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Influence de l’aluminium sur le réseau de silicium

Le verre : structure & propriétés

II.3.3. Les verres d’oxydes aluminosilicatés: influence de l’aluminium

II.3.3.3 Influence de l’aluminium sur le réseau de silicium

Comme nous l’avons vu au début du chapitre, le réseau de silicium des silicates d’alcalin ou alcalino-terreux est décrit par des unités tétraédriques Qn. Cette information, via le nombre d’oxygènes pontants, est alors un indice de la polymérisation du réseau. La RMN est un très bon outil expérimental pour obtenir cette donnée.

Or, l’ajout de l’aluminium dans ce type de réseau change considérablement la structure. Favorisé par la présence des ions modificateurs M, l’aluminium s’insère préférentiellement en position tétraédrique [AlO4]-[68]. Il y a alors formation de liaisons Si-O-Al énergétiquement plus favorables que les liaisons Si-O-Si ou Si-O-Al-O-Si-O-Al [69] selon le principe de Loewenstein [70]. La création de ces liaisons, plus faibles, et l’ajout de l’aluminium qui a une force de champ inférieure à celle des siliciums préalablement présents, induisent donc indubitablement des changements dans l’environnement proche du silicium, qui sont mis en exergue une nouvelle fois par la RMN via le déplacement chimique [1,71].

Dans ce cas, décrire un aluminosilicate d’alcalins ou alcalino-terreux via des entités de type Qn devient restrictif. Un nouveau modèle a donc été établi pour les décrire sur la base d’entités Qn(mAl) avec n le nombre d’oxygènes pontants (n variant de 0 à 4) et m le nombre d’aluminiums connecté aux siliciums (m variant de 0 à n). Ce modèle définit quinze environnements possibles du silicium présentés dans le Tableau II. 3 dont on peut voir certaines représentations Figure II. 12. Les études sur des compositions cristallines dont les zéolites ont d’ailleurs permis de dégager les gammes de déplacements chimiques de ces entités [72,73,74,75].

Figure II. 13. Représentation des unités Q4(mAl) et Q3(3Al) : en bleu les tétraèdres de silicium et en rouge les tétraèdres d’aluminium positionnés dans la seconde sphère de coordinence du tétraèdre de silicium centrale.

Comme on le voit, les valeurs de déplacements chimiques du silicium sont directement liées au remplacement des atomes de silicium par des atomes d’aluminium dans sa seconde sphère de coordinence. En général, chaque substitution d’une liaison Si-O-Si par une liaison Si-O-Al

conduit à un déplacement de 5 ppm de l’atome central. Si le phénomène est clairement visible dans les zéolites, ce n’est plus clairement le cas dans les verres.

Unités Qn(mAl)

Gamme de déplacement chimique (ppm)

Unités Qn(mAl)

Gamme de déplacement chimique (ppm)

Q4(0Al) -102 à -116 Q2(0Al) -70 à -90

Q4(1Al) -97 à -107 Q2(1Al) -65 à -85

Q4(2Al) -92 à -100 Q2(2Al) -60 à -80

Q4(3Al) -85 à -94 Q1(0Al) -65 à -85

Q4(4Al) -82 à -92 Q1(1Al) -60 à -80

Q3(0Al) -90 à -100 Q0 -60 à -80

Q3(1Al) -85 à -95

Q3(2Al) -80 à -90

Q3(3Al) -75 à -85

Tableau II. 3. Gammes de déplacement chimique du silicium associées aux unités Qm(mAl) obtenues par RMN après l’étude d’échantillons cristallins dont les zéolites.

Un des défis est donc de modéliser la distribution des espèces Qn(mAl) dans un verre. Le modèle d’Engelhardt réalisé sur le système CaO-Al2O3-SiO2 est l’un des premiers à y répondre [71].

Plusieurs règles ont été établies:

§

Seules les unités Qn(mAl), Qn-1(mAl) et Qn+1(mAl) coexistent dans le verre.

