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2.5 Étude des corrélations entre processus durs et multiplicité

2.5.4 Influence de la sonde

Depuis le début de cette section dédiée à l’étude des corrélations entre processus durs et événement sous-jacent (à travers la multiplicité), nous avons évoqué l’influence de la confi- guration expérimentale (système collisionnel, énergie de collision, dépendance en rapidité) sur les observables considérées. Il reste à discuter l’influence de la nature (masse, énergie de liaison) de la sonde dure étudiée.

Pour cela, des résultats récents de la collaboration CMS [1] sur les résonances Υ(nS) ont mis en évidence des comportements particuliers en comparant les états excité (2S et 3S) à l’état fondamental 1S. Les mesures relatives Υ(2S)/Υ(1S) et Υ(3S)/Υ(1S) (à rapidité centrale, avec pTµ

+

µ> 7 GeV) en fonction du nombre de traces de particules chargées en

collisions proton-proton à √s = 7 TeV sont présentées sur la Figure 2.15. La production relative des deux états excités par rapport à l’état fondamental décroît avec la multiplicité. Cette décroissance est plus marquée à basse multiplicité et plus prononcée pour la réso- nanceΥ(3S). Ces mesures suggèrent que les états excités sont plus affectés par l’événement sous-jacent que l’état fondamental. Cependant, les auteurs de cette étude ont poursuivi les investigations en réalisant des mesures différentielles de ces rapports de production. La pre- mière variation concerne le nombre de traces reconstruites dans un cône étroit d’ouverture : ∆R = p(∆η)2+ (∆ϕ)2 < 0, 5 où∆η est la différence de pseudorapidité entre l’impulsion de l’Υ et la trace reconstruite et ∆ϕ est la différence angulaire azimutale entre les deux. Le nombre de traces reconstruites dans le cône d’ouverture ∆R autour de l’impulsion de l’Υ

2.5. Étude des corrélations entre processus durs et multiplicité 41

est notée Ntrack∆R . Les mesures réalisées dans quatre intervalles en Ntrack∆R sont compatibles les unes avec les autres, comme le montre le graphe de gauche de la Figure 2.16.

FIGURE 2.15 – Taux de production relatif d’Υ(2S) et Υ(3S) par rapport à l’Υ(1S) en fonction de la multiplicité de particules chargées (nombre de traces) mesurée à rapidité centrale en collisions pp à

s =7 TeV par CMS [1].

La seconde mesure différentielle, présentée sur la Figure 2.16 à droite, concerne la sphé- ricité6de l’événement notée ST. Cette observable reflète l’isotropie (anisotropie) de l’événe- ment. Plus précisément, une sphéricité proche de 1 (grande) correspond à un événement isotrope7. Tandis qu’une sphéricité proche de 0 caractérise un événement très anisotro- pique, de type jet8 par exemple. Les mesures différentielles en sphéricité rapportées par CMS montrent que la suppression relative d’états excités par rapport à l’état fondamen- tal disparaît pour les événements très anisotropiques (ST < 0, 55). Les auteurs interprètent cette observation comme une forte indication que la suppression relative à haute multipli- cité n’est pas due à des événements de type jet accompagnant la production de quarkonia. Ils attribuent donc ce comportement à un effet de l’événement sous-jacent.

Finalement, les auteurs de cette étude ont observé qu’en moyenne, les événements conte- nant l’état fondamental 1S contenaient une trace de plus que ceux contenant l’état excité 2S et deux de plus en comparaison au 3S. Or, pour les événements de faible sphéricité (ST <0, 55) pour lesquels la dépendance en multiplicité n’est pas observée, le nombre moyen de traces est identique pour les 3 résonances. Cela suggère que le nombre différent de particules asso- ciées aux 3 étatsΥ(nS) n’est pas directement lié à la différence de masse entre ces résonances.

6. Une définition analytique de la sphéricité est donnée dans la publication discutée dans cette section. 7. Un événement est dit isotrope lorsque les particules de l’état final ne sont pas émises selon une ou plu- sieurs direction(s) privilégiée(s).

