2.2 Contrôle de charge
2.2.2 Influence des états de surface
L’un des principaux acteurs des processus de charge et décharge dans les échantillons de
boîtes quantiques CdTe/ZnTe est le dopage p produit par les états de surface de ZnTe, au niveau
du masque d’aluminium situé à 200 nm du plan de boîtes quantiques. Il a en effet été démontré
pour ce type de jonction, que les états de surface se comportent en accepteurs et bloquent le
niveau de Fermi aux environs de la bande de valence [34, 35]. Afin d’étudier l’influence de ce
dopage "involontaire", il est possible d’utiliser l’échantillon comme une diode Schottky [36] en
plaçant des contacts électriques entre le masque d’aluminium en surface et le substrat ZnTe
pos-sédant un dopage p résiduel (voir l’insert en Fig.2.4). On peut également réalisé en face arrière un
contact de type p, plus près des boîtes que ne l’est le substrat. La caractéristique courant-tension
de l’une de ces diodes est présentée en figure 2.5.
Al V i-ZnTe p-ZnTe CdTe E F Dss
Energie (
meV
)
Tension (V)
Fig.2.4 – Spectres de photoluminescence d’une boîte quantique unique (M1662 k4l4) insérée dans
une structure Schottky en fonction de la tension appliquée sur la diode, obtenus sous excitation
non-résonante (2412 meV). Les raies d’émission peuvent être attribuées aux recombinaisons de
l’exciton neutre (X), du biexciton (X
2), des excitons chargés positivement (X
+) et négativement
(X
−). Le schéma en insert représente la structure de bandes dans la structure Schottky.
La figure 2.4 montre le spectre d’émission sous excitation non résonante d’une boîte
quan-tique unique en fonction de la tension appliquée sur la diode. Les deux raies extrêmes peuvent
être identifiées comme étant l’exciton et le biexciton de la boîte quantique. L’énergie de liaison
biexciton-excitonE
X2−X=12 meV est en accord avec ce que l’on peut trouver dans la littérature.
Nous verrons plus en détails leurs propriétés dans la suite. Leur présence à tension nulle montre
que, dans ces conditions, l’état de charge de la boîte est majoritairement neutre. On observe
entre l’exciton et le biexciton, deux autres raies d’émission qui peuvent être les premiers états de
charge de la boîte quantique. L’application d’une tension positive ou négative sur la diode, en
déplaçant le niveau de Fermi vis à vis des états confinés de la boîte quantique, doit permettre de
les distinguer. En effet, lorsqu’une tension positive est appliquée, les états de surface et donc le
niveau de Fermi se rapprochent du niveau fondamental de trou dans les boîtes quantiques et peut
même passer au dessous. On doit alors charger positivement les boîtes quantiques par transfert
de charge. Au contraire, une tension négative appliquée à la surface de l’échantillon doit favoriser
les structures chargées négativement. On voit donc que la raie d’émission d’énergie 2092 meV
-2000
-1000
0
1000
2000
C
o
u
ra
n
t (
µµµµ
A
)
-10 -5 0 5 10
Tension (V)
T=5K
Fig. 2.5 – Courbe courant-tension d’une diode réalisée en plaçant des contacts électriques entre
le masque d’aluminium et et le substrat d’un échantillon de boîtes quantiques CdTe/ZnTe.
provient de la recombinaison d’un exciton chargé positivement, vraisemblablementX
+alors que
la raie d’émission d’énergie 2089.5 meV est liée à la présence d’un électron excédentaire dans
la boîte. Nous avons ici l’un des premiers arguments permettant d’identifier X
+et X
−dans
les boîtes quantiques CdTe/ZnTe. Au fil de ce manuscrit, nous verrons d’autres indices venant
conforter cette caractérisation, en particulier avec l’étude des boîtes quantiques magnétiques. Les
énergies de liaisons de ces deux états de charge sont relativement stables de boîte à boîte :
5.5 < E
X+−X<8meV (2.1)
8.5 < E
X−−X<10meV
La présence simultanée de X
−et X
+à tension nulle et le dopage p des boîtes quantiques
sont a priori contradictoires. Elle témoigne de la complexité des processus de charge dans les
échantillons étudiés. En particulier, l’environnement local d’une boîte quantique (défauts ou
autres boîtes quantiques pouvant piéger des charges, structure de la couche de mouillage etc.)
constitue un facteur non négligeable dans les mécanismes de charge. Une excitation non-résonante
à 514 nm - 2412 meV - de la boîte quantique, du fait de cet environnement, influe sur l’état de
charge de la boîte.
Prenons l’exemple de la couche de mouillage. Si celle-ci est presque inexistante, l’énergie
d’excitation étant supérieure de 20 meV à la hauteur des barrières de ZnTe, les électrons et
les trous sont injectés majoritairement dans les barrières. Dans les boîtes CdTe/ZnTe, il a été
démontré qu’il est plus approprié de considérer des mécanismes de capture séparée de porteurs
provenant des barrières [37]. La probabilité de capture d’un électron ou d’un trou seul serait trois
fois plus grande que celle de capturer un exciton. A faible excitation, l’état de charge de la boîte
peut donc évoluer entre des états neutres, chargés positivement, ou négativement. On peut en
outre imaginer que la probabilité de capturer un électron est légèrement supérieure à celle de
capturer un trou étant donné la différence de profondeur du puits de potentiel que représente
une boîte CdTe pour les deux types de porteurs.
Au contraire, si l’on a une couche de mouillage bien formée, la différence de confinement des
électrons et des trous doit jouer un rôle important étant donné la section efficace de la couche de
mouillage vis à vis de l’excitation. Les transitions indirectes entre la couche de mouillage et les
barrières ne peuvent pas être négligées. Elles privilégient l’injection d’électrons dans la couche
de mouillage qui peuvent ensuite relaxer rapidement dans les boîtes. Dans ce cas la probabilité
d’obtenir des boîtes quantiques chargées négativement doit être assez importante.
Dans le cas de la boîte quantique présentée en figure 2.4, le spectre d’émission en champ nul
montre que la probabilité pour la boîte d’être chargée négativement est faible. On peut donc
supposer que la couche de mouillage a peu d’influence dans cet échantillon. Parallèlement, des
pièges de charges aux environs de la boîte quantique peuvent influencer son état de charge.
L’application d’une excitation non résonante doit tendre à neutraliser cet environnement et donc
à modifier l’état de charge de la boîte quantique. Cependant cette influence est difficile à mesurer
et varie d’une boîte à l’autre.
Dans le document
Détection de spins individuels dans les boîtes quantiques magnétiques
(Page 31-34)