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VI. L’enseignement du français parlé : analyse

VI.1. Influence des approches communicative et actionnelle

A l'instar des manuels, les enseignants de FLE ont tous tenté, à des degrés divers, de se convertir à l’approche communicative. Nous passerons en revue quelques études sur le sujet.

VII.1.1. AVANTAGES ET INCONVENIENTS DES NOUVELLES APPROCHES

Des évolutions positives

Selon Eurydice147 (2005 : 158), les programmes scolaires nationaux d’Europe pour l’enseignement des langues étrangères « font tous référence à l’approche communicative ». Celle-ci a indéniablement transformé les pratiques de classe en y introduisant plus de variété, notamment par l’introduction et le renforcement des jeux de rôles, des simulations, du travail en groupe, de la stratégie des problèmes, de l’interaction enseignant/apprenant, de l’emploi plus fréquent de la langue étrangère en classe, de la primauté de la fluidité sur la correction formelle, des techniques d’évaluation et de programmation didactique. L’approche actionnelle n’a pu que renforcer ces tendances. Nous avons vu en effet qu’elle se situait dans le droit fil de l’approche communicative, et qu’en tout cas, il ne s’agissait pas d’une rupture.

Les pratiques de classe : des résultats mitigés

Dans les pratiques de classe, on peut observer deux tendances contradictoires : d’une part, les enseignants ont intégré des éléments de l’approche communicative, notamment au niveau des activités proposées qui alternent entre exercices structuraux d’une part, et jeux de rôles ou simulations orales d’autre part, consistant à organiser des débats ou des discussions, à jouer des scènes de la vie quotidienne ; l’important est que ce type d’activité laisse une place à l’improvisation et à la spontanéité des apprenants, ce que ne permettent pas les exercices structuraux traditionnels. L’utilisation du document authentique s’est de plus fortement développée, elle a permis de diversifier considérablement les activités, tout en exposant « les apprenants à des aspects de l’usage langagier qui ne font aujourd’hui l’objet d’aucune description élaborée et dont on estime pourtant qu’ils sont à enseigner » (Bérard, 1995 : 51).

Mais à côté de cela, les enseignants continuent souvent à enseigner d’une manière traditionnelle, c’est-à-dire en axant sur la grammaire et l’écrit. Selon Richards & Rogers (2005 : 252), l’enseignant est fortement influencé par la pratique de l’enseignant qu’il a lui-même eu en classe, d’où la persistance de pratiques

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Eurydice est un réseau d’information sur l’éducation en Europe qui émane de la commission européenne. Il fournit une large gamme d’informations sur l’organisation des systèmes éducatifs européens, et des études comparatives sur divers aspects des sytèmes d’enseignement. Eurydice a publié en 2005 les Chiffres clés de l’enseignement des langues

à l’école en Europe, consultable en ligne :

anciennes et peu communicatives. De manière générale, beaucoup de chercheurs convergent vers un même constat, celui d’une compréhension encore partielle de l’approche communicative et actionnelle dans le monde enseignant. Pekarek (1999 : 14) montre ainsi qu’en Suisse, dans les lycées du secondaire, les « activités communicatives se trouvent souvent largement réduites à chercher à pourvoir une perspective fonctionnelle sur les formes linguistiques alors que les complexités socio-interactionnelles concrètes des activités de langage restent souvent négligées. » Andersen (2006 : 54) va dans le même sens et affirme que dans les lycées danois, les enseignants sont souvent centrés sur l’enseignement de la grammaire écrite, notamment pour les débutants. De plus, il existe parfois très peu de relations entre les enseignants d’une part, et les concepteurs de manuels et de méthodes d’enseignement d’autre part. C’est par exemple ce que constatent Medgyes & Nikolov (2002) en Hongrie : la création de programmes de langue « euroconformes » pour le secondaire, influencés notamment par le CECRL, n’a pas vraiment pénétré dans les classes de langue où les enseignants continuent à enseigner selon leurs propres méthodes. En fait, « if there is a gap between policymakers and specialists, the gap between either group and teachers is far wider » (ibid. : 205).

En conclusion, on voit que l’application d’un enseignement centré sur la communication reste mal aisé, qu’il s’agisse de l’approche communicative ou de l’approche actionnelle du CECRL, tant il faut de temps pour que les pratiques pédagogiques changent et évoluent. Pourtant, le dernier programme européen fournit des données précieuses aux enseignants pour une meilleure approche du français parlé en classe de langue.

