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Dans tous les calculs de Mie conduits jusqu’ici, j’ai pris un indice de réfraction des gouttelettes de brouillard égal à celui de l’eau liquide. C’est en général ce qui est fait dans les études sur le brouillard, et c’est aussi le cas dans le modèle COBEL de Météo France [61], [62], [63], [64], [65], [59] et [27]. Cependant, les gouttelettes de brouillard sont composées d’un noyau de condensation entouré d’une pellicule d’eau liquide. Le noyau de condensation est un aérosol dont les propriétés, dont l’indice de réfraction, dépendent de sa nature chimique (poussières minérales, sels marins, cendre volcanique, aérosols carbonés, sulfates…) [66] et [67]. L’indice de réfraction équivalent pour l’ensemble peut donc fort bien s’éloigner de celui de l’eau, surtout lorsque la « gouttelette » est encore à l’état d’aérosol non ou à peine saturé. Selon Elias et al. [59], ces particules sont d’un rayon inférieur à 1 µm. J’ai donc voulu étudier l’influence de la valeur de l’indice de réfraction sur les résultats que j’ai précédemment obtenus.

L’indice de réfraction d’un matériau est à valeur complexe (équation 36), sa partie réelle est liée à la réfraction et sa partie imaginaire à sa capacité d’absorption.

i r im m

m  36

avec :

m : l’indice de réfraction complexe,

mr : la partie réelle de l’indice de réfraction complexe, mi : la partie imaginaire de l’indice de réfraction complexe.

N’ayant pas trouvé dans la littérature d’information précise sur l’indice de réfraction des gouttes d’eau dans le brouillard, j’ai, tout d’abord, cherché à déterminer à partir de quel écart par rapport à l’indice de l’eau, un impact sensible est observé sur la relation contenu en eau liquide / coefficient d’extinction lorsque cette dernière est calculée par la théorie de Mie. Dans un deuxième temps, j’ai adopté l’approche suivante : lorsque les « gouttes » sont de taille (rayon) inférieure à 1 µm, je leur attribue un indice de réfraction d’aérosol sec, et pour une taille supérieure à 1 µm, l’indice de réfraction de l’eau liquide.

2.2.5.1) Sensibilité à l’indice de réfraction

L’analyse de la sensibilité se fait tout d’abord de façon visuelle. Pour estimer la sensibilité de la relation linéaire à la variation de l’indice de réfraction, j’étudie l’influence des parties réelles et imaginaires séparément. Je pars de l’indice de réfraction de l’eau liquide

meau = 1,153 + 0,0968.i et je fais varier l’indice par excès ou par défaut de 0,01, 0,025 et 0,05

(Figure 20 ci-dessous).

La variation de la partie réelle impacte de façon sensible la relation linéaire entre le contenu en eau liquide et le coefficient d’extinction à partir d’une variation de + ou - 0,05. L’impact est plus important pour les brouillards dont les contenus en eau liquide sont supérieurs à 10-2 g.m-3. Pour la partie imaginaire, la variation à partir de laquelle il y a un impact sensible

est de + ou - 0,025. Pour cette partie, l’impact est plus important pour les brouillards dont les contenus en eau liquide sont inférieurs à 10-2 g.m-3.

Figure 20 : Coefficient d’extinction en fonction du contenu en eau liquide avec meau (croix bleu foncé), avec msup

(losanges vert) et avec minf (triangles roses), pour les variations de la partie réelle (figures a, c et e), pour celles

de la partie imaginaire (figures b, d et f), pour les variations de + ou - 0,01 (figures a et b), pour les variations de + ou - 0,025 (figures c et d), pour les variations de + ou 0,05 (figures e et f)

Il y a donc un impact d’une variation de l’indice de réfraction sur la relation linéaire entre le coefficient d’extinction et le contenu en eau liquide. Les parties réelles et imaginaires de l’indice influencent différemment la relation linéaire en fonction de la valeur du contenu en eau liquide, c’est le sujet de ce qui suit.

