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Influence des réactions d’hydratation sur la rhéologie des matériaux cimentaires

Chapitre 2. Étude bibliographique

2.3. Rhéologie des pâtes et des mortiers de ciment

2.3.3. Influence des réactions d’hydratation sur la rhéologie des matériaux cimentaires

cimentaires

Parmi les paramètres pouvant influer sur les propriétés rhéologiques des pâtes et

mortiers de ciment, comme la température, l’humidité, la composition du mélange, les

conditions de préparation etc., l’hydratation du liant inorganique semble être la plus pertinente

par rapport à la problématique de cette étude. L’effet de l’avancement de l’hydratation sur les

caractéristiques rhéologiques est donc expliqué, puis l’importance des produits d’hydratation

formés est soulignée.

2.3.3.1. L’avancement de l’hydratation

Les réactions d’hydratation, et plus particulièrement la microstructure des produits

hydratés, conditionnent la rhéologie d’une pâte de ciment. Le mélange eau-ciment passe par

trois états rhéologiques différents liés à la chronologie du processus d’hydratation, lequel

transforme une suspension de grains de ciment en un matériau solide offrant une résistance

mécanique notable. Ces différents états sont le fluide viscoélastique, le solide viscoélastique

et le solide élastique.

Le fluide viscoélastique :

Au cours de la période de pré-induction, une structuration de la suspension de ciment

se met en place. D’après Taylor [20], les ions Ca2+ s’adsorbent sur les surfaces hydrolysées

des particules de ciment. Le potentiel, initialement négatif de ces particules, diminue, voire

devient positif. La couche de diffusion qui entoure les grains de ciment se rétrécit, les

particules se rapprochent et les forces d’attraction augmentent. Les grains de ciment s’attirent

mutuellement et une structure floculante apparaît [86, 87].

L’état de floculation conduit à un premier raidissement de la pâte de ciment et se

maintient pendant la période d’induction. La grande surface spécifique des phases hydratées

formées, le gel de C-S-H et l’ettringite, contribue à la structure par la multiplication des

interactions de type électrostatique.

Le béton est un fluide binghamien jusqu’à la fin de la période dormante [40]. Au cours

de cet intervalle de temps, d’une durée de deux à quatre heures selon la nature du ciment, le

béton peut être malaxé et vibré sans conséquence pour les propriétés mécaniques futures du

béton durci.

Le solide viscoélastique :

Les phases C-S-H forment d’abord une structure spongieuse et volumineuse [72] dont

la surface spécifique très élevée augmente fortement le nombre et l’énergie des interactions

(physiques et chimiques) entre les particules de ciment [68].

L’accélération de l’hydratation conduit à la prise du ciment qui marque la conversion

du fluide viscoélastique en un solide viscoélastique [40]. La suspension perd sa plasticité et se

transforme en une matrice rigide, laquelle ne peut plus être mise en œuvre.

Le solide élastique :

La dimension des phases C-S-H évolue principalement dans le sens de la longueur

[75]. Des fibres se forment et vont se rassembler en paquet à la surface des grains de ciment.

Ces fibres s’entremêlent et participent au développement de la résistance mécanique.

Parallèlement, les fines plaquettes de portlandite se soudent entre elles. La période de

décélération est ainsi caractérisée par le début du durcissement du ciment.

La poursuite des réactions d’hydratation entraîne une densification de la structure. La

résistance mécanique du matériau augmente continuellement. La pâte de ciment devient

progressivement un solide élastique, rigide, fragile et poreux [40].

2.3.3.2. Les produits d’hydratation

Une pâte de ciment Portland est donc un fluide viscoélastique pendant les périodes de

pré-induction et d’induction de l’hydratation. Sa fluidité est influencée par les produits

d’hydratation formés, lesquels sont principalement dus à l’hydratation du C3A en présence de

sulfates (voir paragraphe 2.2.1.2). La figure 7, due à Locher et al. [38], illustre les différentes

possibilités de produits d’hydratation formés par le C3A en présence d’ions SO42-, ainsi que

Figure 7 : Influence des produits de l’hydratation du C3A en présence d’ions SO42- sur la

fluidité d’une pâte de ciment (d’après Locher et al. [38]).

