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2.   Microbiologie  habituellement  retrouvée

2.4. Les infections à Mucor : généralités

Les mucormycoses sont des infections dues à des champignons de l’environnement appartenant à la classe des Zygomycètes, de l’ordre des mucorales. Ces espèces (Mucor spp,

Rhizomucor spp, Absidia, Rhizopus) cosmopolites sont retrouvées dans les sols, les végétaux,

les matières en décomposition, et les graines des céréales. Elles sont responsables d’infections opportunistes de très mauvais pronostic. Ces espèces représentent la troisième cause

d’infections fongiques dans la population d’hémato-oncologie derrière les aspergilloses et les candidoses (35).

Les facteurs de risques sont communs aux autres infections fongiques (hémopathies malignes, leucémies, neutropénie, corticothérapie, greffe, traitement de chimiothérapie et traitement antirejet). La contamination se fait par inhalation de spores produites en abondance par le champignon. La contamination digestive (ingestion de produits contaminés) ou cutanée suite à un traumatisme sont possibles. La porte d’entrée du champignon et la pathologie sous-jacente sont à l’origine des manifestations cliniques de cette infection. Les manifestations les plus retrouvées sont pulmonaires et rhino-cérébrales, mais elles peuvent également être locales (pulmonaires, cutanées et gastro intestinales) voire disséminées. La présence d’une fièvre associée à une hémoptysie et une toux est retrouvée lors d’une atteinte pulmonaire. Cette infection provoque une nécrose des tissus environnants par thrombose extensive des vaisseaux (36). Cette physiopathologie explique le pronostic très sévère de ces infections.

2.4.1.1. Diagnostic

Le diagnostic reste très difficile et il est souvent confirmé après le décès du patient. Les prélèvements peuvent être respiratoires (aspiration trachéale, LBA) ou des biopsies cutanées et osseuses.

Au point de vue microscopique, on observe des filaments courts et irréguliers, larges (de 5 à 15 microns) et surtout à angles droits et non cloisonnés ce qui les différencient des Aspergillus. Ils présentent une croissance rapide à 37°C mais leur culture reste très difficile. Dans l’étude réalisée dans le service d’hémato-oncologie pédiatrique recensant les cas de mucormycoses entre 1991 et 2011, seules deux cultures sur 11 produits de LBA ont été positives (4). Sur le plan macroscopique, on observe des colonies duveteuses avec un mycélium aérien. La couleur passe du blanc au gris foncé suite à la sporulation. Le diagnostic moléculaire présente une sensibilité plus importante que la culture mycologique. Il est réalisé par amplification et séquençage de certaines régions géniques (régions ITS et de L’ARN 28 S) permettant son identification.

Le diagnostic de l’infection est confirmé lorsque la culture des tissus stériles est positive, si des isolements répétés de sites stériles avec un nombre important de colonies ou bien lorsque l’examen direct des prélèvements est positif avec une morphologie caractéristique du champignon et des lésions.

2.4.1.2. Traitement

Le spectre de certaines molécules antifongiques ne s’étend pas aux zygomycètes, c’est le cas pour voriconazole et caspofungine qui sont inactifs. Seule l’amphotéricine B et ses formulations lipidiques présente une bonne sensibilité vis-à-vis de ces espèces mucorales.

Le posaconazole possède une efficacité dose dépendante, variable selon l’espèce étudiée mais inférieure à celle de l’amphotéricine B. Cependant, il est utilisé en traitement de sauvetage (37).

Le traitement chirurgical possède une place importante dans le traitement des mucormycoses. La réussite du traitement dépendra de la précocité du diagnostic, du choix de la molécule antifongique, de la pathologie sous-jacente et de la possibilité du traitement chirurgical.

a) Observation

Une étude rétrospective montre l’émergence d’infections fongiques chez les patients greffés de moelle et traités par voriconazole. Parmi ces patients 4 cas de zygomycoses ont été diagnostiqués chez des patients greffés avec GVH et ayant reçu du voriconazole en prophylactique ou probabiliste pour des nodules pulmonaires (avant diagnostic de la mucormycose) (38).

Parmi l’étude réalisée dans le service d’hémato-oncologie pédiatrique de Nancy entre 1991 et 2011, un cas se retrouve dans notre population d’étude et nous permet d’illustrer la gravité de cette infection. Il s’agit d’un patient âgé de 11 ans atteint d’une LAM et ayant fait une rechute suite à son premier protocole de chimiothérapie. Dans les suites de son deuxième protocole (en RC2) il a bénéficié d’une allogreffe non apparentée et d’une radiothérapie corporelle totale en juillet 2010.

Il a reçu tout d’abord un traitement par fluconazole (Triflucan®) 200 mg, 2 fois par jour suite à des dépôts blanchâtres sur l’arbre bronchique et sur l’amygdale gauche. Le fluconazole après 12 jours de traitement a été relayé par itraconazole (Sporanox®) rapidement arrêté car les dosages sériques étaient trop faibles. Suite à une antigénémie aspergillaire positive (les suivantes étant négatives) il est mis sous Cancidas®.

En février 2013, le patient présente un tableau de pneumopathie basale gauche avec un syndrome inflammatoire biologique ainsi que des douleurs à l’épaule gauche. La radiographie réalisée confirme la pneumopathie basale gauche et un poumon blanc à gauche. Son état clinique se dégrade rapidement avec une hypotension nécessitant deux expansions volumiques, et des difficultés respiratoires. Un traitement antibiotique est débuté et une association Vfend® et Ambisome® est alors initiée. Le 25 février la documentation du

Rhizomucor sur LBA impose l’arrêt du Vfend® et l’augmentation de l’Ambisome® à 10mg/kg/j avec surveillance de la fonction rénale. Le posaconazole (Noxafil®) est ajouté à la dose de 200mg per os, 4 fois par jour avec surveillance de sa concentration du fait de son hépatotoxicité.

Le contrôle de la radiographie montre un épanchement pleural gauche, prélèvement dans lequel une documentation de Rhizomucor est mise en évidence. Le patient présente une dégradation rénale et respiratoire nécessitant une ventilation mécanique et une hémofiltration. L’atteinte rénale oblige à une diminution de la posologie de l’Ambisome® à 7,5 mg/kg/j, et le

dosage sérique du posaconazole montre une dose non efficace ce qui nécessite un doublement des doses administrées.

Le scanner thoracoabdominal montre une atteinte pulmonaire bilatérale rendant impossible une intervention chirurgicale. Après 11 jours de traitement curatif antifongique, le patient décède suite à une détresse respiratoire croissante.

b) Discussion

Ce cas clinique du service nous montre la démarche thérapeutique face à une rhizomucose. Le voriconazole, n’ayant pas d’activité sur l’espèce Rhizomucor a été arrêté dès la documentation mycologique, une association amphotéricine B (Ambisome®) et le posaconazole était donc nécessaire devant la gravité de la situation.

Le nombre réduit de molécules ayant une efficacité sur ce champignon ainsi que la gravité des symptômes et la rapidité de la dégradation clinique expliquent que la prise en charge reste très difficile et que le pronostic soit très sombre devant ce type d’infection fongique.