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Instabilité modulationnelle et ondes scélérates

1.2 Ondes scélérates

1.2.3 Ondes scélérates dans l’équation de Schrödinger non linéaire à une

1.2.3.2 Instabilité modulationnelle et ondes scélérates

Dans la section 1.2.3.1, nous avons présenté les travaux effectués à partir de conditions initiales cohérentes particulières correspondant aux solutions analytiques de l’équation de Schrödinger non linéaire à une dimension. La génération de ces structures à partir d’une condition initiale aléatoire est une question fondamentale. Pour tenter d’y répondre, une approche différente a été développée. Elle consiste à considérer une onde plane sur laquelle on superpose du bruit. La présence d’une certaine quantité de bruit dans la condition initiale rend cette approche non déterministe. Cette condition initiale particu- lière est souvent appelée onde plane bruitée [Akhmediev et al. 09b] ou encore condensat bruité [Agafontsev et Zakharov 15]. Dans cette section, nous allons présenter le résultat de ces études qui sont réalisées à notre connaissance uniquement de manière théorique et numérique.

Propagation d’une onde plane bruitée Le modèle permettant de décrire la propa- gation de l’onde est l’équation de Schrödinger non linéaire à une dimension sous sa forme adimensionnée (équation 1.62). La condition initiale est une onde plane bruitée s’écrivant :

ψ(ξ = 0, τ ) = 1 + µ f (τ ) (1.67) Dans la formule 1.67, le paramètre µ contrôle l’amplitude du bruit, tandis que f (τ ) est une fonction aléatoire.

La figure 1.22(a) est extraite de l’article d’Akhmediev et al. [Akhmediev et al. 09b] où la distance de propagation est indiquée par la variable x au lieu de ξ. La courbe en pointillée bleu de la figure 1.22(a) représente un exemple de condition initiale de type condensat bruité tel qu’il est illustré dans l’article [Akhmediev et al. 09b]. On constate

f

(a) Condition initiale du type onde plane bruité (en bleu, formule 1.67). En rouge, résultat suite à la propagation. Spectre sur une réa- lisation (en haut) et fluctuations d’amplitude du champ (en bas). Illustrations issues de [Akhmediev et al. 09b].

(b) Evolution spatiale de l’onde plane bruitée sur une distance adimensionnée ξ. ψ2 et ψ3 so-

litons rationnels d’ordre 2 et 3. PS, KM et AB correspondent res- pectivement aux solitons de Per- egrine, Kuznetsov-Ma et Akhme- diev breathers. Illustrations issues de [Toenger et al. 15].

Figure 1.22 – Simulations numériques extraites respectivement des travaux de [Akhmediev et al. 09b] et [Toenger et al. 15] sur les figures (a) et (b).

que l’amplitude de l’onde fluctue aléatoirement autour de la valeur moyenne qui vaut 1. Cette condition initiale est utilisée dans la simulation numérique de l’équation 1.62. La courbe en rouge sur la figure 1.22(a) représente l’amplitude du champ à une distance de

x = 12, 616. Akhmediev et al. observent une structure particulière de grande amplitude qu’ils vont ensuite chercher à caractériser. Le spectre optique sur une réalisation est quant à lui illustré sur la figure 1.22(a). Le code couleur reste le même et caractérise en bleu la condition initiale et en rouge le spectre suite à la propagation. Sur ces deux figures, les auteurs ont supprimé la distribution de Dirac à la fréquence nulle correspondant à l’onde plane bruitée. Avec leur condition initiale, le spectre est étroit et toutes les composantes spectrales sont comprises dans la bande de gain de l’instabilité de modulation. L’ensemble des modes situés dans le spectre en x = 0 va être amplifié par l’instabilité de modulation.

16. En réalité, cette distance n’est pas choisie au hasard. Sachant qu’une onde scélérate est caractérisée par une vague de grande amplitude, les auteurs cherchent le maximum d’intensité à chaque distance de propagation et tracent une courbe représentant l’évolution de ces maxima au cours de la propaga- tion. Cette méthode permet aux auteurs [Akhmediev et al. 09b] de localiser l’évènement de plus grande amplitude.

De ce fait, le spectre optique s’élargit sous l’effet du mélange à quatre ondes (en rouge sur la figure 1.22(a)).

