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L’évolution des indices biologiques au sein de la DCE a conduit à l’étude des incertitudes induites par l’application des différentes méthodes. Les incertitudes ont été largement abordées dans les programmes de recherche précités plus particulièrement par le programme WISER. Dans ce chapitre, nous donnons tout d’abord quelques définitions des incertitudes (Titre 1), puis nous aborderons les sources d’incertitudes liées aux évaluations de l’état écologique des rivières par les macroinvertébrés et les macrophytes (Titre 2).

Titre 1 : Qu’est-ce que l’incertitude

L’incertitude, ou le caractère de ce qui est incertain (Larousse, 2014), est au cœur de nombreux domaines scientifiques et s’est trouvée introduite dès 1797 par Jean-François de La Pérouse, au cours de son voyage autour du monde (1785-1788). Il mettait en doute la précision des mesures liée à l’utilisation des tables de la Lune5, bien que celles-ci aient été réalisées par des opérateurs parfaitement exercés (Milet-Mureau, 1797). En médecine également, Claude Bernard montrait que l’expérimentateur pouvait avoir un rôle dans l’incertitude du fait de ses connaissances et ainsi conduire à une imprécision (Bernard, 1865). En physique quantique, il était impossible, en théorie, de connaitre simultanément la position et la vitesse d’une particule avec

une précision supérieure à un certain seuil. Heisenberg comprit que toutedétermination liée à la position et de la quantité de mouvement de la particule observée serait entourée d'incertitudes (Heisenberg, 1930) et développa les « relations d’incertitudes ».

Ainsi, la notion d’incertitude peut être déclinée dans plusieurs domaines scientifiques

thématiques. En sciences économiques et sociales, par exemple, l’incertitude est affiliée à la notion de variable inobservable dépendante d’autres variables observables (Bloom, et al., 2013) ou encore à la notion de probabilité ou de risques (Moureau & Rivaud-Danset, 2004; Zinn, 2008) et donne une limitation des approches économiques basées sur le concept d’efficacité dans le cadre de l’explication et de la prévision des résultats (Beckert, 1996).

Quelque soit le domaine, on s’accorde à penser qu’elle est liée à l’idée de mesure et donc de résultats. En conséquence, le notion d’incertitude s’est développée au travers de concepts de base associés aux différentes sciences et prend en compte différents paramètres variables pouvant entraîner un biais, une erreur. Par exemple, la précision d’un équipement de mesure que ce soit le sextant, un instrument de navigation utilisé au XVIème siècle, pour la Pérouse, ou une sonde de mesure de pH pour un technicien d’aujourd’hui, a surement un effet sur la mesure. L’opérateur qui effectue la mesure, selon son habileté, son expérience, sa formation ou encore son honnêteté

5 Les tables de la Lune de Mayer (1752) permettent de déduire la longitude grâce à la distance angulaire vraie entre deux astres mesurée au sextant. Toute erreur sur la distance observée produit une erreur trente fois plus forte sur la détermination de la longitude.

ou sa rigueur, peut influer sur la qualité de la mesure (ASME, 2007).

En métrologie, les incertitudes sont depuis longtemps appréhendées et mesurées. Des normes existent pour les définir et les quantifier. Ce traitement des incertitudes est celui qui peut le plus s’apparenter à celui utilisé en hydrobiologie. C’est pourquoi nous précisons les définitions des incertitudes proposées en métrologie. Une erreur de mesure est définie comme la « différence

entre la valeur mesurée d’une grandeur et une valeur de référence ou valeur vraie ». L’incertitude

de mesure caractérise la « dispersion des valeurs attribuées à un mesurande (grandeur que l'on veut mesurer) à partir des informations utilisées » (JCGM 200, 2008). Elle est, en général, associée

à une valeur déterminée attribuée au mesurande. Une modification de cette valeur entraîne une modification de l’incertitude associée. L’incertitude reflète donc le manque de connaissance

précise de la valeur d’un mesurande (JCGM 200, 2008) et reste toujours présente même après la

correction d’erreurs systématiques connues.

L’étude des incertitudes nécessite, en métrologie, la connaissance d’une valeur de référence ou d’une valeur prise comme telle, qui se rapproche de la valeur vraie et dont l’incertitude de mesure peut être considérée comme négligeable. Il est donc nécessaire de transposer cette notion à notre domaine. Dans une partie de notre recherche, nous avons considéré que les valeurs de références peuvent être les scores des indices basés sur les macroinvertébrés ou les macrophytes qui ont fait l’objet de vérifications. L’obtention des scores des indices repose sur des procédures complexes basées sur plusieurs étapes (terrain, laboratoire, saisie des données et opération de calculs des métriques et indices) et passées entre plusieurs mains (technicien préleveur, technicien laborantin, opérateur de saisie). En comparant ces valeurs avec des valeurs obtenues après dégradation par le biais d’un modèle virtuel des indices, nous pourrons mesurer des écarts et donc des incertitudes. Les incertitudes peuvent découler de la variabilité de différents facteurs pris en considération lors d’une mesure. Il est donc important de cibler les incertitudes que nous

considérons ici, à savoir l’effet de la variabilité intra-substrat, l’impact de l’opérateur réalisant les manipulations sur le terrain, au laboratoire et aux différentes étapes de production. Ces incertitudes peuvent affecter les scores des indices basés sur les macroinvertébrés et les macrophytes. Les stratégies de recherches s’y rattachant ainsi que les choix réalisés seront détaillés ci-après dans le chapitre 3.

étudiées et démontrées depuis les premières étapes de la mise en place des normes relatives aux indices biologiques (XP T 90-333, NF T 90-395) (AFNOR, 2003; AFNOR, 2009). En effet, elles représentent un véritable sujet de préoccupation des hydrobiologistes. Comme expliqué ci-après, elles font l'objet de programmes de recherche à différents niveaux géographiques, notamment européen, qui s'inscrivent dans le cadre de la Directive européenne Cadre sur l'Eau (Directive 2000/60/CE, 2000) mais traitent essentiellement des indices basés sur les macroinvertébrés.