(a) (b)

(c) (d)

2.2.5.2) Raisons de la différence d’impact des parties réelles et imaginaires Pour expliquer la raison pour laquelle la partie réelle impacte plus les brouillards denses et la partie imaginaire les brouillards légers, l’erreur relative faite sur l’efficacité d’extinction par la variation de l’indice de réfraction. Pour cela, l’erreur relative (équations 37 et 38) en fonction de la taille des gouttelettes est tracée pour une variation de l’indice de réfraction de 0,05 par défaut ou par excès. Je considère l’erreur faite lorsque l’indice de réfraction utilisé lors de l’analyse est celui de l’eau liquide au lieu de l’indice réel des gouttelettes (qui est ici msup ou

minf).

 

 

sup sup 100 m Q m Q m Q ER ext eau ext ext ExtSup    37

 

 

inf inf 100 m Q m Q m Q ER ext eau ext ext ExtInf    38

Figure 21 : Erreur relative de l’efficacité d’extinction en fonction de la taille des gouttelettes pour une partie réelle (figure a) ou imaginaire (figure b) supérieure à celle de l’eau liquide (ERSup) et pour une partie réelle

(figure a) ou imaginaire (figure b) inférieure à celle de l’eau liquide (ERInf)

Pour la variation de la partie réelle, l’erreur est plus grande pour les gouttelettes dont le rayon se situe autour de 10 µm. Elle est supérieure à 15 %, pour des rayons compris entre 4 et 13 µm et inférieure à - 15 % pour des rayons compris entre 4 et 20 µm. En revanche, pour une variation de la partie imaginaire, plus le rayon est petit, plus l’erreur est importante. En effet, elle est supérieure à 15 % pour des rayons inférieurs à 6 µm ou inférieure à - 15 % pour des rayons inférieurs à 9 µm.

Cela explique pourquoi une variation de la partie réelle ou imaginaire n’impacte pas les mêmes brouillards. En effet, les brouillards les plus légers auront une proportion plus importante de petites gouttelettes et plus le contenu en eau liquide est élevé ; c’est-à-dire plus le brouillard est dense ; plus la proportion de gouttelettes de grande taille est importante.

2.2.5.3) Analyse de la variation minimale impactant la relation linéaire Pour déterminer la variation minimale à partir de laquelle la relation linéaire est impactée, je regarde à partir de quel pourcentage d’erreur sur l’efficacité d’extinction, la relation entre le coefficient d’extinction et le contenu en eau liquide est influencée.

2.2.5.2.1) Influence de la partie réelle

L’erreur sur l’efficacité d’extinction est tracée sur les Figure 22 (a), (c) et (e) en fonction du rayon et du paramètre de taille si la partie réelle de l’indice de réfraction est inférieure ou supérieure à celle de l’indice de l’eau liquide. Les erreurs relatives par rapport à l’efficacité d’extinction sont calculées avec meau (équations 36 et 37). Les Figure 22 (b), (d) et (f)

illustrent l’impact de la variation de la partie réelle sur la relation linéaire.

Figure 22 (a), (c) et (e) : Erreur relative de l’efficacité d’extinction en fonction du rayon et du paramètre de taille avec la partie réelle supérieure à celle de l’eau liquide ERSup (croix bleu foncé), avec la partie réelle

inférieure à celle de l’eau liquide ERinf (triangles roses), pour une erreur de 10 % (figure a), pour une erreur de

25 % (figure c) et pour une erreur de 50 % (figure e)

(a)

(b)

(c) (d)

Figure 22 (b), (d) et (f) : Coefficient d’extinction en fonction du contenu en eau liquide pour l’indice de réfraction de l’eau liquide (croix bleu foncé), pour la partie réelle supérieure à celle de l’eau liquide (losanges verts), pour la partie réelle inférieure à celle de l’eau liquide (triangles roses) et, pour une erreur sur l’efficacité

d’extinction de 10 % (figure b), pour une erreur de 25 % (figure d) et pour une erreur de 50 % (figure f)

De façon logique, plus l’erreur relative sur l’efficacité d’extinction est importante, plus la relation linéaire coefficient d’extinction / contenu en eau liquide est impactée. Un biais sur la relation linéaire à partir d’une erreur de 25 %.

2.2.5.2.2) Influence de la partie imaginaire

L’erreur sur l’efficacité d’extinction est tracée sur les Figure 23 (a), (c) et (e) en fonction du rayon et du paramètre de taille si la partie imaginaire de l’indice de réfraction est inférieure ou supérieure à celle de l’indice de l’eau liquide. Les erreurs relatives par rapport à l’efficacité d’extinction sont calculées avec meau (équations 36 et 37). Les Figure 23 (b), (d) et (f)

illustrent l’impact de la variation de la partie imaginaire sur la relation linéaire.

