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INFLUENCES SUR LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE

Dans le document Cour constitutionnelle de Belgique (Page 23-26)

Votre Cour tient-elle implicitement compte des instruments inter-nationaux ou s’y réfère-t-elle expressément lorsqu’elle applique le droit constitutionnel ?

Ainsi qu’il a déjà été exposé, la Cour constitutionnelle se réfère expressément aux instruments internationaux garantissant des droits et libertés fondamen-taux lorsqu’elle contrôle la compatibilité de normes législatives avec les droits et libertés garantis par la Constitution. La Cour accueille les arguments des parties fondés sur les instruments internationaux, à la condition qu’ils soient combinés avec l’invocation d’une disposition constitutionnelle. La Cour inclut parmi les normes de référence, même d’offi ce, les dispositions internationales qui garantissent de manière analogue les droits constitutionnels dont la viola-tion est invoquée. Enfi n, la Cour se réfère explicitement et abondamment à l’interprétation des droits fondamentaux garantis par les instruments interna-tionaux donnée par les jurisprudences des juridictions inter- et supranationales, à savoir la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne.

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Votre Cour a-t-elle déjà été en butte à des confl its entre les normes applicables à l’échelon national et celles qui sont applicables à l’échelon international ? Dans l’affi rmative, comment ces confl its ont-ils été réglés ? Lorsque la Constitution et les normes de droit international organisent une protection de portée différente pour un même droit fondamental, la Cour opte généralement pour la protection la plus étendue. Ainsi, lorsqu’elle a à connaître d’une limitation de la propriété, limitation qui ne se confond pas avec une expropriation et ne constitue donc pas un cas dans lequel la protec-tion offerte par l’article 16 de la Constituprotec-tion pourrait jouer, la Cour attire dans les normes de référence qu’elle utilise l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme qui offre une protection plus large. La Cour considère à ce sujet : « L’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans la disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour tient compte de cet article de droit international lors de son contrôle des dispositions attaquées » 49. De même, en matière de protection de la vie privée, matière dans laquelle les dispositions constitutionnelle et conventionnelle sont très proches, la Cour retient les garanties formelles imposées par la Constitution (l’ingérence doit être prévue par une loi au sens formel du terme) qui ne sont pas imposées de même par la Convention européenne des droits de l’homme, considérant en outre que l’exigence constitutionnelle s’impose au législateur belge, en vertu de l’article 53 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel les dispositions de la Convention ne peuvent être interprétées comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme reconnus expressément par le droit interne 50.

Toutefois, la solution qui consiste à retenir la meilleure protection possible risque dans certains cas, en raison du caractère peu moderne de certaines dispositions constitutionnelles adoptées en 1831, d’aboutir à des situations trop rigides et manifestement déraisonnables. Ainsi, dans le cas de la protec-tion du secret des lettres (voir ci-dessus, sous 2.4), cas dans lequel la protecprotec-tion offerte par l’article 29 de la Constitution est absolue, ne permettant aucune ingérence, même justifi ée, par le législateur, la Cour a-t-elle considéré :

« Si le secret des lettres, garanti par l’article 29 de la Constitution, a pu être conçu comme absolu, lors de l’adoption de la Constitution, il ne peut être fait abstraction aujourd’hui, pour en déterminer la portée, d’autres dispositions

49. Voy. notamment l’arrêt n° 106/2014.

50. Arrêts n° 202/2004, 131/2005 et 151/2006.

275 constitutionnelles ainsi que de conventions internationales » 51 et elle a, en

conséquence, permis une ingérence à condition qu’elle soit nécessaire pour assurer le respect d’autres droits fondamentaux et proportionnées à ce but légitime.

Quelle est la valeur juridique reconnue par votre cour à une décision d’une juridiction internationale ?

La jurisprudence des juridictions internationales infl uence-t-elle votre Cour ? Une force interprétative est-elle juridiquement reconnue ? Cette infl uence est-elle à la hausse ? Comment cela se manifeste-t-il ?

La Cour attache une grande importance à la jurisprudence de la Cour euro-péenne des droits de l’homme et à celle de la Cour de justice de l’Union européenne. Les citations d’extraits d’arrêts de ces deux juridictions sont innombrables dans les arrêts de la Cour constitutionnelle. Elles sont beau-coup plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans, quand la Cour a commencé à contrôler le respect des droits fondamentaux. Ceci est probable-ment dû au fait que les plaideurs ont, de plus en plus, le réfl exe d’invoquer non seulement les dispositions des traités, mais également la jurisprudence des juridictions internationales et qu’il en va de même pour les juges à la Cour et pour les référendaires. Par ailleurs, en ce qui concerne la Cour de justice de l’Union européenne, l’importance grandissante des normes de droit européen primaire et dérivé dans l’ordre normatif interne belge conduit manifestement l’ensemble des juridictions, y compris la Cour constitutionnelle, à pratiquer le droit européen de plus en plus souvent. Toutefois, le fait que la jurisprudence des juridictions inter- et supranationales était moins souvent expressément citée par la Cour constitutionnelle auparavant ne signifi e nullement que le juge constitutionnel n’y était pas déjà attentif. Ainsi, la doctrine n’a-t-elle pas manqué de relever que la portée que la Cour a donné, dès ses premiers arrêts en la matière, au principe d’égalité et de non-discrimination était directement inspirée de la formule usitée par la Cour européenne des droits de l’homme 52. La Cour est, de manière générale, fi dèle aux jurisprudences des Cours inter- et supranationales 53, au point que certains auteurs ont pu qualifi er son attitude, à l’égard de la jurisprudence strasbourgeoise, de « docile » 54. On peut consi-dérer à cet égard qu’elle reconnaît, à l’instar des autres juridictions belges, aux

51. Arrêt n° 202/2004.

52. X. Delgrange, « Quand la Cour d’arbitrage s’inspire de la Cour de Strasbourg », note sous C.A., n° 23/89, Rev. rég. Dr., 1989, p. 619.

53. P. Martens, « L’infl uence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la Cour consti-tutionnelle », C.D.P.K., 2010, p. 350.

54. M. Verdussen, Justice constitutionnelle, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 381.

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décisions de ces juridictions une « autorité de chose interprétée » 55. Un exemple typique de cette attitude de la Cour peut être trouvé dans l’arrêt concernant l’assistance d’un avocat lors des interrogatoires par la police, fortement infl uencé par la jurisprudence « Salduz » de la Cour européenne des droits de l’homme, dans lequel la Cour considère que la possibilité que soient utilisées, au cours du procès pénal, des déclarations ayant été faites hors la présence d’un avocat est contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, « tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme » 56.

L’interprétation de la Constitution peut-elle se faire au regard d’une dis-position internationale ? Veuillez donner des cas typiques.

La mise en œuvre des techniques combinatoires conduit la Cour à donner aux dispositions constitutionnelles garantissant les droits et libertés une portée similaire, ou confondue, avec celles des dispositions de droit international qu’elle combine. La technique d’interprétation des dispositions constitution-nelles en conformité avec le droit international pertinent est quasi-permanente dans la jurisprudence de la Cour.

Un exemple évident de ce phénomène concerne le droit à la protection de la vie privée et familiale. La Cour juge en effet de manière constante : « Il ressort des travaux préparatoires de l’article 22 de la Constitution que le Constituant a recherché la plus grande concordance possible avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme » 57. Cette position la conduit à interpréter l’article 22 de la Constitution non seulement conformément à l’article 8 de la Convention, mais également conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant cette dernière disposition.

III. Avez-vous des observations particulières ou des points

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