§

Les tétraèdres d’aluminium sont préférentiellement substitués dans un système polymérisé constitué d’espèce Qn avec le moins de NBO possible.

§

Sur la gamme de composition suivante MO³ Al2O3 £ 0.5 SiO2, Al s’insère dans le réseau en position tétraédrique en suivant le modèle de Loewenstein [70] selon lequel aucune liaison Al-O-Al ne peut être créée entre tétraèdres.

§

L’excès d’aluminium qui ne se trouve pas sous forme d’entité Qn(mAl) (lorsque Al2O3 >

CaO ou Al2O3 > 0,5 SiO2, forme des espèces dites neutres dont les triclusters, ne jouant pas le rôle de modificateur de réseau.

On retrouve dans le Tableau II. 4 les distributions des espèces Qn(mAl) sur une large gamme de compositions du diagramme ternaire.

Ce modèle décrit bien la distribution des espèces Q4(mAl) dans les tecto-aluminosilicates (MO³ Al2O3 £ 0.5 SiO2) dont la distribution, par analogie avec les silicates d’alcalin binaires [41], répond à l’équilibre suivant [43]: structure des matériaux vitreux. Cependant, il nous faut rester prudent car cette règle a déjà été prise en défaut dans les zéolites [76]. L’existence de liaisons Al-O-Al a également été prouvée dans le verre d’anorthite (25 CaO - 25 Al2O3 - 50 SiO2) [77,78]. La présence de certaines singularités dans la zone MO³ Al2O3 £ 0.5 SiO2 a donc poussé l’émergence de nouveaux modèles. Lee et Stebbins [79] ont dès lors proposé un modèle dans lequel les liaisons Al-O-Al sont admises en fonction de la composition. Ils ont montré à cet effet que la formation de ces liaisons était sujette à certains paramètres, dont le type de modificateur M. Si peu de liaisons Al-O-Al sont attendues avec le sodium, ce n’est pas le cas dans les compositions au calcium qui stabilisent plus facilement ces liaisons en accord avec les calculs d’orbitales moléculaires [80,81]. Cela rejoint le fait que le sodium soit plus apte à stabiliser [AlO4]- [82,83].On sait à ce sujet que la stabilité des différents compensateurs vis-à-vis des groupements [AlO4]- augmente dans l’ordre suivant : Mg < Ca < Sr < Pb < (Ba, li) < Na < (K, Rb, Cs).

Malgré tout, ce dernier modèle comme celui d’Engelhardt, rend difficilement compte des autres régions du diagramme ternaire, pour lesquelles les résultats sont plus nuancés. Les hypothèses de départ ne sont plus applicables et ne correspondent plus à la description structurale qui est la notre aujourd’hui. Dans ces régions riches en modificateurs ou en aluminium, il faut tenir compte de la présence non négligeable de l’aluminium en coordinence 5 et 6. De plus, il faudrait éclaircir la répartition des NBO sur les [AlO4]-.

Par analogie avec la nomenclature des silicates, les groupements tétraédriques [AlO4] -peuvent s’écrire en tant qu’entité qn(mSi) [1,84]. Si un ou plusieurs NBO sont situés dans la première sphère de coordinence de l’aluminium des groupements [AlO4]- on parlera alors de q3(mSi), q2(mSi), etc… Cependant n’ayant bien souvent pas la résolution pour les discriminer, on se cantonne à les décrire dans la littérature en tant qu’unités qn. Sur ce point, plusieurs études ont montré que les groupements [AlO4]- peuvent se trouver en très faible proportion sous la forme d’entités q3 ou q2, leur proportion diminuant avec le taux d’alumine dans le verre

[63,85]. Dans tous les cas, leur présence même modeste, modifierait considérablement la distribution des entités Qn puisque toutes les règles de compensation se verraient modifiées.