Quatre situations différentes sont possibles :

Cas 1 : Teneur en C3A et quantité de SO42- en solution faibles.

Si le ciment a une teneur en C3A modérée et si la quantité d’ions sulfate en solution

n’est pas trop élevée, l’ettringite est exclusivement formée. Celle-ci apparaît d’abord finement

cristallisée et est alors appelée ettringite de gâchage par Bonin [88]. Elle permet une bonne

maniabilité de la pâte et ne modifie pas la fluidité de la pâte. Cette ettringite recristallise par la

suite en aiguille et participe à la cohésion du matériau. Bonin [88] parle alors d’ettringite de

repos. Ce cas décrit la prise normale d’un ciment.

Cas 2 : Teneur en C3A et quantité de SO42- en solution élevées.

Si le ciment est riche en C3A et si la quantité en ions SO42- dans la solution est

suffisante, l’ettringite de gâchage finement cristallisée est formée, mais en plus grande

quantité que dans le cas 1. L’ettringite recristallise alors plus rapidement en ettringite de

repos. Cette ettringite consomme beaucoup d’eau et diminue la plasticité du mélange [40]. La

pâte de ciment reste maniable tant que les hydrates ne sont pas suffisamment grands pour

connecter les grains entre eux. La prise est alors plus rapide dans cette situation que dans la

précédente. La structure peut cependant être détruite par un malaxage supplémentaire si elle

n’est ni trop développée ni trop consolidée.

Cas 3 : Teneur élevée en C3A et faible quantité de SO42- en solution.

Si le ciment est riche en C3A et si la quantité d’ions SO42- en solution est insuffisante,

une petite quantité d’ettringite se forme au tout début de l’hydratation jusqu’à épuisement des

ions SO42-. Ensuite, les hydrates formés sont le monosulfoaluminate et des aluminates de

calcium hydratés C-A-H. Ces composés cristallisent sous la forme de plaquettes hexagonales,

lesquelles ont une influence néfaste sur la fluidité du mélange. La consistance rigide

résultante est irréversible et ne peut être améliorée par un malaxage supplémentaire. Ce cas

correspond au phénomène de « prise flash » du ciment.

Cas 4 : Faible teneur en C3A et forte quantité de SO42- en solution.

Si la quantité d’ions SO42- en solution est trop élevée par rapport à la teneur en C3A, la

précipitation du gypse secondaire est observée parallèlement à la formation d’ettringite. Ces

cristaux ont la forme de longues et fines baguettes, lesquelles diminuent la plasticité de la

pâte. Le raidissement provoqué est connu sous le nom de fausse prise et peut être éliminé par

un malaxage ou des vibrations.

Il ressort de ces différents cas de figure que la quantité d’ions SO42- dissouts dans l’eau

interstitielle doit être en adéquation avec la teneur en C3A du ciment. Un manque ou un excès

d’ions sulfate conduit systématiquement à une perte de fluidité de la pâte.

La rhéologie des pâtes et mortiers de ciment évolue aujourd’hui vers une évaluation

plus fondamentale des propriétés d’écoulement. La connaissance des grandeurs rhéologiques

caractéristiques des matériaux, tels que le seuil d’écoulement et la viscosité plastique, est un

des objectifs de plusieurs études [89 - 91]. Dans le cadre de ce travail de recherche, cette

approche appliquée à la caractérisation des combinaisons compatibles et incompatibles,

comparée à des essais de consistance plus classiques, constitue une alternative innovante. Les

changements rhéologiques observés peuvent alors être reliés à la microstructure de la pâte,

laquelle est influencée par le processus d’hydratation. Les superplastifiants, lorsqu’ils sont

ajoutés aux systèmes réactionnels, entraînent certainement des modifications autant

rhéologiques que chimiques au sein des mélanges.