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V. Discussion générale

2. Influences des limitations en sels nutritifs sur l’export de carbone :

a) Impact des limitations en sels nutritifs sur le broutage, la production de pelotes

fécales et l’export de matière

J’ai montré que les limitations potentielles du phytoplancton en sels nutritifs pouvaient entraîner des réponses variables d’export de matière sous forme de pelotes fécales (de 26 à 147

diminuer l’activité alimentaire de Calanus helgolandicus et impacter la production de pelotes fécales. Cependant, cela n’a pas forcément impacté l’intensité des flux de carbone ou d’azote associés à leur sédimentation (Chapitre II ; figure 5.2.B et C). Au contraire, la consommation de diatomées limitées en silicium et en azote a potentiellement augmenté l'efficacité de l’export via l’augmentation du volume de pelotes fécales produites (Chapitre II). De plus, dans le cas de limitation en azote, l’effet ballast correspondant à une accumulation de silice dans les pelotes a été amplifié (Chapitre II ; Figure 5.2.D). Le flux des éléments majeurs (carbone, azote et silice biogénique) peut être estimé à partir des taux d’émissions de pelotes fécales, de leurs vitesses de sédimentation, elles-mêmes estimées à partir de leurs tailles et de leurs contenus en carbone, azote et silice biogénique. Les taux d’émission de pelotes fécales de C. helgolandicus (FP.ind-1.j-1) ont été estimés en utilisant le nombre total de pelotes fécales retrouvées en fin d’incubation, normalisé par le nombre de copépodes et la durée d'incubation. Les vitesses de sédimentation des pelotes fécales (UFP, m.j-1) suivent la loi de Stokes et peuvent être calculées, selon l'équation 8 (adaptée par Komar et al., 1981).

𝑈𝐹𝑃 = 0.0791

µ× [(𝜌𝑠𝑤− 𝜌𝐹𝑃)𝑔𝐿2] × (𝐿

𝑊)−1.664 (8)

Où µ est la viscosité dynamique de l'eau de mer (0,0123 g.cm-1.s-1), ρsw et ρPF sont respectivement la densité de l'eau de mer (1,071 g cm-3 à 18°C) et celle des pelotes fécales de C. helgolandicus (1,26 g.cm-3 ; Cole et al., 2016). L (µm) et W (µm) la longueur et la largeur des pelotes fécales, respectivement. g est l'accélération due à la gravité (981 cm-2). La densité des pelotes fécales est fixe, elle ne tient malheureusement pas compte de l’effet ballaste de la bSi.

Figure 5.2 : A : Taux d’émission de C. helgolandicus (PF.ind-1.j-1) B : Flux d’export de carbone par les pelotes fécales (mol C.m-2.j-1). C : Flux d’export d’azote par les pelotes fécales (mol N.m-2.j-1). D : Flux d’export de silice biogénique par les pelotes fécales (mol bSi.m-2.j-1). Les couleurs correspondent aux limitations (Jaune pour condition non limitée; Orange pour la limitation en silicium et bleue pour la limitation en azote). Les barres d’erreurs correspondent aux erreurs standards entre les réplicas (N = 3 rolling tank).

Au vu de nos résultats, le broutage par les copépodes sur des diatomées limitées en azote qui est la limitation la plus fréquente dans l’océan global (Moore et al., 2013), conduirait à découpler fortement les cycles du silicium et du carbone, en exportant plus de silicium par rapport au carbone. L’effet ballast (Feinberg et Dam, 1998; Ploug et al., 2008) pourrait accentuer cette tendance en augmentant la densité des pelotes fécales et donc directement leur vitesse de sédimentation.

b) Des limitations impliquées dans le processus d’agrégation

J’ai démontré dans le Chapitre II que les limitations en sels nutritifs modifient la physiologie et la composition biochimique des diatomées, ces observations sont soutenues par de nombreuses références (Claquin et al., 2002; Hildebrand, 2002; Suroy et al., 2015). Comme décrit dans l’introduction de ce manuscrit (Chapitre I), les limitations ont souvent été liées à la formation de précurseurs de molécules collantes comme les TEP, pouvant mener à la formation d’agrégats (Mopper et al., 1995; Passow, 2000, 2002a, 2002b). Les résultats de l’étude in situ en baie de