Toengeret al. ont représenté [Toenger et al. 15] l’évolution spatio-temporelle de l’onde plane bruitée (figure 1.22(b)) dans une étude similaire à celle d’Akhmediev. Toenger et al. mettent en évidence l’émergence de structures de grandes amplitudes dont la périodicité spatiale et temporelle rappelle celle des solitons sur fond continu.

Caractérisation des structures cohérentes L’équation de Schrödinger non linéaire ainsi que les solutions du type solitons sur fond continu sont toutes normalisées de manière à ce que la valeur moyenne de l’amplitude de la condition initiale soit égale à l’unité. Dès 1983, Peregrine a déterminé l’amplitude maximale du soliton de Peregrine comme égale à 3 [Peregrine 83]. Or, on peut constater sur la figure 1.22(a) que l’amplitude de l’évènement extrême est de 5. Une première hypothèse est que ces solitons dans leurs formes élémen- taires ne semblent pas pouvoir décrire cet évènement. Mais il est possible d’obtenir des solutions plus complexes d’ordres supérieurs en utilisant des techniques mathématiques comme la transformation de Darboux [Akhmediev et al. 09a]. Ces solutions, appelées so-

lutions rationnelles, sont beaucoup plus localisées et possèdent une amplitude beaucoup

plus importante17 [Akhmediev et Korneev 86, Akhmediev et al. 09a].

Figure 1.23 – La courbe bleu correspond à un évènement extrême proche de celui illus- tré sur la figure 1.22(a). La courbe verte est une solution rationnelle d’ordre supérieure alors que la courbe avec des points rouge correspond à une collision entre deux breathers d’Akhmediev. Illustration issue de [Akhmediev et al. 09b].

La figure 1.23 représente une superposition, respectivement en vert et en rouge, d’une solution rationnelle d’ordre supérieur et la collision de deux breathers d’Akhmediev. Selon les auteurs, les solutions rationnelles tirent leur origine physique de la collision de plusieurs

17. Le formalisme utilisé pour décrire les solutions rationnelles est assez compliqué et le lecteur peut s’orienter vers l’article [Akhmediev et al. 09c] pour obtenir les détails mathématiques. Cependant, Akh- mediev et al. ont étudié ces solutions jusqu’à donner la formule analytique au quatrième ordre de ces solutions [Akhmediev et al. 09c]. Par ailleurs, la soliton de Peregrine correspond à une solution rationnelle de premier ordre.

solitons élémentaires sur fond continu [Akhmediev et al. 09c]. Cependant, il semblerait que les structures intenses de type solution rationnelle possèdent une probabilité d’ap- parition assez faible comparée à celle issue de la collision entre des solitons élémentaires [Akhmediev et al. 09b]. La raison est que les solutions type solitons apparaissent naturel- lement au sein des fluctuations aléatoires de l’onde plane, principalement sous l’effet de l’instabilité de modulation. Enfin, des études récentes [Dudley et al. 14, Toenger et al. 15] ont non seulement montré le même type de comportement (figure 1.22(b)) mais également confirmée l’hypothèse d’Akhmediev. En se basant sur des arguments liés à l’amplitude des fluctuations, Toenger et al. affirme que les solitons de Peregrine ne peuvent expliquer l’apparition d’ondes scélérates. De plus, toujours selon les auteurs de tels évènements proviennent plutôt de collisions entre solitons sur fond continu tel que les solitons de Kuznetsov-Ma ou les breathers d’Akhmediev.

A partir d’une onde plane bruitée, les études présentées ci-dessus montrent qu’il est possible de générer des structures particulières en optique considérées comme prototypes d’ondes scélérates. Ces structures sont identifiées comme des solitons élémentaires sur fond continu ou peuvent correspondre à une collision entre ces solutions. En particulier, ces travaux ont montré que l’instabilité de modulation entrainait une déstabilisation de la condition initiale, ce qui mène à la formation de structures cohérentes.

Jusqu’aux travaux réalisés dans cette thèse, aucune étude en optique a, à notre connais- sance, effectué une expérience à partir d’une onde partiellement cohérente et dont l’équa- tion régissant la propagation est proche de l’équation de Schrödinger non linéaire à une dimension. De plus, nos expériences sont proches de celles réalisées en hydrodynamique dans des cuves à une dimension comme par exemple celle d’Onoratoet al. présentée dans la section 1.2.1.3. Cependant, nos travaux ainsi que ceux effectués par Akhmedievet al. et Dudleyet al. se placent dans un contexte plus général récemment introduit par Zakharov sous la dénomination de turbulence intégrable.