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2.6 Conclusions

3.1.3 Influence du traitement : planches de grandes dimensions

Les essais de flexion quatre points sur des grandes planches de frêne permettent de déterminer les évolutions du module élastique et de la contrainte à la rupture en fonction de la température de traitement. Les modules élastiques et contraintes à la rupture en flexion sont illustrés Figure 38 et Figure 39.

Figure 38 : Évolution du module élastique axial en fonction de la température de traitement sur des éprouvettes de frêne de grandes dimensions

Malgré une dispersion des résultats importante, le module d’élasticité diminue entre 200 et 228 °C. Une analyse de la variance confirme que la température a une influence significative sur le module élastique : le rapport de Fischer expérimental est de 7.47 contre un rapport théorique de 2.46. Si cette diminution est considérée comme linéaire, le module élastique du frêne chauffé décroit de près de 0.9 kN/mm² tous les dix degrés, ce qui fait approximativement perdre au frêne chauffé une classe mécanique de la norme EN 338 tous les dix degrés. Cette conclusion ne s’étend pas à l’ensemble des bois chauffés : Kocaefe note une légère augmentation du module élastique avec l’augmentation de la température sur du tremble entre 100 et 230 °C [Kocaefe et~al., 2007]. Garcia lui, n’observe une baisse significative que sur des traitements très sévères de l’eucalyptus (à 230 °C pendant quatre heures) [Garcia et~al., 2012].

Figure 39 : Évolution de la résistance à la flexion en fonction de la température de traitement sur des éprouvettes de frêne de grandes dimensions

Les études déjà réalisées sur la résistance mécanique des bois chauffés confirment que la résistance en flexion diminue quand la température de traitement augmente. L’analyse de la variance est encore plus probante dans le cas présent et conduit à un rapport de Fischer expérimental de 40.69 contre un rapport théorique de 2.46, ce qui confirme l’influence importante de la température sur la résistance en flexion. Les essais effectués ici mettent en évidence une relation affine entre la contrainte à la rupture et la température de traitement entre 60 et 228 °C avec une diminution de 0.3 N/mm²/°C. Ce rapport de proportionnalité varie selon les essences et les procédés : Kocaefe trouve une diminution de 0.23 N/mm²/°C avec l’essence de tremble [Kocaefe et~al., 2007], Kol observe une diminution de 76 à 31 N/mm² entre du pin séché à 70 °C et traité à 212 °C, ce qui traduit une diminution de 0.31 N/mm²/°C du pin, alors que le sapin chauffé à 190 °C a une résistance qui diminue de 0.06 N/mm²/°C [Kol, 2010]. En restant à des températures inférieures à 200 °C, Frühwald note une diminution de la résistance en flexion de l’ordre de 0.1 N/mm²/°C pour l’épicéa [Früwald, 2007].

La dégradation des propriétés mécaniques est moins marquée avant 200 °C car avec la dégradation modérée des composants de la paroi cellulaire les propriétés mécaniques spécifiques13 restent alors relativement constantes, comme le montre

Borrega avec de l’épicéa chauffé à 125 °C [Borrega and Kärenlampi, 2010]. La perte de masse et la création de liaisons hydrogènes ne sont pas les seules réactions qui ont lieu pendant le traitement thermique du bois, mais le module élastique du frêne chauffé est lié à sa masse volumique car la Figure 40 montre un module élastique spécifique qui reste relativement constant quand l’intensité de traitement augmente. Cette constance relative pourrait également s’expliquer par le fait que le taux de lignine reste constant après le traitement thermique [Candelier et~al., 2013a] ; en ce sens, Bjurhager montre en effectuant des modifications génétiques sur le tremble que les taux de lignines modifient sa rigidité, mais pas sa résistance [Bjurhager, 2011].

Figure 40 : Évolution du module élastique spécifique axial du frêne en fonction de sa température de traitement

En effet, la contrainte spécifique de rupture en flexion suit le même profil que la contrainte non spécifique, et, sur la Figure 41, décroit régulièrement avec la température de traitement, ne montrant donc pas de dépendance avec la masse volumique. La relation entre la densité et la contrainte à la rupture peut être plus marquée pour certaines essences, en particulier pour les résineux [Früwald, 2007].

Figure 41 : Évolution de la contrainte spécifique du frêne en fonction de la température de traitement

Ces résultats montrent par ailleurs qu’il est difficile de comparer différentes études quand les propriétés mécaniques des bois chauffés dépendent non seulement de l’essence considérée, de l’intensité de traitement, mais aussi du procédé utilisé [Candelier et~al., 2013b]. De plus, les dispersions des résultats restent aussi importantes pour les bois chauffés que pour les bois non traités : le traitement thermique n’atténue pas la variabilité naturelle des propriétés mécaniques du bois, et empêche l’extrapolation de mesures ponctuelles à l’ensemble d’une production. Pour ces raisons, il est nécessaire de développer des indicateurs non destructifs qui permettraient de caractériser individuellement chaque planche chauffée.

L’indicateur rendant compte au plus près des changements induits par le traitement thermique, toutes essences et toutes technologies confondues, sur la durabilité, la couleur, et les propriétés mécaniques, est celui de la perte de masse [Chaouch et~al., 2010, Esteves et~al., 2007]. Mesurer cette perte de masse sur une planche consiste à la peser à l’état anhydre avant et après le traitement. Cette mesure peut se réaliser aisément à l’échelle du laboratoire en séchant totalement les planches avant et après traitement, mais cette manipulation n’est pas envisageable sur des centaines de planches de plus de 2 mètres de long, comme c’est souvent le cas dans des fours industriels. Le prochain chapitre poursuit cet objectif : trouver un moyen rapide, non destructif et industrialisable, pour caractériser la contrainte à la rupture, et la durabilité des bois chauffés.

La propriété de résistance mécanique ciblée par les indicateurs est celle de la résistance en flexion quatre points, car elle est avec le cisaillement, la propriété la plus dégradée par le traitement thermique (voir paragraphe 3.1.1) ; la résistance au cisaillement est en revanche plus difficile à mesurer [Yoshihara et~al., 1999, Yoshihara and Matsumoto, 2005]. Par ailleurs, le Figure 42 montre qu’avec une dispersion importante, la résistance au cisaillement ne semble pas être une propriété plus pertinente que la résistance en flexion pour estimer le comportement mécanique des bois chauffés.

Figure 42 : Évolution de la résistance en flexion en fonction de la résistance au cisaillement pour le frêne chauffé à 170, 200, 215 et 228 °C