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Cette section contient une description de l’instabilité centrifuge, dans le contexte d’écou-lements géophysiques, et introduit l’étude que nous présentons dans la section suivante sur les instabilités centrifuge et barotrope de tourbillons anticycloniques intenses.

2.2.1 Instabilité centrifuge dans le fluide stratifié en rotation : état de

l’art

L’instabilité centrifuge résulte de l’équilibre instable entre le gradient radial de pres-sion et la force centrifuge. C’est une instabilité tridimenpres-sionnelle, qui fut théorisée par Lord Rayleigh (1917) : il dériva, dans le cadre d’un fluide inviscide non stratifié confiné entre deux cyclindres coaxiaux en rotation, un critère nécesaire et suffisant pour cette in-stabilité. Ce critère correspond à une configuration de l’écoulement dans laquelle l’échange de deux anneaux de fluide de rayons voisins conduit à un gain d’énergie pour le système. Il est donné par (e.g. Drazin et Reid, 1981) :

Φ(r) < 0 , Φ = 1 r3

d dr L

2 ,

où Φ est le discrimant de Rayleigh et L le moment angulaire. Le développement de l’in-stabilité centrifuge présente des anneaux de recirculation dans la zone où Φ est négatif, qui permettent la redistribution du moment angulaire pour saturer vers un état d’équilibre marginal (e.g. Kloosterziel et al., 2007).

Un critère d’instabilité étendu aux écoulements de fluide en rotation a été dérivé par Kloosterziel et van Heijst (1991) et s’énonce comme suit :

Φ(r) < 0 , Φ = (2V /r + f )(ωz+ f ) = La· ωa

r2 , (2.3)

où La est le moment angulaire absolu et ωa la vorticité absolue (selon l’axe vertical). No-tons quel le déclenchement de l’instabilité, dans le système en rotation, est favorisé dans les tourbillons anticycloniques : le critère d’instabilité est vérifié pour des nombres de Rossby plus petits dans ces derniers que dans les cyclones, à de vorticité potentiel ou de vitesse équivalents (modulo le changement de signe). Ceci ne veut pas dire que les cyclones ne subissent pas l’instabilité centrifuge (à la différence des écoulements plan-parallèles pour lesquels le cisaillement cyclonique ne déclenche jamais l’instabilité inertielle), mais il faut que leur nombre de Rossby soit très élevé, atteignant des valeurs peu plausibles dans les

écoulements océaniques (e.g. Orlandi et Carnevale, 1999). Pour un fluide stratifié, un critère existe et correspond à (2.3) où la vorticité absolue est remplacée par la vorticité poten-tielle (cf. Kloosterziel et al., 2007, et références incluses). La stratification, dans la limite inviscide, ne modifie que très peu le seuil de déclenchement de l’instabilité centrifuge, no-tamment parce que celle-ci subit une ”catastrophe ultraviolette” : le taux de croissance tend asymptotiquement vers une valeur maximale dans la limite de nombres d’onde verticaux infinis. Ces petites échelles verticales sont faiblement affectées (et, au contraire, favorisées) par la barrière d’énergie potentielle que représente la stratification.

A l’instar de l’instabilité symétrique (ou inertielle), qui est l’analogue de l’instabi-lité centrifuge pour les jets plan-parallèles dans le domaine en rotation, les mouvements verticaux associés à la saturation de cette instabilité sont agéostrophiques et engendrent l’émission d’ondes internes (Kloosterziel et al., 2007; Plougonven et Zeitlin, 2009). Les mouvements de recirculation à petite échelle et la génération d’ondes entraînent également la dissipation d’énergie cinétique.

Les critères dérivés ci-dessus sont valables pour un écoulement axisymétrique, et bon nombre d’études sur le sujet imposent cette condition d’invariance par rotation. Un critère généralisé pour les perturbations non-axisymétriques a été dérivé par Billant et Gallaire (2005) en utilisant un développement WKBJ pour de grands nombres d’onde verticaux, et montre que le taux de croissance associé aux perturbations non-axisymétriques est toujours plus petit que celui des perturbations symétriques. La même conclusion pour un fluide stratifié et en rotation a été obtenue par Lazar et al. (2013b). Cependant, des résultats d’analyse de stabilité linéaire (Smyth et McWilliams, 1998) et d’expériences (Billant et al., 2004) montrent que les modes non-axisymétriques de l’instabilité centrifuge (notamment le mode l = 1, où l est le nombre d’onde angulaire) peuvent être prédominants dans certains cas. Ceci est causé par l’action conjuguée de la stratification et de la viscosité. Cette dernière sélectionne les modes de nombre d’onde vertical fini en amortissant les très petites longueurs d’onde. Le taux de croissance de ces modes verticaux est réduit par la stratification, davantage pour le mode angulaire axisymétrique que pour les modes non-axisymétriques (Billant et Gallaire, 2005; Lazar et al., 2013b).

Dans le contexte du jet rectiligne, des études sur l’instabilité inertielle montrent que le mode symétrique n’est pas toujours le plus instable (Stevens et Ciesielski, 1986; Bouchut et al., 2011; Ribstein et al., 2014). Certaines expériences en laboratoire (Kloosterziel et van Heijst, 1991), confirmées par des simulations numériques (Orlandi et Carnevale, 1999) reportent une destabilisation d’anticyclones par instabilité barotrope après saturation de l’instabilité centrifuge, ce qui met en avant la coexistence possible entre ces instabilités, et le caractère trop restrictif de l’hypothèse d’axisymétrie. La complexité du développement de ces instabilités, notamment les petites échelles sollicitées, rendent leur integration numé-rique difficile et coûteuse. Enfin, les effets de la stratification non triviale et du cisaillement vertical sur ces instabilités n’ont jamais été étudiés.

2.2.2 Introduction à l’article

Dans la section suivante, nous présentons les résultats que nous avons obtenus sur les instabilités centrifuge et barotrope d’anticyclones intenses et isolés, en particulier sur les aspects que nous venons d’énoncer, en utilisant un modèle Rotating Shallow Water à deux couches. Malgrès les simplifications contenues dans ce modèle, il capture l’instabilité centrifuge et constitue donc un outil efficace pour étudier les processus fondamentaux en jeu, notamment avec des codes à haute résolution et un coût numérique raisonnable.

Dans un premier temps, une analyse de stabilité linéaire est réalisée et les modes in-stables sont identifiés. L’impact sur ces modes des différents paramètres de l’écoulement (intensité, taille du vortex, rapport des densités et cisaillement vertical) est étudié et les différents régimes d’instabilité sont délimités. Dans un second temps, la saturation non-linéaire de l’instabilité centrifuge (axisymétrique et non-axisymétrique) est étudiée à l’aide de simulations numériques, et les mécanismes impliqués sont discutés en détail. Enfin, les saturations non linéaires de l’instabilité centrifuge et de l’instabilité barotrope sont com-parées, dans un régime où leur taux de croissance linéaires sont comparables. Ces résultats ont été soumis pour publication dans la revue Journal of Fluid Mechanics, et le contenu de l’article est inclus ci-après, en anglais.

2.3 Article : Centrifugal, barotropic and baroclinic

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