42 Chapitre 2. Quarkonia, petits systèmes et multiplicité

FIGURE 2.16 – Taux de production relatif d’Υ(2S) et Υ(3S) par rapport à l’Υ(1S) en fonction de la multiplicité de particules chargées (nombre de traces) mesurée à rapidité centrale en collisions pp à √s = 7 TeV par CMS [1], pour différentes valeurs de Ntrack∆R (gauche) et différentes valeurs de sphéricité ST.

Bilan

Au cours de ce chapitre, les quarkonia et les mécanismes responsables de leur produc- tion ainsi que les modèles qui tentent de les décrire ont été introduits. Dans le contexte de l’étude des collisions hadroniques à haute énergie, les mesures de production de saveurs lourdes en fonction de la multiplicité permettent d’étudier les corrélations entre proces- sus en jeu à différentes échelles. Différentes mesures de cette nature ont été présentées. Elles soulignent la difficulté de compréhension de l’environnement de haute multiplicité en termes de processus physiques, même dans les petits systèmes collisionnels. De nom- breuses études théoriques et expérimentales sont activement menées pour tenter d’interpré- ter les différentes observations encore mal comprises. C’est dans ce contexte que s’inscrit le travail rapporté dans ce manuscrit portant sur la mesure de production de charmonia en fonction de la multiplicité de particules chargées en collisions pp à√s = 13 TeV. Cette étude a été réalisée à partir des données récoltées par l’expérience ALICE au LHC, à laquelle la deuxième partie de ce manuscrit est consacrée.

43

Deuxième partie

De la lettre d’intention au MFT : 3

décennies au CERN

45

Chapitre

3

L’expérience ALICE au CERN

Sommaire

3.1 Les collisions au CERN . . . . 46 3.1.1 Un peu d’histoire . . . 46 3.1.2 Protons : de la bouteille aux points d’interaction du LHC . . . 46 3.1.3 Les grandes expériences . . . 48 3.2 A Large Ion Collider Experiment . . . . 50 3.2.1 Le système interne de trajectographie . . . 51 3.2.2 Le spectromètre à muons . . . 53 3.2.3 L’acquisition des données . . . 58 3.3 Des améliorations pour le Run 3 . . . . 62

Dans la première partie de ce manuscrit, le cadre théorique de l’étude de la matière hadronique a été introduit. Du point de vue expérimental, les investigations sont menées à travers les collisions de protons et d’ions lourds produites par les accélérateurs de particules. La majeure partie des mesures présentées dans le chapitre précédent ont été réalisées grâce aux détecteurs positionnés autour du grand collisionneur de hadrons (Large Hadron Collider : LHC) au CERN1. C’est aussi le cas du travail rapporté en troisième partie de ce manuscrit portant sur l’étude des collisions proton-proton du LHC avec l’expérience ALICE. Après une brève introduction historique du CERN et de son complexe d’accélérateurs comprenant le LHC, ce chapitre est consacré à la présentation du dispositif expérimental à l’origine des données analysées. L’ensemble des sous-systèmes de détection d’ALICE n’a pas été employé pour cette étude. Ainsi, seuls les sous-détecteurs et les systèmes de traitement de données nécessaires à l’analyse réalisée dans cette thèse seront présentés en détails. La dernière par- tie de ce chapitre est dédiée aux améliorations du détecteur, en cours d’installation par la collaboration ALICE, préparant la troisième campagne de prises de données du LHC qui débutera en 2021.

1. Organisation européenne pour la recherche nucléaire. L’acronyme CERN provient du nom d’origine de l’organisation : Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire.

46 Chapitre 3. L’expérience ALICE au CERN

3.1

Les collisions au CERN

Les collisions produites par le LHC sont l’aboutissement de plusieurs décennies de dé- veloppements. Le plus grand accélérateur de particules du monde, positionné sur la fron- tière franco-suisse à côté de la ville de Genève, est le dernier de la chaîne d’accélérateurs du CERN. Avant de décrire son fonctionnement et ses caractéristiques, nous allons retracer quelques étapes importantes de l’évolution du CERN jusqu’à sa configuration actuelle.