VI.1.2. EVALUER L’ORAL : CE QUI A CHANGE DANS LES PRECONISATIONS DIDACTIQUES

L’évaluation de l’oral : avancées du CECRL

Le CECRL (2001) fournit désormais un cadre précieux pour tout enseignant qui voudrait tenter de fonder son évaluation sur des critères objectifs. Il propose tout d’abord des échelles de descripteurs de compétence qui, pour chaque niveau de compétence (A1 à C2), décrit ce que l’apprenant est capable de faire pour différentes composantes de la « compétence à communiquer langagièrement ». Il présente notamment des échelles de niveaux sur différents éléments importants propres à la composante sociolinguistique et pragmatique (CECRL : 95-100), ainsi que sur les « aspects qualitatifs de l’utilisation de la langue parlée » (ibid. : 28) et les stratégies d’interaction (ibid. : 70-71). Ces échelles de descripteurs ont été conçues à partir d’une recherche empirique menée entre 1993 et 1996 en Suisse dans différentes classes de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Le projet, qui portait sur Interaction, production et réception, a notamment impliqué l’analyse d’enregistrements vidéo d’évaluations d’enseignants et de performances d’apprenants (ibid. : 155-160).

A côté de ces échelles de descripteurs par niveaux et par compétence, le CECRL fournit également une liste de quatorze critères pour l’évaluation de l’oral (ibid. :

145)148, catégories parmi lesquelles l’enseignant peut sélectionner ce qui convient le mieux à son évaluation en fonction des objectifs fixés149.

Dans les examens du DELF/DALF enfin, l’évaluation de l’oral prend une importance égale à celle de l’écrit et fait référence à la notion de genres de l’oral. Les apprenants sont en effet invités, dès le premier niveau A1, à effectuer trois types de tâches : la présentation de soi suivie d’une courte phase de dialogue avec l’examinateur, le monologue suivi (réponse argumentée à une question), et enfin un exercice de jeu de rôles (transaction, ou coopération en vue de l’accomplissement d’une tâche, comme « préparer un voyage », une sortie au théâtre etc.). En ce qui concerne ce dernier exercice, l’évaluation est axée sur la gestion de l’interaction et la capacité à entrer dans des relations sociales avec un discours adapté. L’objectif global est donc d’évaluer la production orale en termes de communication et non de correction grammaticale150, avec des critères volontairement très généraux. L’examinateur est en effet invité à évaluer la production de l’apprenant en termes d’aisance, de correction, et de gestion des interactions151.

L’évaluation de l’oral dans la pratique

L’évaluation de l’oral tente donc de prendre en compte plusieurs caractéristiques propres au français parlé, mais le CECRL reste volontairement très général. Il revient finalement à l’enseignant de choisir ce qu’il faut mettre à l’intérieur, ce qui n’est pas entreprise facile. Par exemple, comment évaluer la compétence relative à la gestion des tours de parole au niveau B1 ? En d’autres termes, sur quels éléments linguistiques faut-il faire porter l’évaluation pour s’assurer que l’apprenant « peut lancer, poursuivre et clore une conversation simple en face à face sur des sujets familiers ou personnels ? » (CECRL, 2001 : 97). Le CECRL ne donne pas d’informations linguistiques à propos de la norme langagière à employer pour évaluer une production orale, et cette norme devrait être différente de la norme écrite. Or c’est là tout le problème, comme le souligne Springer (1999) : « définir la compétence communicative d’un locuteur suppose la définition d’une grammaire des conversations et des discours ». La norme employée pour évaluer les performances orales des apprenants devrait être basée sur cette grammaire en usage. Cependant, les enseignants ne sont peut-être pas encore véritablement formés pour évaluer semblables compétences. Selon Springer (ibid.), l’évaluation de la compétence de communication, dans sa dimension pragmatique notamment, suppose non seulement « un changement fondamental de la culture d’évaluation, mais aussi une réflexion sur la compétence de communication en langue étrangère ». En pratique, nous verrons que la culture d’évaluation des productions orales est encore largement influencée par une représentation normative de la langue, même si les enseignants ont une réelle sensibilité aux structures propres au français parlé.

Nous illustrerons ces difficultés par l’analyse des évaluations de performances orales de quatre enseignants de l’enseignement secondaire en Belgique flamande.

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On trouvera en Annexe II.6 des extraits du CECRL cités dans le corps du texte.

149 Le CECRL note qu’« au-delà de quatre ou cinq catégories on est cognitivement saturé et

que sept catégories constituent un seuil psychologique à ne pas dépasser » (ibid. : 145).

150 Pour une discussion sur la place de l’oral dans les certifications, voir Carton (2001). 151

Voir en Annexe II.6 un exemple d’examen oral du Delf, accompagné des recommandations à l’examinateur.

VI.2. Le discours didactique de l’enseignant : présentation du

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