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Partie 1 : Introduction générale

4. Influence des inversions du sexe et du génotype sexuel

Chez les espèces possédant un déterminisme génétique du sexe, les chromosomes sexuels orientent la différenciation des gonades en testicules ou en ovaires, mais les gènes déterminants le sexe ainsi que d’autres facteurs génétiques portés par les chromosomes sexuels sont également responsables de l’apparition de différences sexuelles d’ordre développemental, morphologique, physiologique ou comportemental qui définiront le

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phénotype individuel à l’âge adulte (Mank, 2009). Dès lors, les manipulations du sexe présentées au § 3 soulèvent de nombreuses questions sur leurs conséquences potentielles sur le développement du phénotype sexuel et sur la biologie reproductive chez l’adulte. Les gènes liés aux chromosomes sexuels induisent-ils des modifications biologiques chez les individus présentant des génotypes sexuels particuliers (mâles YY et XX, femelles XY et YY) ? Ces individus sont-ils physiologiquement et comportementalement totalement fonctionnels et adaptés à leur environnement ? Les inversions sexuelles induisent-elles une sexualisation complète de tous les aspects phénotypiques ou certains aspects restent-ils profondément liés au génotype? Les traitements d’inversion du sexe et les chromosomes sexuels affectent-ils de la même manière la différenciation des gonades et celle du cerveau ?

Les réponses apportées à ces questions chez les poissons sont peu nombreuses et concernent généralement des aspects liés au contrôle du sexe en aquaculture. Elles pourraient cependant nous aider également à comprendre comment des systèmes plastiques de déterminisme sexuel sont maintenus ou sélectionnés au cours de l’évolution et évaluer le caractère adaptatif d’individus possédant des systèmes chromosomiques particuliers. Chez le tilapia du Nil, les facteurs génétiques portés par des autosomes (Mair et al., 1991) et pouvant influencer la différenciation sexuelle, ainsi que l’existence de populations naturelles thermosensibles vivant dans des environnements soumis à des températures extrêmes ou des régimes thermiques fluctuant, supposent l’existence naturelle d’individus présentant des génotypes particuliers. Cela a été prouvé par la découverte d’au moins un mâle XX et une femelle XY dans des populations naturelles (Bezault et al., 2007; Baroiller et al., 2009a).

4.1.

Performances de reproduction

Etant donné la variété de fonctions attribuées aux hormones sexuelles dans la différenciation sexuelle, la maturation sexuelle, la gamétogenèse (Lubzens et al., 2010; Schulz et al., 2010) et l’expression des comportements reproducteurs (Munakata & Kobayashi, 2010), des modifications du métabolisme stéroïdien pourraient avoir de nombreuses conséquences sur la biologie reproductive. Au cours du développement, la synthèse de T augmente chez les individus XY par rapport aux XX entre 8 et 13 pf chez le tilapia, alors que les larves YY présentent un niveau de synthèse intermédiaire, pouvant conduire à des différences dans le

développement de ces individus (Rowell et al., 2002). En comparant le développement testiculaire de mâles XY et YY, Herrera et al. (2001) ont observé une histogenèse et une spermatogenèse plus rapides chez les mâles YY, conduisant à une puberté précoce et au développement de testicules de plus grandes tailles, suggérant que ces individus pourraient avoir des capacités reproductives supérieures aux mâles XY. Entre 70 et 140 jpf, période d’acquisition de la maturité sexuelle chez les mâles, les mâles XY grandissent plus vite que les mâles YY et les mâles XX ont un taux de croissance intermédiaire. Ces différences pourraient résulter de facteurs génétiques de croissance portés par les chromosomes sexuels et de différences d’investissement énergétique dans le développement des gonades (Toguyeni et al., 2002). Des différences de taille pourraient par ailleurs influencer le succès reproducteur de mâles possédant des génotypes sexuels différents au travers du choix de partenaire réalisé par la femelle.

Différentes caractéristiques pouvant affecter le succès reproducteur ont également été comparées entre des mâles XX sexuellement inversés et des mâles XY normaux chez des espèces pour lesquelles la production de populations monosexes femelles est intéressantes en raison d’une croissance supérieure des femelles. Chez la truite arc-en-ciel et la perche eurasienne, les taux de T, d’E2 et de 11 KT ne sont pas différents au cours du cycle de reproduction (Rougeot et al., 2004; Espinosa et al., 2011), et chez la perche, aucune différence dans la qualité du sperme (densité de spermatozoïdes, motilité et taux de fécondation) n’a été mise en évidence entre les deux types de mâles (Rougeot et al., 2007). Par contre, les mâles XX de truite arc-en-ciel présentent, au moment de la reproduction, un important déficit en 17α,20β-dihydroxy-4-pregnen-3-one (DHP), une hormone stéroïdienne affectant notamment la maturation et la motilité spermatique (Espinosa et al., 2011).

4.2.

Comportement

Chez le tilapia bleu (O. aureus), espèce à déterminisme génétique ZW, la production d’œufs par les femelles n’est pas affectée par le génotype sexuel. Les femelles ZW et les femelles sexuellement inversée ZZ (pseudofemelles) présentent une fécondité, un poids moyen des œufs et un profil saisonnier de ponte identiques. Cependant, lorsque les deux types de femelles sont en compétition pour la reproduction (10 femelles ZW, 10 pseudofemelles ZZ et

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3 mâles ZZ dans le même bassin), le taux de reproduction des pseudofemelles est largement inférieur à celui des femelles. Desprez & Mélard (1998) ont suggéré que les traitements hormonaux d’inversion du sexe n’induisaient pas une féminisation complète de l’individu et qu’une agressivité plus élevée liée à l’expression du génotype sexuel perturberait les comportements reproducteurs, diminuant le succès de la reproduction. Cette hypothèse a été confirmée par Ovidio et al. (2002) qui ont observé une agressivité plus élevée des pseudofemelles par rapport aux femelles ZW lorsqu’elles sont maintenues ensemble. Les pseudofemelles semblent par ailleurs être plus agressives envers les mâles et ne pas exprimer de comportements de parade sexuelle avant de déposer leurs œufs, qui ne sont pas fécondés par le mâle. Aucune donnée comparable n’existe chez une espèce à hétérogamétie mâle.

Ces perturbations comportementales observées chez des individus sexuellement inversés seraient en accord avec l’hypothèse d’une différenciation sexuelle du cerveau précédent celle des gonades, les traitements hormonaux d’inversion du sexe administrés durant la période de différenciation gonadique ne sexualisant pas totalement le cerveau, ou en tout cas avec une influence des gènes portés par les chromosomes sexuels sur le comportement. Chez les mammifères, l’expression de comportements agressifs est associée au chromosome Y, notamment au travers du contrôle exercé par les stéroïdes d’origine gonadique, mais également par une influence directe de gènes portés par les chromosomes sexuels qui ne sont pas impliqués dans le déterminisme sexuel (Gatewood et al., 2006; Cox et al., 2014).

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