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7.1. CEC et inflammation

La technique de CEC est utilisée depuis les années 1950 afin de remplacer les fonctions cardiaque et respiratoire au cours d’interventions chirurgicales. Un circuit de CEC est classiquement composé de tubulures permettant le drainage du sang veineux, la récupération sanguine et la réinjection du sang artériel, d’un réservoir veineux ou cardiotome, d’une pompe, d’une membrane d’oxygénation et de décarboxylation et de filtres. Le circuit est relié à un échangeur thermique.

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Plusieurs conséquences ont été imputées à la CEC : saignement, hémodilution, modifications importantes de la volémie, traumatisme mécanique des éléments sanguins et survenue d’un syndrome inflammatoire [133, 134]. Un rôle propre de la CEC dans la survenue du syndrome inflammatoire indépendamment du traumatisme chirurgical a en effet été rapporté [134, 135]. Deux phases ont été décrites concernant ce syndrome plus connu sous le nom de SIRS pour syndrome inflammatoire de réponse systémique.

Une première phase, précoce, survient à l’initiation de la CEC et est causée par le contact des composés du sang (cellulaires et humoraux) avec le matériel synthétique du circuit. Ce contact « non endothélial » est pourvoyeur de thromboses d’où la nécessité d’une héparinisation générale. Le sang hépariné au contact du circuit va néanmoins activer les systèmes du contact, de la coagulation intrinsèque et extrinsèque, du complément, de la fibrinolyse ainsi que les cellules endothéliales, les lymphocytes, les monocytes, les neutrophiles et les plaquettes [135-139]. Les cytokines identifiées dans le sang des patients sont principalement : TNF-α, IL-1, IL-6 et IL-8 [140-142]. Ce même phénomène est retrouvé lors du contact air-sang notamment au niveau du cardiotome [143].

Une seconde phase, tardive, est constatée lorsque la durée de la CEC s’allonge. L’activation des composés du sang diminue du fait de l’adsorption des protéines à la surface du circuit rendant celui-ci plus biocompatible (phénomène de passivation). Une autre phase a été décrite en cas de clampage aortique du fait des lésions d’IR et du relargage sanguin d’endotoxines d’origine digestive (par translocation due à la vasoconstriction du territoire splanchnique)

[137].

Le passage d’un flux pulsatile à un flux artériel laminaire lors de la CEC semble également en cause dans la génération de la réponse inflammatoire. La pulsatilité par le phénomène de shear stress est en effet nécessaire au niveau endothélial pour la génération d’eNOS [134].

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De nombreuses avancées technologiques ont permis d’améliorer les circuits de CEC. Le développement de surfaces biocompatibles enduites à l’héparine et l’utilisation de circuits miniaturisés afin de réduire la surface de contact et l’hémodilution ont montré un effet positif en clinique [133, 136, 138, 144]. La « mini-CEC » ou minimal extracorporeal circulation (MECC), circuit ne comportant pas de réservoir veineux, permet de s’affranchir du contact air-sang au niveau du cardiotome [143]. Le remplacement des pompes à galet par les pompes centrifuges a également permis de réduire l’hémotraumatisme [137]. L’utilisation de filtres à leucocytes sur le circuit reste controversée devant l’absence de bénéfice clinique démontré malgré de nombreuses études [145].

L’administration de substances pharmacologiques anti-inflammatoires a également été expérimentée dans le contexte de la chirurgie cardiaque. L’utilisation de corticoïdes, dont les propriétés inflammatoires bien connues par augmentation d’IL-10 et réduction d’IL-6 et d’IL-8, a été largement étudiée mais son utilité clinique reste débattue [143]. D’autres études expérimentant l’utilisation des statines, de l’aspirine, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion [146], d’antioxydants (sélénium, vitamines C et E, zinc, N-acétylcystéine et glutamine) [143] et de nombreuses autres molécules bloquant la réponse inflammatoire [135,

147, 148] ont été publiées. Leur efficacité reste difficile à établir car du fait de son mécanisme

plurifactoriel, la diminution d’un seul composant de la réponse inflammatoire ne suffit pas à l’anéantir et à conférer un bénéfice clinique [148].

La technique d’ECMO, dont le matériel correspond globalement à un circuit de CEC clos miniaturisé, s’est développée dans les années 1970 initialement sur des indications respiratoires. Depuis les dix dernières années, son utilisation en veino-artériel sur des défaillances cardiaques ou mixtes, s’est largement diffusée. Le même phénomène de SIRS a été décrit chez les patients assistés par ECMO. Il est à noter que, bien que s’affranchissant du

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contact air-sang, le contact sang-circuit est par contre prolongé, l’ECMO pouvant rester en place plusieurs jours voire plusieurs semaines [141, 144].

7.2. CEC et fonction rénale

L’amélioration de la fonction rénale en postopératoire de chirurgie cardiaque en l’absence de CEC (revascularisation myocardique à cœur battant) plaide pour un effet délétère de la CEC sur le rein [133, 149, 150].

Comme vu précédemment, la mise sous CEC va entraîner le passage d’un système vasculaire avec compliance élastique à un système rigide [134] et d’un flux pulsatile à un flux laminaire non physiologique qui va avoir un effet délétère sur le rein du fait d’une moins bonne microcirculation [141, 147]. Sous ECMO, le flux sanguin est un mélange de flux laminaire généré par l’assistance et de flux pulsatile selon la fonction cardiaque résiduelle [141, 151,

152].

Par ailleurs, l’hypovolémie sur constitution d’un troisième secteur du fait du SIRS, la nécessité parfois de vasoconstricteurs à hautes doses, l’hypoxie et l’anémie par hémolyse sont également en cause dans l’hypoperfusion rénale prédominant au niveau de la corticale [151]. Il existe en effet une corrélation entre la profondeur de l’hémodilution et la survenue d’insuffisance rénale postopératoire [153].

Selon le registre de l’Extracorporeal Life Support Organization, plus d’un tiers des patients sous ECMO développe une insuffisance rénale aiguë, avec nécessité d’avoir recours à une épuration extra-rénale qui constitue un facteur pronostique péjoratif de survie [154, 155]. La défaillance rénale peut être bien entendu en lien avec la pathologie initiale mais il est prouvé que l’ECMO a des conséquences propres sur l’organe d’origine multifactorielle [151, 153-

159]. En effet, en plus des altérations hémodynamiques décrites ci-dessus, les autres

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- La dysrégulation hormonale au niveau du système rénine-angiotensine-aldostérone en charge du maintien de l’homéostasie hydrosodée et la down-régulation de l’atrial natriurétique peptide ;

- Le syndrome cardio-rénal et l’interaction poumon-rein ; - Les phénomènes emboliques ;

- Les possibles lésions traumatiques vasculaires lors de la canulation.

Ainsi, le principe de la CRN (circuit fermé, non pulsatile, de quelques heures, limité à la région sous-diaphragmatique), va nécessairement avoir des conséquences propres sur des organes déjà fragilisés par l’ischémie chaude et dont le retentissement dans le cadre de la transplantation est à évaluer.

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