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Influence du transfert hydrique sur une couche de mortier

Présentation du manuscrit

2. Etat des connaissances

2.3. Caractérisations mécaniques des mortiers

2.3.1.3. Déformations du mortier au jeune âge

2.3.1.3.4. Influence du transfert hydrique sur une couche de mortier

Les mouvements d’eau dans le mortier [Gallias 82] [Détriché 83] [Dupin 85] [Dupain 95] Dès sa mise en place sur un support poreux, le mortier subit une diminution de sa quantité d‘eau de gâchage. Cette dessiccation est évaluée à chaque instant par le rapport de la perte en eau subie par le matériau à sa quantité initiale d’eau de gâchage. Cette perte en eau ∆E se compose le plus généralement d’une partie ∆Ee due à l’évaporation et d’une partie ∆Es due à la succion du support, en proportions variables. La quantité d’eau présente à chaque instant dans un volume élémentaire V de mortier entourant un point quelconque M du mortier peut donc s’écrire comme dans l’Équation 2.1.

] [ ( , ) ( , ) ) , (xt Eext Es xt V E E = − ∆ +∆ Équation 2.1

où E est la quantité d’eau de gâchage supposée uniforme dans le matériau, les pertes en eau par évaporation et par succion étant fonction du temps mais aussi de la position du point considéré, repéré par exemple par sa distance x à la face libre. La dessiccation s’effectue en plusieurs phases. On constate généralement dans les premiers instants qui suivent la mise en place, l’apparition en surface de la couche de mortier d’un film d’eau de ressuée qui, pour un mortier en contact avec un support non poreux, s’évapore peu à peu ; on observe alors une phase dite d’inhibition caractérisée par une perte de poids sans variation de dimensions appréciables de l’échantillon, l’évaporation s’effectuant en effet à partir de la nappe d’eau libre superficielle. La durée d’inhibition dépend essentiellement du rapport pondéral (E/C), des conditions de cure, de la géométrie de l’élément ainsi que de l’évolution de la taille des capillaires du matériau, c’est à dire de la cinétique de prise. Au contact d’un support poreux, le ressuage est fortement limité par succion et se trouve alors lié aux capacités d’absorption du support. C’est progressivement au détriment de l’eau interstitielle (contenue dans les capillaires ou adsorbée) que s’effectue la dessiccation. Il y a progression d’un front d’évaporation et de succion. L’eau des capillaires est en dépression et par réaction, l’ossature

solide soumise à une véritable pression hydrostatique se contracte. Simultanément, la consistance du mélange augmente. Cette variation est d’autant plus rapide que la perte en eau accroît la concentration en ions dissous et favorise la cristallisation des hydrates. Le serrage mécanique de la structure du matériau et le développement de l’hydratation conduisent à une réduction du diamètre moyen des capillaires du mortier favorable à une amélioration de la capacité de rétention de l’eau interstitielle. Cette réduction, associée à l’imprégnation progressive des capillaires du support poreux fait que la vitesse de dessiccation diminue rapidement dans le temps. Le comportement mécanique du mortier au jeune âge est donc lié de façon intime au mode de dessiccation dont il est l’objet. Il en sera de même en phase de durcissement tant en ce qui concerne l’évolution des caractéristiques mécaniques que celle du retrait. On sait en effet qu’au sein d’une couche mince, la vitesse d’hydratation du liant dépend à chaque instant de l’eau disponible (différence entre l’eau totale présente dans le matériau et celle déjà engagée dans les hydrates). L’hydratation du liant et avec elle tout le comportement mécanique du mortier se trouvent alors liés à la dessiccation subie depuis la mise en œuvre.

Loi de remplissage des capillaires d’un matériau poreux sec [Dupin 85]

De par sa nature, un support poreux absorbe par capillarité une fraction importante de la phase liquide du mortier mis en recouvrement avant que la prise n’intervienne, contrairement à un matériau non poreux qui ne prélève par absorption qu’une très faible quantité d’eau du mortier. La succion du support poreux influe ensuite directement sur l’hydratation des constituants anhydres du ciment. On va donc, dans un premier temps, préciser les lois de remplissage des capillaires. Lors de la mise en place du mortier, celui-ci présente un squelette formé par les grains solides du liant et des granulats. Les espaces intergranulaires sont remplis d’eau. On a une première phase au cours de laquelle l’absorption d’une partie d’eau de gâchage ne s’accompagne pas de déformation. Le support s’imprègne d’abord avec la couche d’eau de ressuée. On propose généralement une modélisation simple par une structure de tubes capillaires cylindriques indépendants et saturés d’eau. Le rayon des « tubes équivalents » du mortier diminue par progression de l’hydratation au cours du temps. On utilise aussi pour le support un modèle constitué par des tubes cylindriques indépendants, perpendiculaires aux surfaces libres et de rayon constant. Bien qu’éloigné de la structure et de la texture réelles, ce modèle permet malgré tout d’expliquer les mouvements d’eau lorsque le mortier est placé au contact du support poreux dont les capillaires sont initialement vides. Enfin, on considère des éprouvettes placées dans des moules hermétiquement fermés afin d’éliminer le phénomène d’évaporation. L’évolution des mouvements d’eau est la suivante :

Côté support poreux :

Tant que les capillaires du mortier sont plus gros que ceux du support poreux en contact, ces derniers exercent des forces capillaires sur l’eau du mortier et s’imprègnent. On note que l’eau du mortier contient des ions en solution et des particules colloïdales en suspension. Ce sont les plus gros capillaires qui absorbent le plus d’eau et qui se remplissent le plus vite bien que la force capillaire soit plus faible.

