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CORROSION DES MATERIAUX COMPOSITES: MECANISMES, EVALUATION ET PROTECTION

I.3. PROTECTION DES MATERIAUX COMPOSITES C/Al DE LA CORROSION 45

I.1.3. LA MATRICE D'ALUMINIUM : METALLURGIE ET CORROSION

I.1.3.3. Influence des traitements thermiques

Peu d’études portent sur l’influence des traitements thermiques sur la tenue à la corrosion des matériaux composites à base d’alliages d’aluminium. La microstructure de la matrice apparaît pourtant comme un facteur prédominant des processus de corrosion, notamment de la piqûration.

L’addition de magnésium et de silicium à l’aluminium (série 6000), par exemple, induit la précipitation de Mg2Si dans l’alliage. Des traitements thermiques peuvent modifier la répartition des éléments dans le métal et donc son comportement à la corrosion (tableau I.7) [Dutta,1991] :

9la mise en solution du magnésium, suivie d’une trempe de l’alliage 6063, diminue le potentiel de corrosion de l’alliage (figure I.7), ce qui entraîne une augmentation de la cinétique de corrosion.

9le survieillissement précipite des particules intermétalliques Mg2Si, ce qui diminue la corrosion généralisée au profit d’une corrosion localisée.

Alliage 6063 Alliage 6063/fibres de carbone

Traitement thermique ECORR mVECS iCORR µA.cm-2 iGALV µA.cm-2 EGALV mVECS Sans -798 0,37 - - Mise en solution/trempe -751 15,1 250 -730 Surevenu -766 41,1 350 -760

Tableau I.7 : Potentiels et courants de corrosion de l’alliage 6063 (Al-Mg-Si). Potentiels et courant de corrosion galvanique d’un couple 6063/P130. Mesures électrochimiques effectuées en solution aqueuse à 0,5M NaCl, aérée.

Les cinétiques de corrosion de la matrice 6063 et de corrosion galvanique avec le carbone augmentent avec l’importance des traitements thermiques appliquées à l’alliage.

Cet exemple illustre l’intérêt de l’étude de la microstructure de la matrice, et des traitements thermiques qui la modifient, pour comprendre et améliorer le comportement à la corrosion des matériaux composites à renforts de carbone.

I.1.4. RENFORCEMENT DE L’ALUMINIUM ET CORROSION

L’incorporation de renforts de carbone dans l’aluminium modifie son comportement à la corrosion : ils créent de nouvelles interfaces dans le matériau, susceptibles de subir une corrosion galvanique, et ils perturbent la microstructure de la matrice, notamment la répartition des éléments d’alliages, qui sont majoritairement responsables des diverses formes de corrosion observées sur ce métal.

Différents facteurs liés aux renforts peuvent intervenir dans la cinétique du processus de corrosion : la fraction volumique incorporée, leur morphologie et leur texture, leur arrangement dans le matériau et l’interface carbone/aluminium créée.

I.1.4.1. Fraction volumique de fibres

Augmenter la fraction volumique de fibres de carbone dans un alliage d’aluminium équivaut à augmenter la cinétique de corrosion du matériau composite. Des mesures de pertes de masse sur un matériau composite à matrice d’alliage 6061 (Al-Mg-Si), immergé dans une solution chlorurée, confirment ce constat [Bhagat,1989]. L’augmentation de la fraction volumique de renfort de carbone dans l’alliage se traduit par une augmentation du volume d’aluminium dissous (figure I.8).

Figure I.8 : Evolution de la perte de masse de matériaux composites C/6061 et C/Ni/6061, immergés en solution chlorurée, en fonction du temps et de la fraction volumique de renfort.

La corrosion galvanique est un phénomène surfacique, puisqu’elle impose un contact avec l’électrolyte des deux matériaux impliqués dans le processus électrochimique.