Baffin réalisée dans le Chapitre IV suggèrent en particulier, que la limitation en silicates des diatomées favorise l’agrégation. La production de matière organique (EPS dissous, particulaires) par les diatomées les rendant plus collantes, en lien avec une limitation en silicates déjà suggérée dans une étude expérimentale (Kiørboe & Hansen, 1993). Lorsque les diatomées sont limitées, leur rapport C:N est plus élevé et le stress induit par le broutage des copépodes contribue à augmenter la production de TEP (Chapitre II).

Les limitations semblent donc globalement augmenter l’efficacité d’export, principalement par l’augmentation de l’excrétion de TEP, ce qui favorise la formation d’agrégats. De plus, certaines études suggèrent que les agrégats transportent des cellules en meilleur état physiologique, c’est-à-dire moins susceptibles d’être reminéralisées rapidement (Garvey et al. 2007; Agusti et al. 2015). Les réponses physiologiques des diatomées en réponse aux limitations, ont diminué les taux de filtration de certains copépodes, suggérant une diminution de la qualité nutritive ou de la « palatabilité » des diatomées suite aux limitations (augmentation de la taille des spicules siliceux, ou bien modification de la composition biochimique). Dans ce cas, les Chapitres III et IV suggèrent que les copépodes modifient leur régime alimentaire en se nourrissant d’agrégats et en suivant la distribution verticale de leurs proies en profondeur (Figure 5.3; chapitre IV). Ces observations soutiennent l'hypothèse que l’état des cellules au sein des agrégats, serait d’une meilleure qualité nutritive pour les copépodes, mais cela reste cependant à vérifier (par l’analyse de la composition lipidique par notamment). Ainsi, la distribution des agrégats semble conditionner la répartition sur la verticale de ces prédateurs principaux, favorisant ainsi la PBC par le transport actif. Est-il possible que les agrégats constituent un moyen de “survivre” pour les cellules en cas de limitations ? Il semble que le micro-environnement formé par l’agrégat phytoplanctonique permette en effet aux diatomées de rester viables plus longtemps (Garvey et al. 2007) et expliquant ainsi l’observation de diatomées viables à des profondeurs de plus de 2000 m (Agusti et al. 2015). L’explication pourrait provenir de la matrice des agrégats majoritairement formées de TEP qui joueraient un rôle protecteur et « nutritif », car les concentrations en sels nutritifs y sont plus élevées (Brzezinski et al. 1997, Moriceau et al. 2007, 2014; Lim et al., 2019). L'excrétion d’EPS et TEP par les diatomées pourraient être un avantage en cas de stress nutritifs et serait alors une réponse aux limitations comme cela a été suggéré dans une de mes études (Toullec & Moriceau, 2018).

c) Conclusion sur l’influence des limitations sur le flux de particules

Les différents éléments apportés au cours de la thèse sont résumés dans la Figure 5.3. Je suggère que les limitations en sels nutritifs conjointement à l’activité alimentaire des copépodes

peuvent conduire à une augmentation globale du flux de carbone par les agrégats et par les pelotes fécales (émission plus profonde dans la colonne d’eau et effet ballast). Cependant, au regard des rapports de concentration observés in situ en copépodes et agrégats, il est difficile d’envisager une modulation directe du flux d’agrégats par la fragmentation ou la réagrégation, sous l’action des copépodes. Ainsi, la part des pelotes fécales au flux de particules jouerait un rôle dominant dans le flux de particules en cas de limitations nutritives.

Figure 5.3 : Représentation schématique des relations de la dynamique entre les agrégats, les copépodes, les pelotes

fécales émises par les copépodes et les limitations (Déclin de l’efflorescence). Dans ce schéma la pompe biologique de carbone est influencée par la sédimentation des agrégats de diatomées, les pelotes fécales émises suite au broutage des diatomées et des agrégats.

VI. Références de l’introduction, du

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