Comme précédemment, plus l’erreur relative sur l’efficacité d’extinction est importante, plus la relation linéaire coefficient d’extinction / contenu en eau liquide est impactée. Un biais sur la relation linéaire à partir d’une erreur de 25 %.

(a) (b)

(c)

Figure 23 (a), (c) et (e) : Erreur relative de l’efficacité d’extinction en fonction du rayon et du paramètre de taille avec la partie imaginaire supérieure à celle de l’eau liquide ERSup (croix bleu foncé), avec la partie

imaginaire inférieure à celle de l’eau liquide ERinf (triangles roses), pour une erreur de 10 % (figure a), pour

une erreur de 25 % (figure c) et pour une erreur de 50 % (figure e)

Figure 23 (b), (d) et (f) : Coefficient d’extinction en fonction du contenu en eau liquide pour l’indice de réfraction de l’eau liquide (croix bleu foncé), pour la partie imaginaire supérieure à celle de l’eau liquide (losanges verts), pour la partie imaginaire inférieure à celle de l’eau liquide (triangles roses) et, pour une erreur sur l’efficacité d’extinction de 10 % (figure b), pour une erreur de 25 % (figure d) et pour une erreur de

50 % (figure f) 2.2.5.3.) Conclusions :

La variation des parties réelles ou imaginaires a une influence sur la relation linéaire entre le coefficient d’extinction et le contenu en eau liquide. En effet, les Figure 20 ont permis de montrer qu’une variation de la partie imaginaire de + ou - 0,025 et de la partie réelle de + ou - 0,05 a un impact sur la relation linéaire. L’erreur relative sur l’efficacité d’extinction et l’impact sur la relation linéaire lorsque l’indice de réfraction varie ont été étudiés en parallèle. Cela a permis d’établir que c’est à partir d’une variation d’indice entraînant une erreur relative de 25 % que la relation linéaire est impactée.

Cette étude a également démontré que les parties réelles et imaginaires n’influencent pas la relation linéaire pour les mêmes brouillards. En effet, pour les brouillards dont les contenus en eau liquide sont inférieurs à 10-2 g.m-3 sont plus influencés par la partie imaginaire et ceux dont les contenus en eau liquide sont supérieurs à 10-2 g.m-3 par la partie réelle.

2.2.5.3) Influence de l’utilisation de deux indices de réfraction

Pour étudier l’impact occasionné par le fait de négliger un indice de réfraction différent pour les petites particules, le coefficient d’extinction en fonction du contenu en eau liquide est tracé en utilisant différents aérosols. Les indices de réfraction des particules sont tirés du chapitre 18 du livre : Handbook of Geophysics and space environment [68]. Le Tableau 4 regroupe les indices des différents types d’aérosols pour une longueur d’onde de 11 µm.

Tableau 4 : Indices de réfraction pour différents types d’aérosol pour une longueur d'onde de 11 µm

La Figure 24 illustre le coefficient d’extinction obtenu en fonction du contenu en eau liquide dans deux cas. Pour le premier, les particules sont composées uniquement d’eau liquide (ronds bleus) et pour le second, les plus petites particules sont des aérosols aux indices de réfraction mentionnés dans le Tableau 4 (triangles roses). Les résultats pour quatre types d’aérosols différents sont présentés, à savoir le sel de mer (graphique (a)), la poussière (graphique (b)), la suie (graphique (c)) et les particules de type météorique (graphique (d)). Le cas où deux indices de réfraction sont pris en compte est considéré comme la réalité et l’erreur résultant de la modélisation par un seul indice est analysée.

Sel de mer 1,48 + 1,4.10-2i Océanique 1,246 + 7,31.10-2i Glace 1,093 + 0,239i Météorique 1,509 + 0,691i Hydrosoluble 1,72 + 5,0.10-2i Poussière 1,62 + 0,105i Suie 2,23 + 0,73i 75% H2SO4 1,670 + 0,485i Volcanique 2,15 + 0,270i (a) Sel de mer (b) Poussière

Figure 24 : Coefficient d’extinction en fonction du contenu en eau liquide pour l’équation 21 pour un seul indice de réfraction (ronds bleus) et pour deux indices de réfraction (losanges roses)

Si les aérosols sont du sel de mer alors, pour un coefficient d’extinction donné, le contenu en eau liquide est sous-estimé. S’ils sont composés de poussières, cela n’a pas d’impact sur la mesure, mais dans le cas des particules de suie ou de type météorique, pour un coefficient donné, le contenu en eau liquide est surestimé.

