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L’enzyme TYW1 est le troisième objet d’étude présentée dans cette thèse. Elle est impliquée dans la formation de la wybutosine (yW), considérée comme une des bases modifiées les plus complexes, présente dans l’ARNtPhe des eucaryotes et archées en position 37 proche de l’anticodon. (Perche-Letuvée et al. 2012 ; Young et al. 2013). La voie de biosynthèse de yW nécessite cinq étapes. L’enzyme TYW1 est responsable de la deuxième étape en catalysant la transformation de m1G en 4-demethylwyosine appelé ImG-14 (Figure III-3-1).

Figure III-3-1 : Schéma réactionnel de biosynthèse de la wybutosine.

Cette réaction consiste en l’insertion de deux unités carbones suivie d’une cyclisation pour former le produit intermédiaire tricyclique ImG-14. Le précurseur de ces deux atomes de carbone a été identifié par une équipe américaine comme étant le pyruvate au tout début de cette thèse. (Young et al. 2011 ; Perche-Letuvée et al. 2012) (Figure III-3-2).

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Figure III-3-2 : Réaction d’insertion de deux atomes de carbone et cyclisation catalysée par TYW1 (Perche-Letuvée et al. 2012).

Comme la plupart des modifications des ARNt, la wybutosine n’est pas essentielle pour la cellule. Son rôle supposé serait de stabiliser des interactions entre ARNt et ARNm et donc servirait d’élément de contrôle lors de la réaction de traduction (Noma et al. 2006 ; Young et al. 2013).

IV – Problématique de la thèse : double utilisation de la SAM.

Dans la famille des enzymes Radical SAM plusieurs membres sont capables d’utiliser la SAM pour deux réactions chimiques différentes au cours d’un même cycle catalytique. La première est la réaction de réductolyse de la SAM, commune à toutes les enzymes de la famille. La seconde est une réaction de méthylation selon un mécanisme SN2. Comment une même molécule dans un même site actif est utilisée de deux manières différentes ? Quels types de contrôle sont à l’œuvre dans ces réactions ? Ces questions constituent la problématique de cette thèse.

Cette double utilisation de la SAM se retrouve dans deux des trois systèmes étudiés ici, les deux méthythiotransférases (MTTases) RimO et MiaB. (Landgraf et al. 2013 ; Forouhar et al. 2013) (Figure IV-1).

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Figure IV-1 : Réactions catalysées par MiaB (A) et RimO (B) avec utilisation de deux molécules de SAM (Landgraf et al. 2013).

Ce double usage de la SAM se manifeste par la formation de deux sous-produits de réaction, la S-adénosyl-homocystéine (SAH) et le 5’-déoxy-adénosine (5’-dAH) qui sont issus respectivement de la réaction de méthylation et de l’activation radicalaire après réductolyse (Figure IV-2).

Figure IV-2 : Formations de S-Adénosyl-Homocystéine (SAH) et de 5’-deoxy-Adénosine (AdoH) à partir de la S-Adénosyl-Méthionine (SAM).

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Cette problématique a été discutée dans la littérature à travers les quelques autres cas connus d’enzymes RS utilisant deux molécules de SAM pour deux réactions différentes au cours d’un même cycle. Il s’agit toujours de réactions de méthylation et les enzymes responsables sont : Cfr, RlmN et GenK (Grove et al. 2013 ; Kim et al. 2013).

Cfr et RlmN ont été le mieux étudiés sur le plan mécanistique et structural. Ces deux systèmes catalysent la méthylation de l’Adénine 2503 de la sous-unité 23S de l’ARNr chez les bactéries en position C8 et C2 respectivement. (Grove et al. 2013) (Figure IV-3).

Figure IV-3 : Mécanisme proposé pour l’enzyme Cfr (Grove et al. 2013).

Ces deux enzymes ne contiennent que le seul centre RS. Dans le mécanisme proposé une première molécule de SAM est utilisée pour la méthylation d’une cystéine du site actif (C338) en méthyl-cystéine (mCys). Le radical 5’-deoxyadénosyle issu de la réductolyse de la seconde molécule de SAM par le centre RS arrache un atome d’hydrogène sur le méthyl mCys, conduisant à un radical méthylène intermédiaire. Ce radical est proposé s’additionner en position C8 (C2 pour RlmN) conduisant à un adduit ARNm/Cfr présentant un radical délocalisé sur la partie aromatique du substrat. Cet intermédiaire perd ensuite un électron et la méthyl-8 Adénosine (ou méthyl-2 Adénosine dans le cas de RlmN) est libérée avec l’assistance d’une autre cystéine du site actif (C105) complètement conservée. Dans ce processus il y a formation d’un pont disulfure entre les deux cystéines qui, in vitro, est réduit par le DTT permettant le cycle catalytique de l’enzyme (Silakov et al. 2014). Ce mécanisme a été validé par la structure de RlmN montrant la présence d’un groupe méthyle sur la cystéine 338. L’analyse structurale montre aussi que le site actif de l’enzyme ne peut pas contenir deux

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molécules de SAM simultanément. Cette observation a conduit à la proposition que la SAM est coordinée au centre RS lors de ses deux réactions successives (Landgraf et al. 2013).

L’enzyme GenK catalyse la méthylation en C6’ lors de la voie de biosynthèse de la gentamicine, un oligosaccharide antibiotique (Kim et al. 2013) (Figure IV-4).

Figure IV-4 : Réaction catalysée par l’enzyme GenK (Kim et al. 2013).

Le mécanisme de la réaction catalysée par GenK n’est pas encore clairement établi. Cependant, les différentes hypothèses mécanistiques émises ont plusieurs points communs : le centre RS est utilisé, par l’intermédiaire d’une première molécule de SAM, pour activer la position 6’ du substrat, le cofacteur cobalamine sert à activer le méthyle qui est inséré, ce dernier provenant d’une seconde molécule de SAM.

Un dernier exemple encore mal connu est l’enzyme NifB impliquée dans la formation du cofacteur FeMoco de la nitrogénase (Hu et al. 2014) (Figure IV-5).

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Figure IV-5 : Mécanismes proposés pour l’enzyme NifB. Schéma A : Mécanisme avec méthylation d’un

Soufre d’un des centres [4Fe-4S]. Schéma B : Mécanisme avec méthylation d’un Fer d’un des centres [4Fe-4S] (Hu et al. 2014).

L’enzyme NifB catalyse l’insertion d’un groupement méthyle entre deux centres [4Fe- 4S] pour former un précurseur très particulier contenant 8 atomes de Fer, 9 atomes de Soufre et 1 atome de carbone totalement déprotoné. Le méthyle est amené par une première molécule de SAM et un premier hydrogène va être arraché par un radical adénosyle issu d’une seconde molécule de SAM. Le premier des deux mécanismes proposés (A) pourrait également résulter d’une insertion directe d’un groupement thiométhyle qui intégrerait le centre [4Fe-4S], plutôt que de méthyler un Soufre de ce centre. Le mécanisme des déprotonations postulées qui suivent ne sont pas connues, tout comme l’état électronique du carbone dans le cofacteur formé.

V – Présentation des chapitres de la thèse.

L’objectif du travail présenté dans ce rapport est de comprendre en détail le mécanisme catalytique de l’enzyme RimO. La chronologie, les contrôles réactionnels et les mécanismes radicalaires sont étudiés en se basant sur des analyses structurales, biochimiques et spectroscopiques. Une étude de l’enzyme TYW1 est également présenté ici qui tente d’élucider certaines étapes de son cycle catalytique.

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V-1) Chapitre I : Caractérisation biochimique et spectroscopique de

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