et cherchaient, aux côtés d’agents d’affaires peu scrupuleux, à tirer d’un procès en responsabi- lité un maximum de bénéfices.

253 . – Pour répondre aux dérives touchant tant les caisses de secours patronales que les com-

pagnies d’assurances privées et couper court à toute discussion judiciaire ou extra-judiciaire

917 Pour le contenu exact de cet édit, v. G. WIDMER, Les caisses de secours et de retraites des ouvriers mineurs,

th. Paris, 1899, p. 2. – Sur les caisses de secours patronales, v. parmi les nombreuses thèses consacrées à ce sujet, l’ouvrage précité de WIDMER (spéc. p. 22 et s.) ainsi que V. BRÉCHIGNAC, Les caisses de secours des ou-

vriers mineurs dans le bassin de la Loire, 1869, spéc. p. 47 et s. et G. SALOMON, Les Caisses de secours et de prévoyance des ouvriers mineurs en Europe, 1878, spéc. p. 46 et s.

918 Jusqu’à la fin du XIXe siècle, voire au-delà, les deux professions les mieux protégées par les caisses patro-

nales étaient les mineurs et les cheminots. Pour la place de ces caisses dans le développement du système de