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Au cours de notre enquête, nous avons cherché à savoir quels éléments pouvaient avoir une incidence pour expliquer la diversité des vécus des différents médecins généralistes interrogés.

a. Un changement de la société ?

Plusieurs enquêtés ont évoqué une évolution des mentalités chez les patients pouvant entraîner une fréquence plus importante de départs volontaires.

La représentation du médecin par les patients aurait changé : le médecin aurait perdu son piédestal (E2, E8, E10) et consulter serait assimiler à consommer (E4, E5, E6, E8, E9) ; il s'agirait d'un service pour lequel on paye (E10).

Les patients seraient moins fidèles (E3), en particulier les plus jeunes (E10) et les consultants en général plus nomades (E11) et « exigeants » (E4).

M2 : « C'est pareil, on n'est plus reconnu comme étant de grands scientifiques qui avons des pouvoirs magiques »

M4 : « Depuis des années je me suis fait au critère que je crois qu'on est un produit de consommation, les gens nous consomment »

M8 : « il y a des gens qui viennent faire leur supermarché avec leur liste de courses entre guillemets »

M10 : « La personne que je remplace justement […] C’était Dieu quoi. C’est Dieu. Moi j’suis plus Dieu, c’est clair »

M10 : « ils voient peut être aussi le côté chiffré, acté que… J’ai pas l’impression d’être un médecin comme ça, mais bon. »

M3 : « Les patients changent très facilement maintenant. »

M4 : « c'est sur que si SOS Médecins marche bien, c'est que les gens sont exigeants » M10 : « Parce que les jeunes sont moins fidèles par nature »

M11 : « Ce qui arrive plus souvent c'est qu'on ait des gens qui consultent indifféremment les quatre. »

Ces dernières constations sont néanmoins à nuancer (E7, E8, E11).

b. Une attitude générationnelle ?

Certains médecins ont évoqué le fait que leurs aînés étaient plus attachés à leur patientèle et vivaient donc les choses différemment (E1, E3, E11).

D'autres ont également pointé du doigt l'évolution de la relation médecin-malade (E2, E7, E8, E9, E12).

c. Une évolution au cours de la carrière ?

Une partie des interrogés a exprimé que le début de carrière pouvait rendre la perte d'un patient plus complexe en raison d'un manque d'assurance (E4, E10), d'habitude ou de prise de recul (E3, E4, E6, E9, E11) ou en rapport avec des enjeux financiers (E2, E5, E9).

M7 : « Même si bah ils sont d’accord pour voir le collègue parce qu’ils ont un rhume, une grippe ou une gastro, ça les dérange pas ; mais pour parler de leurs problèmes un peu plus personnels ou peu plus chroniques je pense qu’ils ont besoin de voir leur médecin. »

M8 : « Moi à mon avis, c'est les mêmes pourcentages qu'avant. »

M11 : « Tous les gens normalement cortiqués sont plus fidèles je pense depuis l'histoire du médecin référent ou traitant »

M1 : « nos aînés étaient très attachés 'fin, leur clientèle leur appartenait. »

M11 : « Sauf quelques médecins, quelques vieux médecins qui font encore des guerres de clochers. »

M2 : « j'ai été confronté à des médecins qui avaient été plutôt " médecins du 20ème siècle " si on peut dire ça, et qui avaient un côté un peu paternaliste, euh c'est à dire le médecin décide et les patients... obéissent. Ça a complètement changé ça, maintenant on est plus dans un rapport de confiance et de collaboration »

M2 : « c'est peut être plus... stressant au début, [...] quand on arrivait, il fallait acheter les murs, il fallait acheter la clientèle. »

M10 : « Moi je suis encore destabilisable… pour pas mal de choses »

M11 : « C'est sûrement plus facile maintenant. C'est vrai qu'au début on s'investit à fond, on... et puis pfff... on se lasse. »

D'autres au contraire pensaient que le phénomène était plus facile à vivre en début de carrière car les liens tissés avec les patients étaient moins forts (E7, E12).

La dynamique dans laquelle le médecin se trouve pouvait aussi avoir une influence sur son vécu (E5, E11).

d. Un lien avec le type d'exercice ?

Quelques uns ont aussi mis en lumière des différences liées aux changements de mode d'exercice (E2, E4, E7, E8, E9, E11).

e. Un rôle du lieu d'installation ?

Les enquêtés semblaient s'accorder pour dire que les patients seraient plus « fidèles » et moins intransigeants à la campagne (E1, E3, E4, E5, E9, E10, E11, E12).

M5 : « je refuse les nouveaux patients depuis longtemps »

M11 : « On cherche plutôt à réduire notre activité qu'à l'augmenter, donc... »

M7 : « Euh, mais je pense que c’est plus facile pour nous, qu’un médecin qui suit un patient depuis 10 ans et tout à coup il part et on ne sait pas pourquoi »

M3 : « je pense qu'en campagne, les gens sont quand même plus […] fidèles. »

M2 : « Ici, vraiment, les gens bougent beaucoup, ils savent qu'ils ont qu'un seul dossier et que... […] ils n'ont rien à faire car c'est le même dossier. Donc on récupère les antécédents, les courriers des spécialistes... Il y a juste à appuyer sur le bouton " changement de médecin traitant ". Ça se fait... d'un simple clic.»

M4 : « Quand on est installé seul, on le ressent pas de la même façon que quand on est en groupe. Il n'y a pas ce côté de tourner facilement. »

M7 : « Je pense que la médecine a beaucoup évolué aussi dans le relationnel et dans la façon de travailler. Chez les jeunes, il y a peu de médecins, voire pas, qui font du 8h/20h du lundi au samedi et qui sont dévoués totalement et qui… Je pense que quand on a vécu ça, le fait de voir partir des gens, ça doit être plus compliqué à vivre, que de travailler comme on travaille quand même plus maintenant, en groupe, où on sait qu’on peut partager. »

Cette tendance pourrait être expliquée en partie par une offre et une accessibilité aux soins plus restreintes (E8, E10, E11).

f. Un lien avec le contexte démographique ?

Certains interviewés ont mis en lien leur façon de réagir avec la démographie médicale et se sentaient plus sereins grâce à cette « offre inférieure à la demande » (E1, E2, E9).

Un médecin a même signifié que les patients ne changeaient plus de médecin traitant car la démographie actuelle ne leur offrait plus cette possibilité (E9).

D'autres en revanche n'accordaient pas d'importance à cette donnée (E6, E7).

M8 : « C'est différent comme exercice. Moi je fais de la pédiatrie, je fais de la gynéco, je fais de tout. »

M11 : « parce qu'on a recours aux services d'urgence, des spécialistes de tout »

M1 : « à une époque ça avait des conséquences économiques de perdre euh... un... un patient ou une famille […] mais aujourd'hui, vu le contexte »

M2 : « il y avait un peu plus de concurrence. Euh... ça aussi c'est quelque chose qui est très important dans cette histoire là »

M9 : « Les gens ne peuvent plus changer de médecin : il n' y en a plus […]. Mais je peux vous dire que s'il arrive un jeune dans la bourgade, moi j'ai ma clientèle qui s'en va »

M6 : « Le fait d'en récupérer un autre, voilà c'est pas... c'est pas ce qui va compenser. »

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