Côté mortier :

La dépression de capillarité produit une contraction de l’ossature du mortier, contraction indépendante du tassement provoqué par la ressuée. Ce phénomène se traduit par un rapprochement de tous les grains solides. On a donc diminution des rayons des capillaires du mortier. L’eau de ressuée peut être considérée comme une nappe d’eau libre qui s’élimine par évaporation. Lorsque les capillaires commencent à se vider, il se forme des ménisques au

voisinage de la surface libre du mortier. Les forces capillaires exercées sont de sens opposé à celles exercées dans les capillaires du support poreux. Le mouvement d’eau dépend donc de la résultante des forces. Tant que le rayon moyen des capillaires du mortier est supérieur à celui des capillaires du support poreux, le mouvement d’eau s’effectue du mortier vers le support poreux. Sous l’action du serrage provoqué par la dépression de capillarité et de l’hydratation du liant, le rayon moyen des capillaires du mortier diminue jusqu’à devenir égal à celui des capillaires du support. A la limite, lorsque le rayon moyen des capillaires du mortier devient inférieur à celui des capillaires du support poreux, le sens de mouvement de l’eau s’inverse. En conséquence, afin que le liant puisse s’hydrater correctement malgré la succion du matériau poreux, il faut que la rétention d’eau du mortier soit suffisante, c’est à dire que :

- la surface spécifique du liant soit la plus grande possible et compte tenu de la finesse de mouture du ciment, l’addition de chaux hydraulique est de ce point de vue bénéfique,

- la phase granulat contienne des grains de grosses dimensions (1 mm de diamètre et plus) afin d’interrompre ou d’allonger les cheminements capillaires entre le mortier et le matériau poreux,

- enfin, que le mortier utilisé possède un rapport E/C élevé car, l’excès d’eau de gâchage, rapidement absorbé par le matériau poreux, neutralise l’activité de nombreux capillaires de ce dernier. De même, un rapport C/S (quantité de ciment /quantité de sable) faible peut être bénéfique puisque dans ce cas, la quantité d’eau de gâchage est importante par rapport à la quantité d’eau nécessaire à l’hydratation.

Le support peut également être préalablement imprégné en eau pour éviter un départ d’eau trop rapide du mortier. Lorsque les rayons des pores du support sont de dimensions suffisamment grandes par rapport aux constituants cristallins qui vont se former à l’interface, on peut penser que la liaison entre un enduit et son support poreux sera surtout de type mécanique, la cristallisation étant possible à l’intérieur des capillaires du support. Au-delà d’un temps variable, selon la structure poreuse du support et la nature du mortier, l’absorption par le matériau poreux est fortement ralentie par la cristallisation des premiers produits hydratés.

Absorption et évaporation [Dupin 85] [Venuat 89]

La succion est un phénomène de courte durée. Les gros capillaires s’imprègnent en premier, ce qui provoque au fur et mesure une diminution du diamètre des capillaires. La diminution de la quantité d’eau de gâchage par succion du support détermine d’abord un serrage mécanique des particules de solides. Il y a accroissement de la concentration en ions dissous, ce qui accélère la cristallisation des hydrates alors que la cinétique des réactions d’hydratation est amplifiée par les mouvements d’eau. On peut alors observer, par diffractométrie des rayons X, une formation de cristaux d’ettringite beaucoup plus rapide dans la masse du mortier subissant l’absorption capillaire du support.

Grandet [Grandet 75] montre que l’absorption capillaire concerne seulement les pores du support de taille inférieure à celle du mortier. L’humidification préalable des briques en terre cuite a une grande influence sur l’extraction de l’eau d’un mortier (Figure 2.39) [Grandet 71b].

Lorsque le support est une brique, la succion de l’eau par cette dernière se fait en moins de 10 minutes et est plus rapide pour les briques en terre cuite (3 minutes seulement) [Brocken 98]. L’ajout d’un rétenteur d’eau au mortier ne semble pas ralentir l’extraction de l’eau. Cependant, la teneur en eau finale du mortier semble identique au mortier non adjuvanté [Brocken 98].

Figure 2.39 : perte d’eau d’une pâte de ciment en fonction du degré de saturation en eau de supports possédant des tailles principales de pores différentes [Grandet 71a]