Les études théoriques proposent donc généralement une modélisation de la cinétique de corrosion galvanique en fonction de la densité surfacique de fibres. En supposant ensuite que les fibres sont réparties de manière homogène dans le matériau, la densité de courant de corrosion galvanique, c’est-à-dire la cinétique de corrosion galvanique, est généralisée au volume total de carbone introduit dans l’aluminium.

Ces études s’appuient ainsi sur le rapport initial de surfaces cathodique/anodique , A C S S , pour déterminer la densité de courant de corrosion galvanique, mais ne prennent généralement pas en compte l’évolution de ce rapport lors de la dissolution de l’aluminium au contact des fibres (figure I.9). Or, la formation de la cavité à l’interface fibre/matrice déchausse la fibre, ce qui augmente la surface cathodique et vraisemblablement la surface anodique (figure I.10).

Figure I.9 : Schémas illustrant l’évolution des surfaces anodique et cathodique : a) dans un système réel et b) dans les modèles cinétiques proposés.

Figure I.10 : Image M.E.B. illustrant la corrosion d’un matériau composite C/2124,

en solution chlorurée durant trois semaines [Coleman,1994].

Cependant, même si ces modèles sont développés avec des simplifications importantes, ils apportent des informations qualitatives intéressantes sur l’influence de la quantité de renforts introduits dans les alliages d’aluminium.

Hihara, par exemple, a relié la densité de courant de corrosion galvanique à la fraction volumique de renforts [Hihara, 1992]. Son modèle est basé sur la loi d’évolution de cette densité de courant en fonction du rapport des surfaces cathodique/anodique au potentiel de corrosion (I.1), largement étudiée par Mansfeld et al. [1971, 1976].

Coleman, S. L., Scott, V. D. et al. (1994). Journal of Materials Science, 29, 2826-2834. Hihara, L. H., Latanision, R. M. (1992). Corrosion, 48, 7, 546-552.

Mansfeld, F. (1971). Corrosion, 27, 10, 436-442.

Mansfeld, F., Kenkel, V. (1976). Galvanic and Pitting Corrosion - Field and Laboratory Studies. Baboian, France, Rowe and Rynewicz,

ASTM, 20-47.

a) b)

surface cathodique surface anodique

C A C A i S S i (I.1)

où iA et iC sont les densités de courant de corrosion anodique et cathodique et SA et SC sont les surfaces anodique et cathodique.

Cette relation est réécrite en terme de fraction volumique de renforts afin de pouvoir étudier l’évolution de la densité de courant galvanique en fonction du taux de renforts introduits. La loi (I.2) ainsi obtenue est tracée pour un assemblage d’alliage d’aluminium 6061 traité thermiquement et de fibres de carbone P100 (figure I.11) :

F F F CORR GALV V 1 V i i  (I.2)

où iGALV est la densité de courant de corrosion galvanique, F CORR

i , la densité de courant de corrosion libre du renfort et VF, la fraction volumique de renfort dans le matériau.

Figure I.11: Evolution du logarithme de iGALV en fonction de VF pour un matériau

P100/6061, avec P100

CORR

i = 320 µA.cm-2 [Hihara,1989].

Les droites en pointillés correspondent aux densités de courant galvanique de l’aluminium pur et de l’alliage 6061 non renforcés.

L’incorporation de fibres de carbone dans un alliage 6061 se traduit par une augmentation de la densité de courant de corrosion galvanique d’un ordre de grandeur. Le taux de renforts dans les matériaux composites industriels est en réalité compris entre 20 et 50 %. Ce modèle permet ainsi de prévoir que la cinétique de corrosion galvanique augmente d’un facteur 4 entre ces deux valeurs de fraction volumique de fibres.

En revanche, ce modèle ne permet pas de conclure quant à la densité de fibre idéale en terme de tenue à la corrosion car elle ne présente pas de plateau de courant constant.

Hihara, L. H. (1989). Thèse, Cambridge, CA, MIT.

-7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 VF log i GALV 6061-T6 Al pur P100/6061