Si les aérosols donnés dans le Tableau 4 sont triés, de ceux qui sous-estiment le plus le contenu en eau liquide à ceux qui le surestiment le plus, cela donne l’ordre suivant : sel de mer, particules hydrosolubles, particules océaniques, poussière, particules volcaniques, glace, suie, acide sulfurique et particules météoriques. L’observation des indices de réfraction montre que les particules pour lesquelles le contenu en eau liquide est sous-estimé ont une partie imaginaire plus grande que celle de l’eau liquide. Alors que les particules, pour lesquelles le contenu en eau liquide est surestimé, ont une partie imaginaire inférieure à celle de l’eau liquide. Cela suggère que la partie imaginaire a une influence plus importante que la partie réelle.

Les brouillards les plus légers sont plus affectés par la différence d’indice pour les particules de rayons inférieurs à 1 µm ; puisque dans ces brouillards, la proportion des petites particules est plus importante que pour les brouillards denses.

2.2.6) Conclusion

Les résultats obtenus avec les granulométries de la campagne ToulouseFog n’ont pas permis de retrouver les résultats présentés dans l’article de Pinnick. Cependant, l’étude réalisée avec les mesures de la campagne ParisFog confirme les résultats de Pinnick, à savoir qu’il existe une relation linéaire entre le contenu en eau liquide des brouillards et le coefficient d’extinction pour une longueur d’onde de 11 µm. Ces résultats m’ont permis de conclure que le biais observé avec les mesures de la campagne ToulouseFog était dû à la limite de mesure des instruments, ces derniers n’ayant mesuré aucune gouttelette supérieure à 10 µm. L’étude des conditions de validité de l’approximation utilisée a mis en évidence que cette dernière était correcte jusqu’à des rayons d’environ 12 µm. Or cette valeur permet de couvrir la gamme de rayons des gouttelettes présentes dans les brouillards.

(c) Suie

(d) Météorique

J’ai ensuite étudié l’impact d’un biais éventuel sur l’indice de réfraction des gouttelettes. En effet, ce paramètre n’étant pas connu aujourd’hui, il est considéré comme étant celui de l’eau liquide. Or cette étude a permis de mettre en évidence que s’il diffère de celui de l’eau, il peut effectivement y avoir un impact sur la validité de la relation entre le coefficient d’extinction et le contenu en eau liquide. Cet impact n’est pas le même si c’est la partie imaginaire de l’indice de réfraction qui diffère de celle de l’eau ou si c’est sa partie réelle. La relation linéaire est plus sensible à une éventuelle variation de la partie imaginaire pour les brouillards dont le contenu en eau liquide est inférieur à 10-2 g.m-3 et à une variation de la partie réelle

pour les brouillards dont le contenu en eau liquide est supérieur à 10-2 g.m-3. La seconde étape

de l’étude sur l’indice de réfraction porte sur les particules ayant un rayon inférieur à 1 µm. Celles-ci ne sont pas des gouttelettes d’eau, mais des aérosols et n’ont pas l’indice de réfraction de l’eau liquide. Si nous prenons pour les particules inférieures à 1 µm l’indice d’un aérosol connu, comme le sel de mer par exemple, à la place de celui de l’eau, la relation entre le contenu en eau liquide et le coefficient d’extinction peut être impacté. Les brouillards avec un faible contenu en eau liquide sont les plus concernés, mais l’influence de l’indice de réfraction de ces petites particules dépend de la valeur de l’indice de réfraction considéré. Lorsque la chimie des particules sera mieux comprise, il serait intéressant d’étudier l’impact réel qu’engendre l’hypothèse que les gouttelettes des brouillards sont uniquement constituées d’eau liquide. Si celui-ci impacte le coefficient d’extinction, il faudra quantifier l’erreur qu’une mauvaise estimation de l’indice de réfraction engendre pour la mesure du contenu en eau liquide. De plus, cette étude a été réalisée en considérant des particules sphériques, il serait intéressant de la compléter en analysant l’impact de particules non sphériques.

Partie II