CaO Al2O3 SiO2 Qn(mAl) CaO Al2O3 SiO2 Qn(mAl)

I/1 33,3 0.0 66.7 100 Q30 V/1 33.3 0.0 66.7 100Q30

I/2 33,3 5.0 61.7 16Q44+76Q30+8Q20 V/2 31.6 5.2 63.2 16Q44+84Q30

I/3 33,3 8.0 58.7 29Q44+57Q30+14Q20 V/3 30.8 7.7 61.5 25Q44+75Q30

I/4 33,3 12.0 54.7 42Q44+37Q30+21Q20 V/4 30.0 10.0 60.0 33Q44+67Q30

I/5 33,3 15.0 51.7 58Q44+13Q30+29Q20 V/5 28.3 15.2 56.5 54Q44+46Q30

I/6 33,3 18.0 48.7 67Q44+13Q32+20Q20 V/6 25.0 25.0 50.0 100Q44

I/7 33,3 25.0 41.7 70Q44+30Q33+ Alex V/7 22.2 33.3 44.5 100Q44+Alex I/8 33,3 28.0 38.7 63Q44+37Q33+ Alex VI/1 15.0 28.3 56.7 88Q42+12Q43+Alex I/9 33,3 35.0 31.7 45Q44+55Q33+ Alex VI/2 25.0 25.0 50.0 100Q44

I/10 33,3 38.3 28.3 32Q44+68Q33+Alex VI/3 40.0 20.0 40.0 50Q44+50Q33

II/1 33.3 0.0 66.7 100 Q30 VI/4 55.0 15.0 30.0 67Q33+33Q22

II/2 30.3 3.0 66.7 18Q42+80Q30 VI/5 60.0 13.3 26.7 25Q33+75Q22

II/3 28.3 5.0 66.7 30Q42+70Q30 X/1 45.0 5.0 50.0 60Q31+40Q20

II/4 26.3 7.0 66.7 40Q42+60Q30 X/2 40.0 10.0 50.0 10Q44+90Q31

II/5 25.3 8.0 66.7 50Q42+50Q30 X/3 30.0 20.0 50.0 70Q44+30Q31

II/6 23.3 10.0 66.7 60Q42+40Q30 X/4 25.0 25.0 50.0 100Q44

II/7 16.7 16.7 66.7 100Q42 X/5 20.0 30.0 50.0 20Q44+80Q43+Alex II/8 15.3 18.0 66.7 20Q41+80Q42+Alex XI/1 53.3 13.3 33.3 58Q33+42Q21

II/9 13.3 20.0 66.7 40Q41+60Q42+Alex XI/2 46.7 20.0 33.3 10Q44+90Q33+Alex III/1 0.0 0.0 100.0 100 Q40 XI/3 33.3 33.3 33.3 50Q44+50Q33+Alex III/2 11.1 11.1 77.8 86Q41+14Q42 M/1 37.6 0.0 62.4 80Q30+20Q20

III/3 13.0 13.0 74.0 59Q41+41Q42 M/2 46.7 0.0 53.3 24Q30+76Q20

III/4 14.9 14.9 70.2 30Q41+70Q42 M/3 56.7 0.0 43.3 38Q20+62Q10

III/5 16.7 16.7 66.6 100Q42 M/4 56.6 35.7 7.7 100Q0+CaO+CaAl2O4

III/6 20.0 20.0 60.0 34Q42+66Q43 M/5 70.1 20.9 9.0 100Q0+CaO+CaAl2O4

III/7 25.0 25.0 50.0 100 Q44

III/8 29.8 29.8 40.4 76Q44+24Q33+ Alex III/9 33.3 33.3 33.3 50Q44+50Q33+ Alex III/10 36.5 36.5 27.0 15Q44+85Q33+ Alex

Tableau II. 4. Composition chimique des verres du système CaO-Al2O3-SiO2 et distribution des espèces Qn(mAl) d’après les hyptothèses d’Engelhardt de 1985 [71]. Ainsi pour la composition III/7, caractéristique du verre d’anorthite, le réseau est en Q4(4Al), l’Aluminium est exclusivement en AlIV. 2 [AlO4]- sont compensés par 1 Ca2+.

Les espèces Alex correspondent aux espèces neutres selon ces mêmes hypothèses.